Une salle pleine à craquer, hier soir, pour cette deuxième présentation des films Kino. Comme une réplique « bonne franquette » du festival de Cannes, notre manifestation caennaise avait convoqué les dieux de l’Olympe pour cette douzième édition, et c’est à travers un karaoke en jupettes homériques que débute la soirée. Plus que jamais l’ambiance revendique cet esprit potache, ce second degré qui, entre cynisme et dérision bienveillante, illustre si bien notre époque.

En guise de nectar et d’ambroisie, des dizaines et des dizaines de courts métrages réalisés en moins de 72 heures, selon le strict cahier des charges de l’association. Comme les participants à ce marathon créatif sont nombreux, et pour ne pas épuiser les festivaliers d’un soir, on égrène les noms des réalisateurs, à charge pour ces dernier(e)s de se lever dans la salle ; quelques secondes pour repérer un visage ….

Avec une moyenne d’au moins une dizaine de comédiens, figurants, techniciens par film, on se doute bien que la salle est complice, gage d’une empathie permanente avec les films et source de gimmicks complices dans le public ( ces cris de paon que la salle entière semble comprendre). Rien de guindé, de sérieux mais une perpétuelle ambiance potache qu’on appréciera ( ou pas) selon le degré d’amour ou de respect que l’on accorde au 7eme art. 

Les films filent et défilent, sans qu’il soit toujours possible de retenir le titre, l’essentiel n’est pas là mais plutôt dans cette diversité narrative et formelle qui nous fait naviguer entre petits clips musicaux à peine esquissés et crime intergalactique gonflé aux effets spéciaux par un Méliès 2.0. Au début, on peut se laisser prendre au plaisir de dénicher les talents de demain, puis on comprend très vite la vanité d’un tel exercice, non par absence de qualités ( parfois réelles) mais parce que, à l’image du théâtre d’improvisation qui n’est pas là pour fournir les Tchekhov ou les Chéreau de demain, la galaxie mondiale du Kino ( il est à noter, d’ailleurs, que ces deux formes d’expression sont gonflées aux hormones canadiennes) fait de l’énergie créatrice partagée l’élixir même de son succès. 

Faire du cinéma avec rien, donc ou avec tous et c’est cette générosité communautaire qui se fêtait hier soir au Cargö. On pourrait, à la mode normando-Télérama esquisser une double critique ( un « pour » et « contre » si pratique …) mais là encore ce serait plaquer des critères esthétiques inopérants. Ce qui se donnait à voir, dans la grande salle du Cargö, relève bien plus d’un bouillonnement de « paroles » que d’une volonté de faire de l’art. Quart d’heure de gloire wharolienne pour certains, naissance d’une passion pour d’autres, peu importe puisqu’il  s’agissait avant tout de laisser ouvert le robinet des désirs de fiction qui nous traversent.

Pour affirmer encore plus le caractère festif de la manifestation’ et mieux encore pour éviter le long tunnel de diffusion, l’équipe du Kino propose des intermèdes qui mêlent l’art de la scène et celui de cinéma, comme cette reprise d’une séquence de Jeux interdits où le dialogue grave et enfantin de Brigitte Fossey et Georges Poujouly est  prononcé en « live », effet poétique garanti même si la référence initiale peut échapper au plus jeune public.

L’avenir dira si KinoCaen s’est installé durablement sur les hauteurs olympiques des événements caennais mais force est de constater qu’une dynamique généreuse et contagieuse les accompagne. Redistribution nécessaire des cartes socio-culturelles, il fallait bien qu’une nouvelle génération s’empare des missions initiales de nos préhistoriques maisons de la culture ( et de la jeunesse). A sa manière, avec tact et constance, kinoCaen forme, éduque et accompagne nos passions et nos désirs de glamour cinématographique. C’est une mission honorable et quand, en plus, c’est fait dans la bonne humeur ….

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