Pour cette deuxième édition de Gow with the rythm, on garde la même approche délicatement militante : mettre en avant et valoriser les femmes dans l’univers des musiques électroniques. Et c’est vrai qu’il peut sembler nécessaire de bousculer un peu, beaucoup, passionnément l’univers parfois très testostéroné d’un milieu qui, en devenant mainstream en oublie parfois ses origines « diversité friendly ». 

Comme d’habitude, avec l’arrivée des beaux jours ( relatifs hélas), la Demeurée se pare de ses plus beaux atours et atouts et c’est dans un cadre plus que jamais Marie-Antoinette à la ferme qu’on entre ici, sans toutefois le second degré de la Reine qui joue à la fermière. A dix minutes du centre-ville, le citadin se trouve immédiatement plongé dans la paille, la verdure et … la musique.

Vers 21 h il fait encore jour et les animations extérieures attirent encore pas mal de monde. Un risque probable de pluie et c’est une petite procession amicale pour rapatrier d’urgence le bar et les tireuses à bière à l’intérieur. Tout cela s’organise comme toujours à la Demeurée dans une sorte de débrouillardise enjouée. Un peu de mousse dans les premiers gobelets et roule ma poule !

La scène renoue avec les mêmes éléments visuels que pour la première édition et l’on retrouve ce portique avec ses éclats-miroir qui encadre parfaitement les différentes artistes. Un bref moment de silence après le set de Oonagh Haines et c’est au tour de Sabah de prendre les platines. Déjà programmée lors de la première édition, alors qu’elle commençait un peu sa carrière, je la retrouve avec une force nouvelle. Délaissant les lignes mélodiques qu’elle semblait affectionner, elle développe et construit un set où l’énergie d’un kick house assumé se contredit parfois dans d’intempestives transitions mais son propos reste clair  : diffuser un esprit « dancefloor » qui ne rougit pas de certaines œillades vers des sonorités consensuelles mais qui invite sans discussion à taper du pied. Le système son encaisse toute cette énergie sans broncher même s’il tire un peu trop dans les graves et laisse un peu le reste du spectre dans un léger brouillard que la modestie technique du lieu explique et pardonne. 

Après ce qui est pour moi une petite mise en jambes, je retrouve avec plaisir Dr Elfa que j’avais laissée, il y a deux ans, dans un set impeccable lors du plus discutable et éphémère festival Nord Fiction. 

Ce soir, la proposition se veut hybride, entre platine ( disque vinyle) et console numérique. La soirée, qui affichait « complet », entre dans le vif et c’est sous une douce averse printanière et revigorante de kicks que Dr Elfa construit son set. Le son se veut plus minimal dans la gestion des boucles musicales et laisse filer une couleur moins Groovy où affleurent parfois des évocations tribales. La question de savoir s’il existe une approche « féminine » de cette musique me semble plus oiseuse que jamais mais force est de constater que le contraste entre l’énergie de la musique et la frêle silhouette de Dr Elfa crée une sorte de paradoxe et dégage un charme particulier. C’est peut-être là que réside le mérite de ce genre de soirée « militante », dans cette assurance apaisée, cette manière de nous prouver, en action et sur le terrain même de la musique que cette même musique se fiche éperdument du genre, et qu’elle triomphe par la force même de son discours ! 

Si, dehors, règne une petite fraîcheur bienvenue, il fait une chaleur tropicale dans la petite salle. Personne n’est étonné de voir arriver Sainte Chanèle aussi court vêtue comme on disait autrefois. Avec cette artiste, c’est l’assurance de plonger dans un bain de sonorités New wave. Quelques derniers billets consacrés à Sainte Chanèle m’avaient déjà donné l’occasion de dire le plaisir que j’avais à entendre les sélections «  aux petits oignons » de cette dj. Profitant du cadre généreux du lieu, elle articule dans son closing une facette plus sombre de son profil musical en tressant habilement un discours où se laisse entendre un univers presque punk. Délaissant pour un temps les clins d’œil à un pan des années 70-80 ( la New Wave), elle explore avec finesse une expédition dans les aspects plus sombres de cette même époque avec des emprunts appuyés à l’énergie radicale du No future. Là encore, loin de toute nostalgie et d’un refuge frileux, elle nous dégote des pistes qui sonnent résolument « moderne » mais qui, toujours dialoguent avec l’esprit et non la lettre de ces glorieux aînés. Parfaire synthèse entre les attentes festives d’aujourd’hui et le tribut nécessaire au passé, Sainte Chanèle, une fois encore,  aura ravi mon cœur et mes oreilles. 

La Demeurée,  c’est un peu comme le Nord, on pleure ( parfois ) en y allant, paresseux que nous sommes à faire quelques petits kilomètres, et on pleure en partant, tant l’esprit simple et généreux du lieu parvient à transcender la moindre des soirées qui s’y déroulent. Fort heureusement, et le succès de cette soirée le confirme, cet espace libre et sincère nous prouve, événements après événements, qu’il est devenu un acteur incontournable et essentiel de nos nuits ! 

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