Il était une fois deux maisons à la destinée presque identique. Majestueuse et richement dotée, la maison Moho prétendait apporter lustres et renom à la bonne ville de Caen, et dignitaires de la ville et de la Région saluèrent ce vent nouveau. Plus campagnarde, mais non moins ambitieuse, la maison WIP chassait sur des  terres plus sociales mais fut, en son temps, inaugurée par de dignes ministres qui voyaient en elle un exemple national en matière de friche(s) culturelle(s) qui plus est sur les terres d’une ancienne usine métallurgique ! 

À quelques petits kilomètres l’une de l’autre, les deux maisons, gorgées d’ambitions légitimes semblaient nous dire, avec deux rhétoriques bien différentes ( modernité frenglish pour l’une contre vulgate tiers-lieux pour l’autre) : Vous allez voir ce que vous allez voir mais l’économie sociale, culturelle et entrepreneuriale va entrer dans la modernité du monde !!!!

Si l’heure n’est pas totalement au bilan pour le Moho ( malgré une sévère remontrance de la cour régionale des comptes), le WIP vient d’annoncer, en milieu de semaine, son clap de fin. 

Les réseaux sociaux, toujours aussi avares en nuances, balancent entre larmes ( de crocodiles ?) et des prophéties tardives et faciles d’échec annoncé. 

À y regarder de plus près, il semble tout de même que personne ne sort grandi de ce dépôt de bilan. Ne connaissant pas réellement la situation financière du WIP je ne peux pas ignorer cependant certaines raisons données par la structure elle-même. La crise du Covid en pleine dynamique de lancement, des problèmes de chauffage rendant l’utilisation de la grande halle impossible en hiver, et, excuse plus futile, mais recevable, des conditions de parking déplorables. Dont acte, mais personne pour interroger le besoin ou la nécessité réelle d’un tel « paquebot », personne pour signaler la concurrence commerciale entre les deux maisons sur des aspects essentiels des cahiers des charges respectifs, personne pour signaler à quel point la grande halle, belle coquille ( vide) s’il en est, ne pouvait raisonnablement pas ( sauf gros investissement ponctuel) devenir une réelle salle de spectacle. Personne, enfin, pour relever ( ironie locale) que c’est dans ce même  WIP que Caen la mer nous invitait à fêter son avenir ….

Comparaison n’est jamais raison, mais la fin du WIP pose toujours la même question, celle de ces lieux de prestige ( symbolique ou réel) qui, après la médiatique cérémonie du ruban rouge découpé devant un parterre chic et choc , ne sont pas assurés d’un budget de fonctionnement à la hauteur de l’ambition du projet. Pour le Moho, après de très très gros investissements publics ( et quelques « sous » privés ) on nous dit que tout va bien, et que le fonctionnement est garanti par une activité suffisante. La plus-value culturelle, sociale ou simplement événementielle pour la ville reste à mesurer finement et d’aucuns s’en chargeront, fichiers Excel à l’appui.

Reste à mesurer ce que Caen la mer perd avec la fermeture annoncée du WIP ? Sans aucun doute un espace d’expérimentation inédit, tant du côté culturel ( où d’autre mener un Specteuf si rafraîchissant ?), une réhabilitation «active » d’une friche industrielle aussi mais la fin du WIP signifie plus encore une nouvelle impasse dans les ambitions d’une communauté urbaine à se doter d’un espace transversal, poétique et politique à la fois. Transversal parce que la spécificité même du lieu ( un espace immense et ouvert à toutes les expériences périphériques ou émergentes) en faisait une réponse possible aussi bien pour le Théâtre de Caen dans une expérimentation hors-les-murs que pour la « com » médiatique de Caen la Mer. Poétique parce que, dès le départ, ce lieu aura permis l’éclosion de pratiques nouvelles ( comment oublier ce yoga du rire dans la petite maison initiale) tout en fédérant de belles énergies associatives. Politique enfin parce que, même sans atteindre forcément une viabilité économique, ce lieu aura offert à de nombreux acteurs culturels et sociaux des expériences originales impensables ailleurs et qu’il était sur le point d’être une option crédible pour de futures ambitions festives. Bref, la fin du WIP est une mauvaise nouvelle pour tous et prioritairement pour celles et ceux qui, jour après jour, œuvrent pour le rayonnement et le dynamisme de Caen. Espérons que les porteurs institutionnels du projet auront à cœur, après le nécessaire temps des analyses, de faire revivre ce lieu et de lui donner une nouvelle dynamique. Réduire la voilure des ambitions, rompre avec une concurrence dérisoire avec le très soutenu Moho, et qui sait, éclairer ses abords le soir de spectacle, mais laisser ce lieu devenir une friche 2.0 en dirait long sur le rêve ( ou le cauchemar) de nos ambitions locales …

One Reply to “Le Moho des villes et le WIP des champs…”

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