On retiendra de cette édition 2025 de la Fête de la Musique l’inhabituelle chaleur qui semble avoir plongé le public, plus clairsemé que d’ordinaire, dans une sorte de torpeur inédite. Vers 17h, quelques rares badauds affrontent les rues d’un centre-ville soigneusement sécurisées par des blocs de béton. Ambiance ville espagnole sous le cagnard d’un début d’après midi estival. La place saint-Sauveur exhibe fièrement l’installation éphémère de Guillaume Sardin ( Sol invictus) qui place la statue de notre (bon ?) roi Soleil au centre d’une structure esquissant, à gros traits, les colonnes d’un temple. Pour l’instant aucune information n’accompagne cette œuvre, espérons que le Millénaire va gérer au plus vite cette lacune. Pour le reste des enceintes, au premier étage d’un des bars de la place, déversent dans le vide une soupe disco-EDM, première image sonore, première impression qui va pourtant donner le La du reste de la soirée. Rue Pémagnie, devant le café Montmartre, une petite scène ( sans les moyens du Cargö qui dès le début de l’après-midi affichait la même ambition) semble vouloir mettre en lumières les talents émergents et le fait avec une générosité communicative. Ça rappe, ça chante, ça ballade-rock comme cette très jeune chanteuse ( j’ai cru entendre le nom de Kamikaze, mille excuses si ce n’est pas le sien) qui, tout en s’accompagnant au piano fait entendre un filet de voix qui s’impose pourtant  face au lointain vacarme disco de la place. Un peu plus tard, et réel talent confirmé, la chanteuse Annabella Hawk affronte, en vedette américaine, le minimalisme de cette scène avec une collaboration originale : un duo avec la DJ SPRNS. Le moins que je puisse dire c’est que le duo fonctionne à merveille et que les deux artistes tiennent là les ingrédients magiques d’un potentiel « banger ». Sous les délicates couches électro de SPRNS, les chansons du nouvel EP d’ Annabella Hawk trouvent une redoutable tonicité que l’épreuve d’un live dans des conditions aussi spartiates magnifie encore plus. Certainement pour moi la pépite du jour.

Pas très loin de là, square Camille Blaisot, le collectif des Villageois retrouve son spot habituel, revisité par une belle installation à l’esprit steam-punk, un effort de mise en scène à saluer. Quand je passe, l’étoile plus que montante des Villageois, Cheun officie avec fougue devant un petit groupe de teufeurs qui, comme des gamins survoltés, s’arrosent à coup de pistolets à eau. Protégés dans cette enclave de verdure, les amis des Villageois profitent, à coup sûr, d’une des plus belles scènes de la soirée. 

La crainte, pour certains, d’un boum boum impérial et dévastateur sur la ville ne semble plus d’actualité puisqu’il n’y a plus rien devant l’ancien cinéma Pathé. Pour retrouver une petite surenchère de BPM et de gros sons, il fallait se rendre dans les douves du château. Bien à l’abri des chastes oreilles de certains notables, un collectif renoue avec l’esprit même de la rave et de la teuf, et c’est devant un gros, très gros murs d’enceintes qu’une foule en délire et en liesse se déchaîne. C’est brutal, énergique et vitaminé et si on ajoute que le dj, soigneusement éloigné du mur d’enceintes officie discrètement dans un anonymat total, on redécouvre l’esprit des vrais fêtards et c’est un vrai bol de vigueur et de jeunesse. Dans le bruit et la fureur, je ne parviens pas à obtenir le nom du collectif mais, promis, la prochaine fois, je serai encore plus curieux. En face de l’ancienne Drac, aux pieds du château, PolarX  ambiance la foule avec une redoutable bastonnade rythmique qui frappe d’autant mieux que les frondaisons apportent une ombre bienvenue. Si devant la scène, ça sonne de ouf, on n’entend presque plus rien de retour sur les rails du tram, qu’on ne vienne pas nous emmer… avec le bruit ! 

Une place de la République soigneusement refleurie pour l’été accueille Obsolete, un collectif qui, la veille, avait informé son public de sa propre fin, une page se tournant pour ces djs qui, en quelques années, avaient pourtant su redynamiser notre scène electro locale. Épuisement, nouvelles perspectives artistiques… les explications autour de cet arrêt sont nombreuses mais je suis triste et dois-je l’avouer, un peu chagriné par cette disparition qui vient encore plus émietter les forces « electro » de notre ville qui assiste, indifférente à l’extinction ( programmée ?) de ses forces vives musicales.

Place du théâtre, non loin de là, au-delà de l’épouvantable bouillie musicale ( un croisement bâtard entre NRJ et la boum du camping) c’est une jeunesse désinhibée qui exulte et ça fait plaisir à voir. Plus tard, la place fera grise mine et avec ses cadavres de bouteilles qui jonchent le sol ( plutôt que d’organiser le « son », il conviendrait plutôt d’organiser les déchets …) mais pour l’heure comment ne pas être enthousiasmé par ce défoulement  païen et bon enfant . C’est tout de même ça aussi, la fête de la musique, un hommage annuel à la vie, à l’été, à la jeunesse éternelle.  J’ai passé l’âge de faire du pogo mais dans le genre rite initiatique cela reste incontournable.

Un brass-band plus loin, avec son public sage et joyeux, un gospel par ci et toujours la même impression, le public moins nombreux que d’habitude, grappille quelques moments musicaux mais fait preuve d’une nonchalance, certainement sous le coup d’une chaleur qui ne veut pas reculer.

En guise de thermomètre annuel, je me « finis » comme chaque fois devant la pharmacie Danjou, aux croisement des rues Écuyère et Arcisse de Caumont, le spot des M.A.D Brains. Là aussi l’exaltation quasi-orgiaque des années précédentes semble avoir déserté et c’est parfois sous les oreilles indifférentes des passants que s’égrènent des notes pourtant amplifiées de manière experte et professionnelle. Fort heureusement le crew M.A.D Brains rattrape systématiquement le coup, Nico B en tête qui retrouve avec bonheur ses premiers amours musicaux en faisant exploser la track Domplatte ( Andhim). Tib’z le suit, faisant éclater la face House d’un musicien pourtant versé dans la techno et c’est à Angseth que revient la lourde charge de conclure cette soirée avec un live (prise de risque maximum) qui parvient à scotcher sur place un public, initié et heureusement rafraîchi par le petit vent frais et la douce folie de l’artiste, rejoint à la fin par Weiser dans un B2B aussi vigoureux qu’un massage cardiaque …

On passera, une nouvelle fois  très vite sur le médiocre accueil et l’épouvantable système son de L’Orient express oú ce même collectif proposait un closing tentant  sur le papier mais inopérant sur place, tant ce lieu nécessite d’urgence une remise à plat.

Une édition 2025 entre deux eaux donc, où se fossilisent certains spots et d’où émergent cependant quelques petites bulles inédites qui permettent d’espérer la dynamique nouvelle d’une formule qui parfois, n’est plus que l’ombre d’elle-même. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *