Durant toute la période du festival Interstice, le collectif Manœuvre anime la salle du Sépulcre, le QG du festival et propose des soirées musicales qui sont (parfois) de véritables pépites.

Après une discutable soirée d’inauguration mise en musique par le duo DJ Moules-Frites ( un catalogue convenue de tubes des années 90), Manœuvre nous invitait, vendredi soir, à découvrir le trio Vakrm. 

Que de chemins parcourus depuis la découverte de ce groupe lors d’une soirée de clôture de NDK, en 2021. En pleine épidémie Covid et dans la salle blanche et froide de l’Esam, je reconnais être passé complètement à côté de ce trio. Trois ans plus tard, le charme opère avec une force incroyable.

Vakrm est formé de trois artistes. A eux trois ils proposent une techno ( en live) sur laquelle la voix d’Arthur Belhomme vient crier, entre le slam et le parler-chanter, des paroles qui sonnent comme des slogans désespérés ou gorgés d’amour. Si la recette n’est pas forcément nouvelle, l’équilibre entre les deux djs  et le chanteur fait ici toute la différence. Dans d’implacables boucles techno qui se créent en direct sur scène, le chanteur incruste sa rage, sa colère ou sa désillusion avec des formules qui font mouche, mention spéciale pour ce « je crois en nous » qui, sur une montée en bpm très risquée trouve alors toute sa force et son évidence. On s’est trop souvent fait avoir à la promesse d’artistes générationnels qui, la saison d’après, sonnent comme des baudruches justes bonnes à illustrer un mauvais Tiktok. Avec Vakrm, la transe parfois hypnotique des kicks dresse un cadre idéal pour des propos qui, hors de ce cadre, perdraient toute originalité. La puissance assumée et parfois contenue de la musique dialogue alors magistralement avec ce lion en cage de chanteur qui éructe ou susurre des lamentations qui par magie, dans ce dispositif, sonnent justes et sincères. Le poncif du chanteur maudit vociférant contre la noirceur du monde, avec Vakrm, retrouve ici toute sa naïve insolence et l’on se prend à écouter avec une attention nouvelle les sombres déclarations romantiques. Peut-être fallait-il l’énergie mécanique ou industrielle de ces sonorités pour qu’émerge une écoute nouvelle, peut-être aussi ce soin à ne pas écraser la parole sous la force du discours musical. En surfant avec légèreté, sans jamais s’appesantir, sur les codes et une certaine esthétique « free », en dosant parfaitement les clins d’œil « acid » ou « dub » les deux djs font beaucoup plus qu’accompagner un chanteur et c’est un trio soudé et inséparable qui pose et impose une voix originale. Si l’on ajoute à cette prestation redoutable d’efficacité le charme de l’installation temporaire du collectif Manoeuvre ( Tank) qui, lors des concerts s’ouvre et se déploie pour faire éclater le jaune pétillant d’une scène improvisée, on tient là le combo gagnant, saus discussion !

Il y a quelque temps, à l’occasion du Skoll festival, je racontais mon plaisir à éclairer la petite scène organisée par Label 7 dans le cadre d’une belle animation. Pendant que je tripotais avec plus ou moins d’efficacité les différents boutons, un dj, à mes côtés, improvisait ( Live) de belles structures sonores auxquelles je ne rendais pas honneur avec mes tâtonnements lumineux. J’étais reparti sans en demander davantage et qu’elle ne fut pas ma surprise de pouvoir enfin mettre un nom et de le retrouver pour cette soirée musicale. Il s’agissait de Victor Bureau, qui avec Clément Angélique, assure la dimension musicale de Vakrm. Si je livre leurs noms à la fin de ce billet, c’est pour mieux les honorer. Certes, la « parole » d’Arthur Belhomme est déterminante dans la magie Vakrm mais elle ne parvient réellement à toucher sa cible qu’à travers les arcs sonores si savamment sculptés par les deux djs. La performance live est en soi déjà une gageure mais quand il s’agit de se caler sur les dérapages poétiques d’un chanteur il y a là comme une nouvelle prouesse qui ne peut pas rester sans écho. Merci au collectif Manœuvre pour l’audace et la belle folie de cette proposition et la prochaine fois que vous verrez le nom de Vakrm sur une affiche, foncez tête baissée : ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre une telle évidence !

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