Dans l’intimité complice du Chef raide, le bar de la rue Montoir Poissonnerie, se déroulait hier un événement porteur de belles espérances : la sortie d’un nouveau magazine entièrement consacré à l’actualité de la scène musicale normande.
À l’heure du numérique et des réseaux sociaux, l’édition d’un journal papier relève d’un pari fou qui peut répondre à une nécessité, un besoin ou un caprice ou, qui sait, à une demande urgente.
Vers 20h, hier soir, Stéphane Ronarc’h, le responsable de cette aventure, se tient derrière une table, à l’entrée du bar, et vend son “bébé” au modeste tarif de 6 euros. Les Sons de l’Arsène, donc, dans sa première édition, soit un un robuste 32 pages en couleurs. De la lecture donc, pas mal de lecture, et des illustrations, soit l’essentiel de ce qu’on peut attendre et espérer. Comme le signale clairement l’édito, signé Stéphane Ronarc’h, Les Sons de l’Arsène entend bien couvrir l’ensemble du spectre de l’actualité musicale régionale, des artistes les plus installés aux jeunes pousses les plus improbables. Evidemment, je me précipite vers “la” page electro consacrée à Bi Adab, une formation qui, en novembre dernier, avait présenté à la Demeurée un aperçu de son travail. Spécialiste autoproclamé ( et contestable) de ce genre musical, j’avoue que cette proposition musicale était passée à la trappe de mon radar de concierge et ce n’est pas là la moindre des qualités de ce magazine de me le rappeler. Petit bémol qui sera certainement corrigé dans les prochains numéros, on aimerait bien trouver des liens rapides ( QR code ?) pour passer naturellement de la lecture à l’audition de quelques pistes, histoire de mieux cerner le propos.
À la lecture des différents papiers, on sent une complicité bienveillante avec les artistes chroniqués, ce qui ne va pas, parfois, sans une certaine censure critique, comme dans cet article consacré au retour de GaBlé où Charles-Antoine Hurel souligne par avance la nullité de la pertinence d’une question sur l’album de la maturité. Les questions posées aux artistes référencés dans ce premier numéro sont encore très souvent formatées autour d’interrogations formelles ( l’argent, l’équipe artistique, les prochaines dates…) mais on se plaît à rêver à une future approche plus incisive qui, tout en maintenant l’esprit généreux initial, permettrait des confessions plus mordantes tout en éloignant encore plus le risque de pages purement promotionnelles. Quelques signatures expertes, comme l’article de J.C Lemenuel consacré au groupe métal cherbourgeois Salò, installent une volonté d’ouverture vers des approches critiques enthousiasmantes et finissent par convaincre de l’évidence de cette nouvelle proposition. Même si nous ne sommes pas sur le même créneau éditorial, je ne peux qu’être heureux de la création de ce magazine qui vient très opportunément remplir un vide incompréhensible. Comment une région aussi riche en personnalités musicales créatives peut-elle se contenter d’une si médiocre couverture journalistique locale ? Dans une militantisme relatif ( 6 euros, même pas le prix d’une pinte), on peut donc, en achetant Les Sons de l’Arsène, soutenir et accompagner une démarche utile, réjouissante et qui sait, stimulante !
Le triangle d’or “electro” de la Tour Leroy.
En sortant du Chef Raide, il n’y avait que l’embarras ( réel) du choix pour poursuivre musicalement ce vendredi soir. À quelques pas de là, le Scandale, rue Buquet, offrait son cadre cosy à Fred H. Première tempête sous un crâne qui en connaîtra d’autres, puisque quelques pas plus loin, aux Trois marches, l’appel de Conversation, le duo percutant de Sainte Chanelle et Leo Larbi me fait lui aussi les yeux doux. Et que dire de cette soirée aux Déserteurs ( je sais c’est un peu plus loin !) avec une affiche digne d’un festival ( Vince Vega en B2B avec R’1, et surtout Toolkit avec Nurse Erica, qui sait, en rodage de la future étape du Dox’art…) ?
Toujours sous le charme de Sainte Chanelle, va pour les Trois marches. Heureux choix et quelques pépites de plus dans ma besace musicale ( merci pour ce partage complice des infos). Comme je pouvais l’espérer, la sélection est toujours aussi riche et musicale et seule la sonorisation un peu trop violente cette fois-ci me pousse (un peu à regret) à laisser ici cette si prometteuse “Conversation” musicale. Paresse, facilité ou simplement le plaisir d’une pause amicale, je me dirige naturellement vers le Trappist où officient les trois “lascars” Vertuoze, HCO et Møla pour une Trapp’ house party. Si l’ambiance est bonne enfant, elle n’est pas à la danse et ce n’est pas la faute des artistes, qui, dans une ronde intelligemment construite, alternent en boucles et en kicks. Il y a des soirs, comme ça, où l’heure est plus à la causerie qu’aux déhanchements…
Que retenir de cette déambulation musicale ? Richesse, profusion même des offres, au risque de saturer le tout. Aux esprits chagrins ou “parisiens”, qu’on ne vienne pas nous dire qu’il ne se passe rien dans notre ville, tout au plus ( et ce n’est pas rien) peut-on réellement regretter l’absence d’un véritable club “electro” de qualité qui nous permettrait de conclure, en beauté, les belles promesses musicales d’un banal vendredi caennais.