L’été indien, en mode “electro”….

Jeudi soir, je retrouve avec plaisir le chemin du Portobello. Covid oblige, ce bar à musique était fermé depuis des mois, et me rendre ainsi sur les quais du canal ( outre le fait que la nuit on a l’impression d’y devenir un personnage d’un roman de Simenon) marque en quelque sorte la réouverture officielle de la nuit caennaise.

Rien n’a changé, ou presque….Un parquet neuf, un laser “ super disco-light show “ qui en rajoute dans la touche “boîte de nuit serbo-croate” – après l’effet Simenon, une autre forme d’évasion temporelle réussie- et toujours ce même sourire un peu fatigué des patrons, loin de l’arrogance présomptueuse et branchée que l’on prête habituellement aux entrepreneurs du monde de la nuit. On serait plutôt dans le genre épicerie du village qui voit débarquer la faune frivole des Parisiens ( les oiseaux de la nuit) et qui, contre mauvaise fortune bon coeur, laisse le rideau de fer ouvert pour que jeunesse se passe.

Si ça ne tenait qu’à moi, je délivrerais pourtant à ce lieu  un diplôme d’utilité publique tant il occupe de fait une position centrale dans l’animation, la découverte et l’exposition de la vivacité des artistes locaux. Après les dégâts économiques du confinement et la disparition de l’ex-Icône, on se retrouve de fait avec un paysage bouleversé et un manque cruel d’espaces d’expression pour les musiques actuelles. À cet égard, il est étonnant de constater que NDK n’investisse pas le Portobello pour une des ses soirées, ne serait-ce que pour remercier le travail quotidien et à l’année de cet espace…

Jeudi soir donc ce sont les “Laurel et Hardy” de la nuit bling bling qui ouvrent le ban, à savoir Laohu @Kiper Sonus. Qu’on ne lise dans cette remarque aucune volonté de médire, bien au contraire, tant il me semble que ces deux compères assument et revendiquent à la fois une musique populaire, drôle, festive, iconoclaste ce qui, en langage “djeunes” se dit : “pas prise de tête !”. il n’y a qu’eux pour oser diffuser d’improbables versions italo-serbo-ukraino-croates du cultissime Gimme the night de George Benson, sans parler d’un track monstrueusement kitsch dans sa relecture “electro” du non moins cultissime Last night a Dj saved my life. Plus c’est gros et mieux ça passe et le public en redemande. À Paris, sans nul doute, leur duo ferait le succès des soirées les plus “hypes” pour businessmen en jet-lag. Ici, et c’est le charme du Portobello, cela se passe sans prétention ni affectation et les quelques rares spécimens de “folles néo-cuir, néo-punk” caennais peuvent y cotoyer un vieux schnock dans mon genre, en toute indifférence, un peu comme si les folles nuits du Palace des années 80, après exode clinique, se retrouvaient ….en Normandie. Certes on est loin des folies fantasmées de la nuit, mais quel plaisir de se laisser aller à la langoureuse nonchalance du lieu, un peu comme des charentaises, mais en version glam-rock !

Les audaces de Bruderschaaft ( et du Trappist).

Les lieux de nuit qui proposent du “son” la  nuit sont façonnés par l’imaginaire et la folie de ceux qui les dirigent. Samedi soir, on ne peut que saluer le risque (et la folie ?) du Trappist qui osait proposer un “live”, un vrai “live” du duo Bruderschaaft ( par ailleurs programmé durant NDK dans une version pédagogiquo-concertante à la Bibliothèque Alexis de Tocqueville). En ouverture de soirée on retrouvait Tib’Z, la nouvelle recrue de la Solar family, en “couple” musical avec Ekzon. On tient là, avec l’extension Bruderschaaft, une grosse partie des artistes de cette Solar family qui, à l’ombre d’associations plus en vue parfois, poursuivent un formidable travail autour des musiques et de la passion qui les animent. En warm-up, les deux compères s’échangent la balle avec finesse et brio, histoire d’installer avec force et discrétion un premier rideau avant le duo Bruderschaaft. 

Sur une planche on découvre un instrumentarium qui fait la force de Bruderschaaft ( pour mieux découvrir le côté technique de tout ça, rdv à la Bibliothèque). Des boutons, des fils, des diodes et au final ….de la musique.

Si la base de Bruderschaaft reste un attachement absolue à des nappes “ambient” soigneusement structurées et construites en  direct, j’ai découvert samedi une nouvelle inflexion du duo, une approche encore plus punchy et techno, avec ces kicks qui désormais structurent un peu plus l’espace mental de leur musique, sans oublier ces ajouts de vocaux, qui, en touches délicates mais précises, donnent à l’ensemble de ce show d’une heure une indiscutable dimension concertante. On l’aura compris, je suis plus que fan et je n’ai pu que me réjouir de voir apparaître la figure qu’on espère désormais habituelle du directeur du Cargö pour écouter les dernières minutes de ce beau moment. De mémoire, je n’avais pas vu un membre de l’équipe artistique du Cargö dans une soirée “electro” caennaise, les temps semblent changer, tant mieux ! 

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