Par une étrange ironie de l’actualité c’est au lendemain de l’ouverture, au Théâtre de Caen, d’une exposition consacrée à Jo Tréhard que nous apprenons le départ de Patrick Foll, l’homme « fort » de ce même théâtre depuis le début de ce nouveau millénaire ! 

Un départ pour un retour ( en grâce ?) du fondateur de la Comédie de Caen, qui retrouve ainsi les honneurs d’un théâtre dont il fut pourtant chassé …Oh lala trop d’infos  : on fait donc un peu le point. Après une vingtaine d’années  de bons et loyaux services à la direction du Théâtre de Caen, Patrick Foll sera remplacé en janvier prochain par Grégory Cauvin, l’actuel directeur de la scène nationale de Forbach. D’aucuns craignaient (ou espéraient ?) une promotion interne, une tradition maison puisque Patrick Foll avait été le collaborateur de François-Xavier Hauville, le véritable inventeur de l’esprit  «Théâtre de Caen », un délicat et très bourgeois équilibre entre audaces « baroquisantes » et productions théâtrales très french High-quality. Une recette éprouvée et gagnante qui, sans faire de réelles vagues, donnait à notre vaisseau municipal une digne et respectable dimension « nationale » tout en tentant de maintenir une paix des braves avec un opéra de Rouen aux dents très aiguisés. Tout cela se passe dans le monde feutré de la bienséance et du bon goût et vaille que vaille, année après année, comme les feuilles du marronnier d’un château classé au patrimoine, on avait  droit à une programmation très chic, en bon père de famille comme on disait autrefois. 

C’est exactement au nom de cette même exigence de programmation chic et sans vague que Jo Tréhard s’est fait virer du Théâtre de Caen, juste après les événements de mai 68. En cette année de millénaire, il est peut être bon de rappeler qu’il avait organisé, en août 1951, un grand événement théâtral au château de Caen autour d’une pièce de Paul Blanchart  intitulée …. Guillaume de Normandie ! Rien de neuf sous le soleil ! Jo Tréhard donc, qui plus de cinquante après sa mort, est fêté dans ce même théâtre qui, dès son éviction, s’empressera de faire revenir opérettes et productions …de qualité. Luis Mariano vainqueur contre Brecht ! Mais il faudra compter sur l’esprit de résistance de Tréhard et son retranchement dans la salle paroissiale de la rue des cordes. Deux conceptions de la culture qui, aujourd’hui plus que jamais, restent hélas d’actualité. 

Le journal La Liberté nous apprend donc aujourd’hui, certainement en reprenant les mots du communiqué de la mairie, que le nouveau directeur « souhaite développer un projet réjouissant, ouvert et responsable, visant à enrichir et diversifier encore davantage l’offre culturelle du Théâtre de Caen ». Est-ce l’aveu de l’épuisement d’une formule ou la volonté, réelle ou affichée, d’inscrire le Théâtre de Caen dans une nouvelle dynamique, nous le saurons très vite, mais espérons que l’exposition Tréhard rappellera à ceux qui l’avaient oublié qu’il fut un temps où ce bâtiment était le cœur  réel de la vie intellectuelle caennaise. Que peut-on espérer de mieux si ce n’est qu’il le redevienne….

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