S’il y a bien une saison qui convient au teint de la Demeurée c’est le printemps et la soirée d’hier, dans ce tiers-lieu bucolique, ouvrait le bal de la nouvelle collection printemps-été 2025 de ce lieu incontournable dans le paysage musical caennais.

Depuis quelques semaines la drum’n’bass connaît un petit regain d’attention voire de popularité et après Call me Bass au Trappist c’est au tour de Factor[i] de nous proposer sa vision d’un mouvement musical, un peu négligé ces derniers temps, mais qui avait connu ses heures de gloire caennaises.

On retrouve donc avec plaisir, et sous une belle soirée d’avril, l’ambiance bohème-chic et canaille de la Demeurée, un mélange subtil entre Martine à la ferme, toilettes sèches comprises et club underground branché, la sélection géographique en plus. C’est que la Demeurée ça se mérite un peu et même si la ferme n’est pas au fin fond de l’Orne mais à la périphérie de Caen, c’est tout de même une petite expédition que de s’y rendre quitte à opter pour l’option bobo-friendly de la balade vélo-sono. 

Sur place, l’agencement lumineux est assuré par une signature incontestable  à qui l’on doit l’installation du Cūbe de l’église Saint-Sauveur lors du dernier festival Interstice. Nicolas Osmont donc, sans son alter ego Xavier Badaire, a tissé sur la charpente intérieure de la salle une composition géométrique, à base de ses guirlandes lumineuses fétiches, et qui sobrement mais avec élégance structure et éclaire la piste. Pour un peu on se croirait dans la ferme de Marie Antoinette à Versailles, dans son option Instagram. 

La surprise c’est de voir que ce même Nicolas Osmont officie derrière les platines et ouvre les hostilités musicales. En toute franchise, et je l’ai souvent écrit, je ne suis pas un grand connaisseur du genre et la drum’n’bass m’apparaît trop souvent comme le grand bassin d’une piscine olympique que j’observerais avec des yeux d’un enfant équipé de brassards de nage, bref je possède ni les codes chorégraphiques ni les clés esthétiques pour aborder sereinement cette musique, raison de plus pour tenter de comprendre une nouvelle fois comment ça marche. Petite critique que j’ai eu l’occasion de faire sur place, impossible de repérer une quelconque info sur le lineup de la soirée. Aucun risque de « starification » et encore moins de savoir qui est qui, j’en déduis, d’après la com Facebook que c’est donc l’alias Nikolson qui nous livre son warm up. Les codes du genre sont là, avec cette ligne mélodique distillée avec une parcimonie pointilleuse ( ou radine ) et qui n’est là que pour mettre en avant les percussions, répétitives et cassées (breakées pour faire genre…). Pour ma part, et sans prendre de risques, je choisis mentalement de caler mon rythme et mon écoute sur la section mélodique qui, sous les doigts de Nikolson (?) fourmille, mine de rien, de petites bulles récréatives. 

La Demeurée se remplit et le public, à son habitude se répartit dans les trois lieux stratégiques : le bar, le dancefloor et…la vaste loggia extérieure. Espace de rencontres et de « Chill », la loggia de la Demeurée aura pu s’honorer, hier soir ( attention reportage People ) d’accueillir à la fois Brusco du Cargö et Bruno du Skoll. Il faut peut être la neutralité bienveillante de ce tiers-lieu pour retrouver ainsi des représentants de structures que des logiques de public à préserver ou à conquérir opposent le reste de l’année. L’occasion, pour moi, de revenir sur mon billet consacré à la dernière édition du Skoll et de redire à quel point je souhaite, sincèrement, la pérennisation de cette folle et nécessaire entreprise. Dans la salle un deuxième dj ( personne pour me dire son nom, tant pis ) plonge, avec l’accord du public, dans la radicalité formelle du genre et c’est pour moi de plus en plus difficile de me rattacher à des fantômes de lignes mélodiques. Un danseur, généreux, glisse son heaume de chevalier des temps moderne ( un superbe casque blanc intégral avec ses lumières rouges et bleues) sur des têtes complaisantes tandis que les breaks…succèdent aux breaks.

Surgit un troisième larron ( on me glisse dans l’oreillette qu’il s’agirait de Blank mais dois-je me fier à cette parole un peu …perchée ?) et avec lui je peux enfin commencer à rentrer dans la subtilité réelle de la drum’n’bass.  Certes, ça débute parfois comme dans la scène finale d’un jeu vidéo avec le Boss qui veut votre mort, mais derrière cette accélération des bpm se cache un assez délicat dialogue entre un sous texte apaisé et sa tonitruante garde rapprochée percussive, un peu comme si derrière une foule hystérique il fallait protéger un petit enfant. Cette alchimie entre tendresse percussive  lascive et froideur rythmique, mine de rien, finirait presque par me séduire d’autant plus que Blank (?) laisse filer, avec nonchalance, des couleurs tech-house d’où s’échappent des boucles vocales, minimales, certes, mais qui fonctionnent comme des oasis de répit. 

En terme de fréquentation et de projet artistique, cette soirée Factor[i] est donc une belle réussite et qui sait, encore deux ou trois propositions de ce type et je finirai par faire mon coming out …drum’n’bass.

Ps rectificatif ( mais ce n’est pas de ma faute !) en fait c’est Kelib qui ouvre la scène ( en non Nikolson, sorry, puis B.man, Blank et Nikolson en closing. D’où la nécessité d’un affichage.

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