Dans la torpeur estivale caennaise, il existe parfois des petits galops d’essai qui, s’ils s’avèrent encourageants, peuvent installer une nouvelle dynamique le reste de l’année. Le collectif Senary, jamais avare d’audaces ( qu’on se souvienne de la “douce folie” de la fête de la musique à la sortie du premier confinement, ou plus d’actualité, la belle initiative de la Guinguette electro à Mondeville qui marque définitivement le temps fort de la rentrée “electro” ), Senary donc a glissé un petit pied prometteur dans la porte d’un temple du divertissement sans grosse plus-value musicale : le Crazy Night, plus connu dans son ancienne version, le What’s. 

Seuls les plus anciens, comme moi, se souviennent de la salle de sport qui occupait ce lieu avant de devenir LA discothèque généraliste incontournable dans toute bonne ville de province.

Le What’s est mort, donc, et c’est un Crazy Night au titre un peu grandiloquent qui reprend le flambeau tout en conservant, de manière professionnelle et avisée, les ingrédients essentiels à toute bonne maison de la nuit.  Au rayon des évidences, la grosse boîte noire et ses videurs, et, indispensable, le seau à champagne et sa ringarde fontaine lumineuse. La formule, usée jusqu’à la corde semble hésiter entre concession nostalgique et rite initiatique pour une jeunesse avide d’instagramer des moments futiles, mais forcément wouah …. Au rayon des clichés “boîte de nuit”, le dispensable carré VIP, bien vide ce soir, mais qui ( parole de videur oblige) se faisait une beauté dans l’attente de la soirée du samedi. Bref, le Crazy night c’est un peu la discothèque dans son concept le plus pur, avec ses codes d’une autre époque mais, et c’est là l’essentiel, avec son professionnalisme indiscutable qui permet aux clients de profiter d’un système-son de qualité et de jeux de lumière opérés en direct par un technicien qui observe, comme le lait sur le feu, les moindres envolées du dj pour les traduire en explosions efficaces à défaut d’être toujours subtiles. 

C’est donc dans  cette bonne entreprise conventionnelle de la nuit que Senary tente une greffe prometteuse de sa folie débridée, et le moins qu’on puisse dire c’est que ce mariage entre la carpe et le lapin se révélera riche d’un potentiel festif inédit sur la place … caennaise. Mine de rien, c’était tout de même un petit risque si on sait qu’au même moment les premiers coups de marteau de l’Eskape festival ravissaient  les habitués.

Bien conscient des enjeux, Angseth  ouvre les hostilités musicales avec un savant dosage entre l’énergie du genre et l’efficacité dansante et qui de mieux que Robert Hood et ses cocktails house-gospel-techno pour charmer les connaisseurs et déniaiser les novices. La salle se remplit lentement et tel le joueur de flûte de  Hamelin, il conduit son public vers les précipices de l’extase. Quelques douches de fumigènes par ci et quelques fontaines lumineuses par là et me voilà embarqué dans un “retour vers le futur” musical, un peu comme si en plein Saturday night fever ( ambiance Bee Gees ) on voyait débouler la horde de Detroit et son cortège “underground”. 

Marcorel s’engouffre à son tour dans cette porte temporelle entrouverte par Angseth et peut, sans hésitation, balancer sa highway ( autoroute ça fait plus plouc) de kicks que de légères modulations harmoniques nuancent. Sans concessions, il mixe comme on peut mixer en face, au Cargö, et ça passe et cela semble même donner quelques velléités de teuf à des jeunots qui se nettoient les oreilles de Gims et qui, pire encore, semble en redemander. De toute évidence, le pari de la greffe Senary est gagné, le tout dans une ambiance qui, si elle manque un peu de folie, offre ( et ce n’est pas rien) un cadre inédit et enfin digne pour profiter pleinement de ces sonorités. Je ne suis pas loin de me dire que je vais mettre un cierge pour qu’il y ait d’autres soirées de ce genre, voire envisager la sortie des malles de mes anciennes chemises à col pelle à tarte. 

SPRNS, encore sous le charme de son succès quelques minutes avant au festival Aerolive ( Colleville) entre en scène et avec elle toute une esthétique House artificiellement ( et parfois efficacement) botoxée à des bpm survoltés : qu’on apprécie ou pas ce traitement à la hache, ca fonctionne et le public est sous le charme, prêt à être dévoré par VHs 303 en closing !

Début août, avec une météo morose, il se passait enfin quelque chose du côté du canal, chiche on remet ça au plus vite ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *