C’est une Demeurée revue et corrigée qui nous accueillait samedi soir, à l’invitation des Fées cosmiques. Métamorphosée par la touche délicate et sensible d’Antoinette Magny, la créative costumière de la Comédie de Caen, la salle trouvait, hier soir, des allures de grotte paradisiaque avec ces longues lianes de lierre qui, tombant du ciel, maintenaient le public dans une sorte de lévitation entre ciel et terre, haut et bas. Pour achever cette belle décoration végétale, le fond de scène, avec ses grandes herbes de la pampa revêtait un air de salle du trône d’un dieu-faune des temps modernes. Il s’agissait là d’une des plus belles mises en décor de cette salle rustique. Un « flacon » de grande qualité donc, mais qu’en est-il de « l’ivresse » promise par ces fées ?

Vers 20h, trois rappeurs débitent la logorrhée habituelle des rappeurs, entre cité, amour et détestation de la police. C’est assez convenu mais la parole circule, dans une certaine légèreté entre Bastos, Django de Cayenne et Naillik. La tentation d’un second degré, derrière ces figures de style imposées du rap, s’immisce dans mon esprit pour laisser la place à une bienveillante indifférence.

Avec l’entrée en scène des Fées cosmiques, la scène est vite saturée par des musiciens qui occupent l’espace, tout l’espace ! Depuis deux ans, ce groupe de musique dévoile son amour de l’improvisation Jazz sans s’interdire des virées funk ou hip-hop. Le « son » des Fées cosmiques vous plonge d’emblée dans une sorte de voyage nostalgique, avec cette prédilection pour les longues plages de jazz fusion, version années 1970. Là où une touche de modernité ( bienvenue) pointe le bout de ses notes c’est dans l’ouverture du groupe vers le rap ( intervention de Yelsha, en mode « déter »( minée) un peu surjoué, ou, dans un clin d’œil plus subtil, en intégrant les confessions intimes du chanteur Paul-Loup.  Ce dernier, dont le registre oscille entre un M dépressif et un Julien Doré qui aurait pris conscience du côté « toc » de son plaquage métallique, distille d’assez troublantes variations sur l’inévitable fragilité du mâle blanc romantique. S’installe alors une sorte de balancement poétique entre les rugissements testostéronés des rappeurs qui rejoignent la scène et le troubadour 2.0, comme les deux faces d’une masculinité qui ne saurait plus à quel saint (sein) se vouer ! L’écrin sonore qui enveloppe alors ces paroles maintient les différents propos dans une sorte de lévitation renforcée par la distanciation nostalgique apportée par les plages d’improvisation. L’ensemble est suffisamment solide pour maintenir l’attention complice d’une salle ( pleine à craquer, ce qui en dit long sur le travail d’implantation du groupe, en seulement deux ans) et, de de digressions sur l’amour ou sur la fragile violence de la vie, c’est toute une nouvelle génération qui tente une nouvelle fois de mettre en musique la tendre fragilité de notre monde.

Pour finir, Otso apporte une note de modernité après ce voyage mélancolique et c’est avec son live énergique qu’il enflamme une salle désireuse de libérer quelques pulsions primitives. Si la dernière partie du live laisse entendre quelques errements rythmiques, je retiens cependant un précieux travail sur l’ouverture stéréo du son et ce beau dialogue entre les enceintes de droite et de gauche d’où sortaient des nappes complémentaires qui dynamisaient de manière inédite un live qui, de performance en performance, permet à Otso de conforter une place indiscutable sur la scène electro. Dans un curieux slalom entre beats percussifs et longues transitions méditatives, Otso aura dévoilé une nouvelle fois sa  science du voyage musical. 

Entre tentations nostalgiques et fuite en avant electro, cette nouvelle soirée à la Demeurée aura tenu toutes ses promesses, et en particulier celle d’une parenthèse musicale complice …..

One Reply to “Les Fées cosmiques : une douce parenthèse !”

  1. Je suis très touchée Renė. Merci beaucoup et merci aussi pour l’ensemble de ce beau texte qui a également fait très plaisir au groupe.
    Bien à toi .

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