Le format central des deux nuits NDK, le festival des musiques électroniques concocté par le Cargö, me poussait, jusqu’à présent, à une certaine réserve dans la description des aménagements du site. Tout comme on n’aime pas le gars qui vous raconte la fin d’un polar, on tient aussi à l’effet surprise si on vient le deuxième soir. 

L’avantage de cette nouvelle édition c’est que je peux faire taire mes pudeurs descriptives tant la proposition est minimale, la faute sans aucun doute à un budget restreint. Pour tenter de pallier ce minimalisme décoratif, on masque le tout sous des nuages de fumée. La fumée, elle est partout, dehors, dedans, sous le hall d’accueil extérieur, dans les allées qui mènent, par l’arrière, à la grande salle : des fumigènes à foison. On apprécie ou pas, pour ma part j’ai tendance à trouver ça utile si la soirée ( et la musique !) nous invitent à des scénarios coquins, pas quand il s’agit simplement de consommer de la bière ou des kilomètres de boum boum.

Le Magic mirrors, cette vaste yourte en bois héritée des bals-populaires de nos grands-parents, nous fait de l’œil avec son délicat dais de lierre tandis que la club, noyé dans sa fumée peine à cacher un agencement austère d’où émergent des petits pans lamés. La grande salle, réduite de moitié par la fermeture de son gradin, teste un dispositif d’estrades qui enserre encore un peu plus un dancefloor reprenant, en version XXL, les pans géométriques du club avec ces immenses voiles, perpendiculaires à la scène et qui sont irisés par des jeux de lumière. L’ingéniosité de la proposition, là aussi, déclenche un effet Wouah de politesse tout en ayant une pensée émue pour les décorateurs qui se sont certainement arraché les cheveux pour agencer tout ça avec de si pauvres moyens. 

À 22h, le club se réveille sous les premiers coups de Galère Sucrée en b2b avec Flaq. Un signal esthétique très clair nous est donné : dans cette salle ça va être un joli foutoir breaké, dubbé, kické, bref un joli « n’importe quoi » qui illustre, avec un académisme faussement canaille une tendance lourde ( et éphémère ?) qui tend à radicaliser la ligne musicale pour ne conserver que l’efficacité supposée de l’énergie du son brut, un peu comme si j’écrivais tout avec des majuscules. Zohar vient ensuite, et la tentation de faire les gros bras derrière les platines est encore plus forte, avec des boucles sonores froides et sèches étirées, étirées, étirées ( une signature sonore omniprésente pour cette première nuit). Il est 23h et les deux autres salles ouvrent leurs portes. Ey.rah, une dj originaire de Stockholm, installe sa techno policée dans la grande salle et avec elle un warm up rigoureux bien que dépourvu de fantaisie. Ça s’écoute, ça se danse ( un peu) mais rien pour retenir mon attention, j’entends mais je n’écoute pas grand-chose et il faudra attendre Anetha pour qu’éclate enfin un véritable discours musical. Son univers « post club » comme il convient de dire quand on n’a plus rien à dire, a ses adeptes mais il faut bien reconnaître qu’elle maîtrise le sujet. Là où Ey.rah et après elle JakoJako jouaient un peu les élèves modèles et appliqués, Anetha parvient à bousculer la froide grammaire de ses boucles par d’infimes variations, jazzy par ci, ethno par là et les festivaliers ne s’y trompent pas puisqu’ils se précipitent à son set, comme des mouettes sur un champ qu’on vient de labourer, vidant les deux autres scènes. Certes, avec des moyens modestes, on ne peut pas se « payer » des pléthores de têtes d’affiche mais aligner, toute une soirée, des « petits » noms c’est courir le risque d’une soirée mollassonne. Anetha n’a pas besoin de moi pour chanter ses louanges et j’ai la chance de ne pas avoir attendu NDK pour découvrir son univers mais son évidente leçon musicale n’en rendait que plus fade les autres discours.

Dans le Magic Mirrors la scène house tente de trouver une petite place malheureusement desservie en partie par une acoustique un peu sommaire et sans aigu. Avec Jenny Cara, puis Roza Terenzi on danse sur des sonorités qui, à défaut d’être lascives et sensuelles ( je suis de la vieille école mais je pense comme un ami dj dont je tairai le nom que la House ça doit « puer le sexe ! ») font le job permettant à cette scène de devenir un petit havre reposant, une sorte d’espace Chill permanent.

Que retenir donc de cette première nuit NDK 2025 ? Tout d’abord une fréquentation moyenne ( à peine une grosse salle pleine si on rapporte le tout à la grande salle) et une « mise en jambe » qui certainement ne fera pas date. Pour une grosse soirée Cargö, c’est de bonne facture, mais pour justifier le nom de festival ….

Deuxièmement, et c’est le point le plus important, on sent bien les limites de cette tout de même bonne cantine électro : si elle parvient à étancher la soif et l’appétit des amateurs caennais, elle peine plus que jamais à imposer son évidence et sa nécessité sur la scène nationale. Pour répondre à ces amicales critiques on me rétorquera avec les éléments de langage un peu périmés du festival inclusif, tolérant, eco-responsable et que sais-je encore. Sur place, force est de constater que la recette patine un peu et qu’il convient d’y injecter au plus vite un surplus d’âme musicale. SPRNS, ce soir, portera haut et fort nos couleurs musicales locales mais bien d’autres, chez nous, méritaient cet écrin musical tant ils ne risquaient pas de rougir devant les « pointures » proposées hier soir. Ce sont des choix artistiques et politiques mais on me glisse dans l’oreillette que jeudi soir Fakear faisait un carton à l’heure même où le Magic Mirrors ouvrait gratuitement ses portes. Qui pour porter et accompagner les Fakear de demain ?

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