Nördik Impakt est mort, vive NDK.
Un esprit… so 2021 !
Mercredi après-midi, une conférence de presse pour lancer officiellement NDK, la refonte inespérée mais attendue de feu Nördik Impakt. À la barre de cette nouvelle aventure, on reprend un peu les mêmes ( la direction du Cargö) avec l’ajout (conséquent) de conseiller(e)s techniques pour élaborer ce NDK, présenté du 19 au 31 octobre prochain.
Les festivals sont le fruit de l’époque qui les voit naître et celui-ci n’échappe pas à la règle : celle du politiquement correct, de la parité, du bobo-bio compatible, du minorité “friendly”, du “pour tous les publics…”, bref, cette édition coche toutes les cases de la bienséance idéologique, culturelle et sociale, et peut-on s’en plaindre ? Il s’agira donc d’un festival “durable et solidaire”, ce qui ne mange pas de pain mais laisse un (tout) petit sur sur faim quant à la perception réelle de sa spécificité éditoriale, donc de sa ligne esthétique.
Des annonces qui rassurent.
Tout n’est pas à critiquer dans cette première “nouvelle” édition, bien au contraire et la première des bonnes nouvelles, et ça n’est pas la moindre, c’est qu’il y aura bien un … festival ! Il y a quelques temps encore cela n’allait pas de soi et je m’en voudrais de laisser croire que je ne m’en réjouis pas.
Autre point qui rassure, les organisateurs ont pris soin de s’entourer d’une équipe experte pour contrôler et conseiller le programmateur “officiel” du Cargö qui, s’il en garde encore le titre, se voit encadré, pour la programmation des “grosses” soirées, de personnalités comme Elzeden, Fred H, Zélie qui viennent ainsi apporter leurs connaissances intimes de la scène “electro” qu’ils (ou elle) connaissent bien pour y apporter une touche essentielle de risques, d’audace et donc d’engagement.
Si les objectifs généraux (et généreux ?) du festival restent encore un peu flous, on nous a parlé, mercredi, d’une volonté de “survol” des esthétiques et c’est bien cet esprit de “survol” qu’on retrouve dans les six “grosses” soirées payantes proposées durant ces quinze jours.
Six soirées donc pour donner à manger à tous les membres de la tribu “electro”, en prenant peut-être le risque de cloisonner une nouvelle fois le public et les esthétiques. Il y aura donc une soirée techno, une soirée house, une soirée psy-trance, vous avez compris le principe.
Autre (très) bonne nouvelle, l’accent mis dans un délicat équilibre entre vieux routiers et roublards de la scène electro, Radium et Didier Alyne en tête et de jeunes “pousses”, le plus souvent françaises mais repérées avec soin et amour par les “conseillers techniques”. On peut déjà lire, sur les réseaux les commentaires de certains conseillers qui se “mouillent” et justifient avec finesse leurs choix (et regretter de fait que la communication officielle du festival soit restée si étrangement anonyme et laisse si peu la place à l’enthousiasme réel et communicatif qu’on peut lire par ailleurs).
Pas de “grosses vedettes de la mort qui tue” mais une subtile alchimie entre découverte et expertise. J’attends beaucoup, par exemple, de la venue de The Pilotwings (en live) pour la soirée du 22, le petit monde de l’electro bruissant “grave” autour de ce nom et du potentiel scénique de leur prestation. Là encore, il faudrait faire preuve d’une réelle mauvaise foi pour ne pas saluer cet effort de découverte ( et donc d’originalité et de risque). L’idée, toute simple, mais de plus en plus originale à l’heure des gros festivals, de pouvoir ainsi survoler un aperçu de la jeune création musicale ( en devenir) est suffisamment forte pour qu’on regrette qu’elle ne soit pas revendiquée et annoncée comme la ligne forte même de ce NDK 2021.
L’idée, qu’en plus, ce survol soit proposé par d’autres djs, des pairs donc, et que cela soit comme une “intrusion” dans l’intimité même de leur propre passion est un sillon qu’il convient de creuser par la suite, et d’assumer pleinement pour casser cette impression d’une direction sans âme ou sans fil directeur. NDK, si on se prend la peine d’en dévoiler les coulisses, semble être un festival de djs passionné(e)s par …d’autres djs, voici encore un point qui rassure.
Enfin, et ce n’est pas rien, on découvre, au fil de la découverte des artistes programmés, un aréopage triomphant de musicien(ne)s issu(e)s de la scène locale -je me force à utiliser cette maudite écriture inclusive qui semblent ravir les rédacteurs du programme….-. Bruderschaaft (mes “chouchous” à entendre vendredi au Trappist), Jean Vrai (en mode bande-son hype pour yoga new-age ????), Mac Declos, l’éternel petit Prince du dancefloor dans une création aussi inédite que secrète ( à découvrir le 19 octobre, le jour de la Saint René !), DR. Elfa, si merveilleusement vantée par Fred H lors d’une Saint-Love, Onelas, Lisa Lisa….Que demander de plus ?
Les points qui fâchent (un peu) et les raisons d’espérer.
Etaler un festival sur quinze jours et proposer une seule soirée musicale dans certains bars de Caen me semble tout de même un peu …mesquin. Pour qui ne dispose pas du budget nécessaire ( cinq ou six fois une vingtaine d’euros par soirée, ça fait tout de même une somme, d’autant qu’aucune formule “pass” n’est proposée), on pouvait donc espérer plus de son, plus de vie et plus de folie pour animer la nuit caennaise et qui sait, provoquer des rencontres improbables entre amateurs, néophytes ou simples riverains. Dans la même idée, il sera nécessaire, à l’avenir, de décloisonner encore plus les lieux investis par cette musique, et si l’on ne peut que saluer le “before” de Lisa Lisa dans l’Orangerie du jardin des plantes, le 5 octobre, cette première édition se retranche un peu dans les “ghettos” officiels de cette musique ( Cargö et -heureuse surprise- BBC pour une soirée Psy-trance le 30 octobre). On me répondra sûrement que c’est une première édition et que cela viendra mais cela renforce tout de même une légère impression de manque d’audace.
Au rayon : Je demande à voir, l’intrusion des “intellos”, donc de l’Université de Ca en qui, jusqu’à présent n’était pas repérée, mais alors pas du tout, sur la scène de la recherche universitaire autour des pratiques musicales actuelles. Un vent d’ouverture semble souffler du côté du Phénix et on aurait tort de s’en plaindre. Rencontres universitaires donc annoncées le 21 octobre autour de cette question (incontournable ?) de la place des femmes et du genre dans les musiques électroniques : So 2021 je vous l’disais !
Toujours au rayon : Je demande à voir, En attendant Uhme le 28 à la bibliothèque Alexis de Tocqueville, un dernier point d’étape et de présentation d’un processus de création d’un spectacle (co-produit par le Cargö), mais là, ça frise l’auto-promotion….
En bon Normand d’adoption que je suis, sans trop me mouiller, je reste donc sur un : p’têt ben qu’c’est génial, p’têt ben qu’ça l’est pas, mais cette réserve, tout en délicats paradoxes n’est que le fruit d’un autre aphorisme, très Cave Caenem celui-là : “qui aime bien, châtie bien… Une série de signaux positifs sont clairement lisibles dans cette première édition de NDK, et même si l’ensemble sent encore un peu trop le pur produit d’une lourde machinerie institutionnelle on sent bien qu’il y a là, en germe, la puissance ( en devenir) d’un événement majeur si derrière l’anonymat d’une programmation que personne ne signe vraiment, on sent poindre le Festival des Djs, c’est à dire cette carte blanche assumée et réelle donnée à des artistes pour en faire découvrir d’autres…