Oh la la Caen ! il s’en passe des choses par ici….

Une mini-comédie musicale caennaise qui …cartonne.

Depuis quelques jours bruisse sur le réseau l’étrange ritournelle d’un LalaCaen aussi frivole qu’intrigant.

Frivole, parce que la dernière réalisation de Jonathan Perrut, aussi bien dans son titre-même que dans son esprit, revendique et assume le pastiche. Loin du Los Angeles de Damien Chazelle, on retrouve pourtant un jeune couple, mignon-craquant, avec cette petite crise initiale : elle rêve de Nantes et lui ne pense qu’à lui vanter le bon-vivre caennais. Sur cette intrigue simplissime, Perrut développe alors, dans les deux tiers de son film, un indiscutable argumentaire masculin où l’on ne sait plus si le jeune homme vient d’être embauché par l’office du tourisme de la ville de Caen ou s’il teste, jusqu’à plus soif, le second degré potentiel de sa petite amie. Les images, acidulées à souhait, et toujours ensoleillées, s’inscrivent entre un  hommage à Demy, époque Les Demoiselles de Rochefort, et le publi-reportage version Palmashow. 

C’est évidemment cet esprit pastiche permanent qui rend ce LalaCaen plus intrigant qu’il n’y paraît, un pastiche qui culmine dans la dernière partie du film durant laquelle un médiocre communicant tente de vendre au maire de la ville ( interprété par Romuald Duval, abonné gagnant au costume de politicien) ce petit film promotionnel. Le “maire” de fiction goûte peu le film qui pourtant, regorge, avec toute sa “sucrerie” laudative, d’une indiscutable charge publicitaire. Tout ceci ne serait donc qu’une “hénaurme” farce ? Et derrière l’apparente positive-attitude de cette comédie musicale, il faudrait lire ( ou comprendre) tout le contraire ? Le film est, sans conteste, une belle carte de visite de l’énergie créative locale mais il laisse dans la tête comme un arrière-goût d’auto-dérision qui donne à ce LalaCaen une charge plus politique que ce que son apparente bonhomie laisse percevoir à première vue.

S’il y a bien une chose indiscutable ( et vantée dans le film) c’est la belle vitalité culturelle caennaise, j’en veux pour preuve l’extraordinaire foisonnement d’offres de sorties de ce week-end. Entre le festival Palma ( option Caen-la-mer avec son fort ancrage cette année à Mondeville) et le festival Morpho au Sépulcre, on ne savait presque plus où donner de la tête, sans oublier une belle rencontre à la bibliothèque Tocqueville autour de la diffusion des musiques actuelles organisée par le Far, bref carton plein !

Morpho et la belle aventure de la Coopérative chorégraphique au Sépulcre.

En toute discrétion, mais non sans ambition, des compagnies de danse occupent depuis quelque temps la salle du Sépulcre, derrière le Vaugueux. Pour la deuxième fois depuis cette installation, ces compagnies proposent un mini-festival qui se veut une sorte de florilège aussi bigarré que léger de leur travail à l’année.

Samedi après-midi, sous un soleil “indien”, le public ( étrangement modeste par rapport aux propositions diverses et “abordables”) pouvait découvrir des formes courtes, dans le joli jardin derrière le Sépulcre ou sous la nef du bâtiment. 

Tout débute avec la courte mais mordante proposition de la compagnie L’Averse. Avec Tie break, on assiste à un dialogue chorégraphié entre une fille et un garçon où résonnent (et parfois frappent) les coups bas du discours “Woke” et féministe. C’est drôle, là encore très “second degré”. Ça cogne dur, en bas de la ceinture parfois, au coeur aussi.

Le jardin, ensuite devient l’espace d’une proposition plus “délicate” avec Les Habités, une forme plus conséquente ( 25 minutes) durant lesquelles deux créatures échappées d’un film de Miyazaki  ( ou d’un Moumine le troll sous acide) construisent et déconstruisent des images saturées d’accessoires assez inutiles, des verres d’eau, des gants mappa, des bougies, du scotch…. Il y a certainement un propos” Gretathundbergien” derrière ce léger fatras d’images mais il faudra revoir un peu la dramaturgie de l’ensemble pour le rendre compréhensible à un public pourtant amicalement complaisant.

Toujours dans le jardin ce Badinages, léger comme un week-end d’automne ensoleillé durant lequel un couple de jeunes danseurs s’essaie à une grammaire du geste et de l’image et parvient à donner ce frisson de fraîcheur et de sincérité qui fait tant de bien.

Comme une claque de vie ( et de mort aussi) on a pu assister ensuite à quinze minutes de pure beauté narrative et poétique. Un très vieux monsieur, Michel Delannet ( 80 ans au compteur de la vie) nous livre un récit dansé de sa vie d’acrobate, de professeur de sport, et, au soir de sa vie, de danseur. Avec cette Ballade, et le bel accompagnement musical  d’une variation Enigma d’Elgar ( au piano) on voit alors, devant nous, dans une sorte d’humilité nue et bouleversante de simplicité, un homme lutter contre …l’oubli, la mort, la maladie, l’ennui, que sais-je encore ? Ce n’est pas l’âge de l’interprète qui nourrissait et faisait vibrer la salle, aucune trace de sympathie miséricordieuse. Nous recevions, en pleine gueule, une tornade de vie et d’amour pour cette danse contemporaine qui, loin d’être un discutable élixir de jouvence  était simplement la respiration de vie et d’amour d’un homme pour raconter, comprendre et vivre éternellement sa propre vie. Ce fut absolument merveilleux !

Pour finir la journée les organisateurs ont eu la bonne idée de confier les clés du lieu et les platines à une jeune musicienne electro Charlotte Rousseau. En présentant trente minutes de sa performance musique-video : Les Vies possibles,  la musicienne a laissé entendre toute sa belle capacité créative et si on peut regretter son envie d’en faire un peu trop (des transitions trop vertement expédiées au détriment de la juste promesse de progressions harmoniques esquissées par ses créations, j’ai pu cependant assister à l’éclosion d’une parole musicale qui, dans un format “ambient” laisse espérer une science ( en construction) de la scène. À suivre en tout cas…. 

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