Cela faisait quelques temps que je n’avais pas remis les pieds au Portobello, changement d’herbage réjouit les veaux, comme dit la sagesse populaire. De retour sur les quais de canal, je découvre quelques petits aménagements bienvenus, comme cet auvent qui désormais protège de la pluie les clients. Je découvre aussi une assez incompréhensible politique tarifaire en matière de droit d’entrée, dix euros le jeudi contre sept le samedi, sans parvenir à saisir la politique économique ou artistique qui se cache derrière cette disparité.
Equinox, un collectif en devenir…
Jeudi soir donc, c’est un jeune collectif qui inaugure ma fin de semaine portobellienne ( l’adjectif n’existe certainement pas mais ça sonne « classieux ») . Equinox events donc, un collectif qui, sur sa page Facebook, revendique deux années d’existence et une trentaine d’artistes à son actif, rien que ça ! La « note » de tête, comme en parfumerie, est techno-hardcore, une manière comme une autre de signaler la couleur. Vers 22h30, jeudi soir, la salle est assez vide, mais c’est une des petites malédictions du lieu qui ne devient que vers 1h du matin un haut lieu de la nuit locale, après la fermeture des bars. C’est donc toujours une redoutable gageure pour l’artiste en charge de warm up. Derrière les platines Popeye, un jeune dj qui enchaîne des uppercuts de kicks dans une indifférence polie. On peine encore à cerner un discours musical personnel mais les codes sont là, maîtrisés avec un professionnalisme certain. Puis c’est au tour de Banzai qui, derrière une allure de sage jeune fille, va faire défiler les notes de son univers. Ça commence avec un Deception de Randy Katana, et ça me parle. Quarante courtes minutes où l’audace de certaines transitions côtoie parfois le formalisme du genre. On sent une certaine fébrilité à en dire beaucoup mais ça passe dans une efficace montée en bpm. Le collectif est jeune mais il réplique, à la lettre, la politique des anciens avec l’accueil du… guest ! C’est forcément un gage que la venue d’un guest et ce soir il s’agira d’1FAM. Il installe son live avec une lente et ingénieuse construction déroutante qui nous mène plus du côté de l’ambient mais c’est pour mieux lâcher sa cavalcade de gros, très gros kicks enrobés dans une sorte de frenchcore old school. Cette kyrielle de termes fait plaisir aux initiés ( ou à ceux qui font semblant de l’être) mais pour les autres, il faut imaginer quelques petits gammes mélodiques qui ne sont là que pour servir de porte d’entrée à une battue rythmique trépidante. La magie 1FAM fonctionne pour un temps mais la régularité du procédé et les prévisibles kicks donnent à l’ensemble un ronronnement apprécié par les amateurs du genre mais qui finit tout de même par donner une petite impression de piétinement.
Pour finir la soirée Popeye revient et avec lui l’affirmation hardcore qui signe définitivement l’esprit de la soirée. On sent bien la signature qu’Equinox events souhaite imposer mais l’impression générale ne se défait pas d’une certaine sagesse. Il ne suffit pas de bastonner un style qui devient vite caricatural, il faut aussi le faire avec une sorte de légèreté désinvolte et « punk ». Jeudi soir, Equinox events faisait son premier Portobello et on sentait bien cette pression qui aura un peu bridé la folie nécessaire à ce genre de musique.
Ladacore, une recette efficace
Autre ambiance samedi soir avec le retour de la très attendue scène à 360 degrés imposée depuis quelques temps par Ladacore. Le principe de la soirée est simple mais il fait mouche à chaque fois puisqu’il s’agit de placer les artistes au milieu de la salle, permettant ainsi aux danseurs de tourner tout autour. En lançant ce principe pour le Portobello depuis quelques temps, Ladacore a réussi à capter un public avide de l’esprit généreux de la proposition. Pour le dire encore plus simplement une soirée Ladacore au Portobello c’est l’assurance d’un moment festif et musical. C’est l’assurance aussi d’un son Ladacore, subtil mélange entre un esprit teuf de bon aloi et la douce moiteur d’un club electro surchauffé. Pour assumer cet héritage, Tom aka Zub et Asphalte sont de sortie. Dans un dialogue millimétré entre eux, ils poussent des pistes qui lentement nous glissent dans un bain techno. Derrière eux, une petite palissade en bois délimite la scène et la salle et servira ensuite d’écrin pour la venue de deux danseuses accompagnant la « nu disco » du dj L’Otaré. Nu disco … encore un concept musical qui ici cache une relecture des années 70-80 soigneusement ( et parfois grossièrement) élevées aux hormones de kicks. De la bonne vieille disco donc mais dans des remix comme ce Baby hot stuff de Bob Musella qui ouvre le set de L’Otaré. A peine le temps d’enfiler son gilet de fourrure sur un torse nu mais…pailleté, L’Otaré enfile ensuite les classiques du genre comme ce Gimme Gimme qui fait rugir la salle de plaisir. Pendant plus d’une heure, c’est une douce régression nostalgique qui prouve, s’il en était besoin, que c’est encore dans les vieilles casseroles disco qu’on fait les meilleures soirées. Pour ambiancer la salle ( qui n’en avait pas besoin tant elle était acquise à la cause) les deux danseuses distillent une chorégraphie, entre langues des signes version Eurovision et contorsions émoustillantes. Ça vous donne à l’ensemble un côté deuxième ou troisième degré sans jamais savoir si on est figurant dans une reconstitution Arte du Palace ou dans une soirée mousse …sans mousse. Inutile de faire la fine bouche devant les choix musicaux aussi évidents qu’efficaces et c’est bel et bien un innocent moment d’oubli et de partage qui embrase la scène.
Pour finir la soirée, les artistes du warm up reprennent la main et on revient sur des sons moins nostalgiques mais toujours aussi …dansants. La salle du Portobello est pleine à craquer et dehors, le public fait la queue, dans l’espoir de rentrer tout en comptant, un à un les rares sortants. Cela ne se sait peut être pas assez, mais la douce folie innocemment transgressive de Ladacore reste une des valeurs sûres de la nuit caennaise et cette nouvelle proposition m’aura permis de finir ma semaine Portobello avec des paillettes dans les yeux et dans les oreilles.
Erratum: je veux signaler une malencontreuse inversion entre les deux djs d’Equinox, et, ultime erreur, il ne s’agissait pas d’une première au Portobello pour l’ensemble du collectif.