On pouvait craindre que cette nouvelle édition du festival Interstice, avant l’annonce du très grand « cru » l’année prochaine ( dans le cadre du millénaire), serait l’occasion d’un parcours réjouissant mais plus avare que d’habitude en surprises. Heureusement il n’en est rien et plus encore cette année, avec son sous-titre Paysages contre nature, Interstice nous livre une fois encore son lot de féeries visuelles, de surprises numériques ou plus simplement de ravissements poétiques.

Rappelons, s’il en est encore besoin, que la dynamique même de ce festival consiste à proposer, durant quinze jours ( et gratuitement ) des œuvres inclassables dans des lieux qui deviennent des écrins en dialogue permanent avec l’œuvre présentée. Au final un parcours plein de découvertes et qui, ce n’est pas son  moindre  intérêt, donne un objectif agréable à nos promenades urbaines ( et avec toutes ces journées fériées il serait inexcusable de ne pas en profiter). 

Si, comme chaque année, quelques œuvres déclinent immédiatement une proposition « wouah » qui, dans leur évidence même, se passent de toutes nécessités de commentaires, comme ce cube lumineux dans l’église Saint-Sauveur où ces pierres qui semblent littéralement flotter dans l’espace tout en se livrant à une chorégraphie aussi hypnotique que méditative ( à l’Esam, sur la presqu’île), il en est d’autres qui, la surprise passée, n’en sont que plus captivantes quand on entre dans leur processus créatif.

En entrant dans un des deux espaces investis par Interstice Rives de l’Orne ( côte fleuve) on est tout d’abord surpris par cette espèce d’échiquier au sol, sur lequel se déplace un petit robot équipé d’une lampe-torche. La proposition, en soi, est captivante, mais elle n’est là que pour les ombres d’une ville fascinante et mouvante qu’elle projette sur les murs de la boutique-écrin. Est-on sur une plateforme de forage pétrolier, dans les ruines d’une capitale brisée par un crash ou dans l’oppressante prolifération cancérigène d’une cité-dortoir ? Plus que jamais, avec cette installation on est au cœur de ces paysages « contre nature) et l’art, dans sa radicale et magistrale simplicité vient nous apostropher par son évidence !

Paysages rêvées, villes espérées ou craintes, fleuve dont on pétrifie  l’essence, univers techno-ludique surgissant d’un jeu vidéo, il y a de tout cela dans ce nouveau parcours proposé par Interstice mais cette année c’est bien ce conflit ou ce dialogue entre la nature et l’homme qui éclate dans toutes les œuvres. On sort de ces quatre heures de découvertes avec des images parfois bouleversantes de grâce ( les pierres flottantes) ou de force et puis s’il ne fallait n’en retenir qu’une seule, celle de ce petit enfant qui, accompagné par sa mère, se prélasse sous le ciel de leds, comme autant d’étoiles filantes qui repartent avec les vœux ou les promesses d’un avenir apaisé. 

Décidément,  cette année encore, Interstice reste ce concentré de beauté, de magie et d’interrogations qui rend ce festival nécessaire et donc …indispensable.

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