Et celui des …folles !

Hier, un vent « woke friendly » soufflait du côté de la Demeurée avec Gow with the rythm, un mini-festival entièrement tourné autour de la représentativité féminine dans l’industrie culturelle « electro ». Ouvert à « toustes » comme le signalait clairement la communication, on sentait bien, du côté des organisatrices, une volonté revendicative et festive à la fois. On pourrait discuter des heures sur la nécessité de mettre en place des ateliers « girl only », polémiquer (inutilement) sur l’écriture inclusive du « toustes », mais pour ma part je préfère rester sur le caractère inédit et généreux de la proposition, et plus encore sur la visibilité nouvelle accordée à une  génération de jeunes femmes investissant la scène.

L’après-midi, avec stands et animations, s’accompagne d’un soleil bienveillant mais c’est à partir de 21h que débute cet inédit bal des débutantes. Pour qui n’est pas au fait des mondanités de la haute-société, c’est sous ce nom ( il paraît qu’on dit aussi, parfois « coming-out party » ) qu’on présente, chaque année, les jeunes filles lors d’un bal pour les introduire dans le grand monde. Avec Gow with the rythm, sous le haut-patronage de Zelie et de SPRNS, deux figures désormais reconnues de la scène normande, on pouvait ainsi assister, en toute sororité, à l’intronisation de Mokä, et à la confirmation de Sabah, qui sait, deux futures reines du dancefloor.

C’est Sabah qui ouvre la soirée, et c’est avec un warm-up tout en deep-house minimal qu’elle le fait. Même si elle commençait à se faire un petit nom lors de quelques événements, on sent bien que cette soirée revêt un caractère officiel et qu’elle rejoignait ce soir les « meufs locales », toujours pour reprendre la « com » officielle. Qu’on se le dise, une armée féminine pacifique est en marche, et la parfaite réussite de la soirée ( sold out ou complète selon les humeurs) en témoigne. Pour ne pas tomber dans les pièges de la critique hetero-blanche-virilisto centrée, je ne ferai aucun commentaire sur la grâce et l’élégance de sa silhouette derrière les platines, mais force est de constater que les choix musicaux de Sabah viennent combler un manque dans ce registre si cher à mon cœur de la deep house et de ses tonalités mélodiques. 

Pour ces nouvelles reines de la nuit, la configuration habituelle de la salle est revue, et c’est face à l’entrée que se tient à présent la scène, une scène où trône, en fond, une alcôve spécialement créée pour l’occasion. L’image est parfaite puisque les djs ( je le refuse à écrire djettes) se retrouvent sous une petite voûte noire, très néoclassique surmontée d’une jolie kitscherie de statue, teintée elle aussi dans le noir de la masse. Pour faire briller le tout, mille et mille éclats de Cd composent une boule à facettes aussi brillante que réfléchissante ; c’est très élégant et très efficace.

Sabah donc, et son ambiance un peu éthérée mais soigneusement détaillée installe confortablement un climat propice à des montées en puissance très vite confirmées par l’entrée en scène de Mokä. Imaginez un petit diablotin mutin, version fille cela va de soi ! Dès son entrée en scène, on sent qu’il va se passer quelque chose et si l’on ajoute à cela qu’il s’agit certainement de sa première véritable date officielle, on comprend un peu l’enjeu de cette soirée. La salle est conquise d’avance, non par une bienveillance amicale mais parce que c’est la signature même de Gow with the rythm qui assume et revendique ( à raison) cette approche généreuse. Tout en n’oubliant pas son habanico, cet éventail en mode ibérique, elle « balance » dès l’intro une énergie joyeuse et festive qui fait fi des imperfections ( rares) et qui électrise littéralement la salle (un processus déjà bien entamé avec Sabah). Points forts, points faibles, l’heure n’est pas aux relevés de notes, et je me garderai bien d’en donner mais comment ne pas observer cette complicité permanente avec la salle, ce sourire espiègle et parfois taquin lorsque qu’elle balance un kick-de-la-mort-qui-tue, comment ne pas être enthousiasmé par cette connaissance presque intuitive de la scène et de ce qui marche ! Un moment de fraîcheur, de légèreté et de force en même temps qui, je l’espère, en annonce bien d’autres à venir.

Après le bal des débutantes, vient le temps du bal des folles et le moins que l’on puisse dire c’est que SPRNS, avec ses breaks, sa cadence drum à fond les ballons ne se prive pas d’hystériser la salle ( c’est pas très woke comme terme, non ?). Avec elle, des choix radicaux s’imposent, on aime ( ou pas) mais comment rester de marbre devant une telle folie partagée et puis, qui, à part elle, oserait ouvrir un set avec un titre comme Adieu de Disaffected ?

Pour finir Zélie qui installe son univers toujours aussi hard, toujours aussi mélodique et toujours aussi rigoureusement construit. Parmi les « meufs » ( et les gars) il n’y a qu’elle pour combler à la fois les envies tardives de gros sons tout en maintenant une construction sonore aussi précise !

Hier, donc, l’heure était aux filles, aux femmes, aux soeurs, aux mères, mais plus encore que cette entrée « genrée », il était tout simplement question de savoir si, dans un samedi soir saturé de propositions attrayantes ( je ne vais pas vous ennuyer avec mes conflits de loyauté, mais entre Implosion et Mad Brains au Portobello, c’était un peu l’embouteillage tout de même !) une telle proposition, politique au plus haut sens du terme, pouvait connaître le succès. La réponse est claire et sans appel, c’est oui …

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