Après une Big (small) party vendredi soir, place à un micro (big) Festival le lendemain. Décidément pour ce week-end du 11 novembre, nos organisateurs de soirée auront été confrontés à des questions de mesure, big pour les uns, micro pour les autres, mais si on laisse de côté les questions de taille ou de poids que reste-t-il ?

Le collectif Mad Brains est un peu chez lui à la Demeurée. Depuis quelques années, c’est dans cette ferme relookée en espace culturel et associatif près de Caen qu’ils nous proposent des soirées aussi punchy que parfois radicales. 

Deux soirs de suite, Mad Brains envahit une nouvelle fois la Demeurée avec ce découpage esthétique qui, à l’image des guerres de religion, convoque les amateurs de house music le vendredi et les adorateurs de techno le samedi.

Place à la techno donc le samedi ! Dans l’écurie Mad Brains, riche en artistes techno, on compte désormais un nouveau poulain : Angseth. En filant la métaphore animalière on sait pourtant que ce dj n’est plus un perdreau de l’année de la scène caennaise puisqu’il cumule déjà près d’une dizaine d’années de visibilité sur scène. 

Calquée sur un modèle historique et discutable, les soirées electro reproduisent encore et toujours le même programme : plus on avance dans la soirée et plus on a son nom en gros sur l’affiche, bref les « petits » jouent devant une salle presque vide ( le warm up) et les « gros » débarquent vers deux heures du mat dans une salle chauffée à blanc. Serait-il permis un jour de revoir ce schéma surtout quand les supposés « guests » de fin de soirée se révèlent peut-être moins innovants ou talentueux que les chauffeurs de salle ou boute-en-train ( pardon pour la métaphore chevaline).

C’est donc Angseth qui ouvre le bal, samedi soir, pour cette nuit techno. Je reconnais bien volontiers que sur mon île déserte, j’ai déjà ma liste deep house, ambient mais que côté techno, je reste le plus souvent circonspect tant je me lasse vite de la rythmique parfois besogneuse et froide de cette musique. Très souvent, il y a dans les sonorités techno actuelles une fascination pour l’explosion immédiate du kick au détriment d’un dialogue musical complexe. Pour le dire avec moins d’élégance c’est tout de même souvent un son de bourrin qui cogne ! Durant près de deux heures Angseth sera parvenu à me faire revoir tous mes fondamentaux ( et ma vision un peu caricaturale) tant il aura réussi à faire … de la musique là où trop souvent je n’entendais que du son. Derrière chacune de ses pistes se dessinait un panoramique paysage sonore dans lequel évoluaient de délicates et subtiles figures tantôt énigmatiques tantôt réalistes, comme ce fragile pépiement d’oiseaux qui, en plein milieu de son set, transporte le public ( encore maigre vers 21h) dans une volière de conte de fées. Le son techno, quand il se met en branle, m’évoque toujours la cavalcade d’une armée de yankees. Avec Angseth ( et c’est là la force des plus grands artistes) cette cavalcade parfois vaine n’oublie pas les Indiens à détruire, les caravanes de colons à sauver, et mieux encore la belle et tendre jeune fille à défendre des griffes du méchant ranger. Bref, il y avait, deux heures durant, un film musical qui se déroulait et on sortait enfin de cette pesante et lassante monotonie d’une scène à deux dimensions. Pour illustrer mes propos plus qu’élogieux j’en conviens qu’il me suffise de rapporter cette scène ( il y a des témoins) où des membres du public présents à son set sont venus vers lui en fin de soirée pour demander un selfie tout en criant haut et fort : « c’est ce qu’on a entendu de mieux ! ».  Le public a toujours raison ….

La grâce poétique d’Angseth semble avoir touché le reste des artistes Mad Brains et c’est le boss Ethereal Structure qui prend le relais dans un pont musical impeccable. J’écoute d’une oreille neuve et plus complice que jamais les froides boucles qui plongent le public ( enfin présent) dans le maelström d’une techno certes très épurée ( finis les westerns en CinémaScope) mais qui n’est pas sans évoquer de pliage d’une feuille de papier qui lentement se transforme en origami. Les codes du genre sont respectés à la lettre mais avec une légèreté nouvelle qui laisse à voir ( et à entendre) les subtilités cachées de certaines pistes. 

Vient le tour du toujours très attendu live du duo Bruderschaaft. Ils nous ont habitués à nous balader dans les recoins les plus sombres de leur caverne de geeks poly-instrumentistes et c’est toujours un peu groggy que l’on sort de cette expédition musicale. La cavalcade techno se prend dès le début un coup d’étrier dans les fesses et c’est sur des chevaux carburant à je ne sais quelle plante du diable qu’on galope, une heure durant sans toujours savoir vraiment où ils vont nous conduire. De temps en temps, des ( micro) silences arrivent mais c’est pour repartir de plus belle dans une chevauchée implacable. Le tout pourrait un peu gagner en structure mais il y a chez eux une telle science des textures sonores, veloutées ou grinçantes qu’on leur pardonnera bien volontiers les approximations de leur GPS. 

Voilà pour l’écurie Mad Brains et place aux guests avec les deux membres du label  français Skryptöm. Le line-up indiquait d’abord le vénérable Electric Rescue mais un petit pépin technique oblige Moteka à apparaître un peu plus tôt. Je ne sais pas si ces deux supposés têtes d’affiche sont la garantie d’un sold out en matière de billetterie mais la prestation de Moteka m’oblige tout de même à penser que ses digressions techno, de bon aloi sans aucun doute, ne viennent pas plier le game. C’était peut-être l’occasion de tester une nouvelle formule et de les inviter en début de soirée, histoire d’attirer plus tôt un public et surtout de pouvoir mettre en valeur et à sa juste place une nouvelle hiérarchie interne qui se dessine dans l’équipe Mad Brains. À suivre….

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