À l’heure où l’on ne parle de Caen que pour la relégation du stade Malherbe, il n’est peut-être pas inutile de rappeler les risques et les avantages de pouvoir « jouer » dans sa catégorie. Je ne vais pas filer la métaphore footballistique trop longtemps mais c’est un étrange paradoxe de voir un équipement optimal ( le stade Malherbe) servir d’écrin à une équipe de bras cassés et de voir par ailleurs, tout au long de l’année, une belle équipe d’artistes electro caennais se démener dans des lieux  qui les condamnent à museler leur talent. Il faut le dire et le redire ici, sans un véritable Club consacré toute l’année à la mise en valeur de cette scène musicale, elle se voit irrémédiablement condamnée à végéter dans une sorte de troisième division et, pire encore, incapable de permettre l’émergence et la reconnaissance d’artistes locaux qui n’auraient pourtant pas à rougir dans une saine émulation nationale. 

S’il fallait une preuve pour justifier la qualité artistique de cette scène locale, il suffisait de se rendre samedi soir à la Fonderie (Hérouville) où le collectif Oiz proposait la cinquième édition d’ Implosion, une soirée qui sonnait comme la plus belle des tribunes musicales locales. 

La salle de la Fonderie, on le sait, est aussi ingrate que la froideur blanche de ses murs et cette fois encore l’aménagement du lieu aura permis à cette grosse citrouille de devenir un joli carrosse-club. On retrouve une scène centrale ( encore plus centrale cette année) mais presque à même le sol, installant de plain-pied un dialogue efficace entre le public et les artistes : pour un peu il était presque possible de lire le titres des pistes sur les lecteurs CDJ ! Un espace Chill digne de ce nom et surtout un impeccable travail (merci Elypsonore) de mise en espace sonore. Avec quatre zones de diffusion, presque pas de zones blanches et on pouvait évoluer tout autour de la scène en percevant pleinement l’ensemble du spectre musical, trop bien ! Au fil de la soirée, dans une montée en puissance savamment orchestrée, des jeux de lumière parvenaient presque à nous faire oublier qu’on était dans … une salle des fêtes communale. 

Tout au long de la nuit, le public viendra, lentement, remplir la salle et pour une fois, profiter pleinement ( et presque remplir) cette proposition à 360°. 

En « star » régionale SPRNS vient ouvrir la cérémonie, avant de filer à Saint-Lô pour une soirée Louves qui, ma foi, vendait du rêve. Elle délaisse pour un temps ses embuscades Drum’n’bass et donne, mine de rien, le tempo de la soirée en conjuguant avec grâce énergie rythmique et belles échappées Groovy. On est encore peu nombreux à profiter de ce moment musical et elle repart en laissant dans ma tête, sur ses deux derniers tracks, une folle envie d’en connaître les titres tant ils alliaient musicalité et … efficacité.

Véritable révélation de la soirée pour ma part, Cheun relève le gant fougueusement jeté par SPRNS et nous invite à une revigorante balade dans un univers acid, british et old school à souhait. Tout est maîtrisé de bout en bout et on voit bien qu’il connaît, apprécie et milite, en amateur passionné, pour cette musique qu’il défend avec une ferveur aussi religieuse que canaille. Son enthousiasme est aussi communicatif qu’irrésistible ! Les programmateurs d’Oiz ont eu le nez creux en invitant cet artiste du collectif Les Villageois, et prouvent ainsi l’extraordinaire effet démultiplicateur qu’offre une grande scène à un artiste en devenir. Un line-up presque entièrement local ne se justifie que par de telles performances, et l’artiste suivant, Majoka, du collectif maison Oiz, le prouve à son tour. Si je passe, à tort ou à raison, pour un connaisseur de la scène locale, je découvre pourtant ce dj qui, avec son ordi et son pad va nous livrer un redoutable set d’une heure-trente. On change subtilement d’univers même si la puissance du kick est toujours aussi dévastatrice. Les tracks explosent entre eux dans un dialogue au sommet d’où émerge parfois l’éclair d’une ligne synthé, un peu comme si on passait du foot au rugby (promis, j’arrête la métaphore ). 

ZELIE entre en scène et en majesté ! Je ne suis pas peu fier de l’avoir choisie, avec SPRNS, il y a près de quatre ans pour la création de mon spectacle Uhme et plus encore quand j’entends qu’elle ouvre son set avec …les pistes qui inaugurent sa petite leçon technique dans Uhme. Avec elle, et avec toujours plus de force et d’élégance, on assiste à un tressage entre deux, trois tracks d’où se détache toujours une petite virgule mélodique qui viendra percuter en pleine face l’arrogance d’un kick qui se croyait le maître. Ça clashe, ça fighte, ça bastonne mais avec la finesse d’une petite déesse qui voit les barons du kick se prosterner sans broncher. 

Prauze, en vedette nationale, prendra la suite avant de finir avec Onelas, la figure tutélaire de Oiz et boucler ainsi une superbe soirée presque 100% locale et nous dire qu’il ne faudrait surtout pas enterrer trop vite la scène electro caennaise, elle nous réserve encore bien des surprises et mériterait plus que jamais que nous lui accordions toute notre attention, ne serait-ce que pour mieux la soutenir en venant, par exemple, dès l’ouverture des portes. Après tout, n’est-ce pas à ce moment-là qu’on se flatte de découvrir, avant la foule, les révélations de demain…

Quand MAD BRAINS investit le cœur historique de la nuit caennaise.

Si je ne suis pas resté jusqu’au bout d’Implosion, la douce faute en revient peut-être à MAD BRAINS qui, de l’Ecto bar à la Garsouille, a dispersé ses troupes musicales vendredi soir au sein même de nos petites rues de la soif. La considération plus encore que l’amitié m’obligeait à ne pas rater ce rendez-vous inédit et … c’était trop cool. Comme d’habitude me direz vous en vous disant aussi qu’il est reparti sur son couplet MAD BRAINS, mais plus encore l’équipe de mousquetaires ( Vince Vega, Nico B, Fred H, Angseth et R’1) plus truculente que jamais, c’est le retour à la Garsouille qui m’aura conquis. Si l’Ecto bar n’a plus à candidater pour le label DJ- friendly, je n’avais pas encore eu l’occasion de retourner dans cette Garsouille nouvelle formule. Là où à l’Ecto il faut se glisser en petite souris pour danser ( mais c’est tout le charme de l’exercice) on profite à la Garsouille d’un système son plus que décent et d’un éclairage qui, s’il reste à peaufiner, invite à prolonger la nuit. Dans un nouveau délire que l’on ne peut que saluer le gros de l’équipe MAD BRAINS s’installe de plus en plus dans une sorte de B2B aussi fou qu’improvisé et c’est avec joie qu’on retrouve ces prêtres un peu trop rigoristes parfois en train de s’éclater dans des bœufs qui nous feraient presque croire qu’on est dans le quartier Saint-Germain-des-Prés de l’après guerre. Surtout n’arrêtez pas, la grande messe c’est bien, mais l’école buissonnière electro que vous nous proposez est riche en promesses de sourires, et on en a tellement besoin !

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