Pour sa première édition, le festival Electro Audiogram consacré aux musiques électroniques, Ambient(s) et expérimentales s’est installé au Conservatoire de Caen. Temple indiscutable de la musique « académique », le Conservatoire était, à y regarder de plus près, la meilleure des réponses pour cet événement à la frontière entre recherche sonore et applications immédiates ou futures dans notre paysage musical mainstream. Heureuse initiative donc qui aura permis aux spectateurs de voyager, durant près de quatre heures, dans le monde des bidouilleurs sonores locaux et de découvrir ainsi la richesse et l’inventivité d’artistes méconnus ou retranchés dans leur studio. 

En guise de « virgule » sonore entre les interventions « live » les organisateurs ont eu la bonne idée de confier au collectif Le lieu sonore l’interprétation de grandes pièces du catalogue acousmatique, à commencer par une œuvre de Christine Groult, musicienne caennaise qui, dès le début des années 70 va suivre ce mouvement musical qui place l’écoute au centre du dispositif en supprimant la performance du musicien et en combinant des sonorités  et des sons qui frappent et stimulent une sorte de construction mentale unique chez chaque auditeur. Cette musique, très expérimentale et avouons le parfois très ( très ) austère reste une expérience sensorielle unique et parfois involontairement comique comme ces grincements de portes de la petite salle du conservatoire qui, parfois, entamaient un concerto involontaire avec les « bruits » de la bande-son.

La scène accueille ensuite la première intervention visible d’un interprète, en l’occurrence Louison Audouard. On s’était habitué à voir cette scène plongée dans une sorte de pénombre romantique et qui pourtant laissait voir un instrumentarium hétéroclite, entre didjeridoo et machines pleines de boutons. Avec Louison Audouard on plonge sans préambule dans l’eau (froide) de la recherche sonore en découvrant un travail autour de l’effet larsen en résonance avec des petites percussions ( des toms) , instrumentation électrique contre instruments acoustiques : qui sera le vainqueur ? Nouvelle virgule acousmatique avec une pièce de … petite confusion entre Luc Ferrari et Bernard Parmegiani, notables représentants de la scène française de la fin du siècle dernier. Je viens faire mon grognon en demandant le nom des artistes et des pièces interprétées mais on me répond que c’est la volonté des organisateurs de ne pas les divulguer, histoire de ne pas donner un lineup qui ferait venir les amis ou les parents ( il y en avait ) uniquement lors des prestations… étrange décision qu’il faudra revoir au plus vite au risque de confiner l’ensemble à un gentil rendez-vous de poteaux .

Après avoir réussi à « voler » la fiche technique et donc le noms des prochains intervenants je sais que c’est au tour de Sonic Pod de nous proposer un petit voyage ambient réussi où alterneront des plages méditatives et des secousses rythmiques aussi percussives que violentes.

À l’entracte le bruit court, soigneusement propagé, qu’il ne faut pas rater Héliographe ( une indélicatesse involontaire pour les autres artistes) et c’est donc avec une curiosité accrue que je m’installe dans le confort relatif d’un paysage …wagnérien ! Aux notes du grand Richard succèdent très vite un florilège ambient de très bon aloi, entre nappes planantes à souhait et bruitisme contrôlé. La prestation convaincante d’Heilographe est complétée par un très beau travail de vjing qui, tout en symétrie, se cale parfaitement sur les attaques musicales pour créer un paysage envoûtant. Incapable de savoir qui se cache derrière cette onirique proposition je ne peux qu’en déduire qu’il s’agit du même artiste qui, dans des exercices plus risqués, va créer sous nos yeux un habillage visuel en dévoilant, par coquetterie ou pudeur, les lignes de programmation qui commandent et dirigent les images, un processus  de révélation encore balbutiant mais qui participe d’une démarche très intéressante.

Unaussprechliche Kulten prend le relais avec ses kicks saturés et saupoudrés de matières sonores passées à la moulinette de distorsions électroniques et c’est enfin Ora Bora (version in Sun) qui vient clore ce voyage dans la salle à travers l’évocation d’une jungle tropicale toute conquise à l’appel du didjeridoo, un mariage efficace et très (trop) confortable entre sonorités millénaires et Chill numérique.

Pour finir le hall du conservatoire accueille SPRNS qui, en parfaite professionnelle, saura maîtriser ses audaces drum’ ´bass dans une délicate décoction aussi « classe » qu’intimiste, good job, as usual ! 

Espérons que ce galop d’essai va déboucher sur une proposition pérenne et avec un peu plus d’informations et d’appui pédagogiques pour les novices on tient là une proposition qui mettra superbement en valeur des artistes à découvrir sans attendre.

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