Un ami, hier soir, sur la petite piste des 3 Marches, me demandait si ce que nous étions en train de vivre « méritait » un papier. Au-delà de la provocation amicale, la question n’a cessé de tourner dans ma tête… Et pourquoi pas ? 

Pourquoi chroniquer tel événement ( qui, à la relecture quelques mois plus tard ne méritait certainement pas une telle attention ) et passer sous silence un autre ? Parce qu’il est trop modeste, trop banal dans son actualité, ou pire encore, coupable par avance de ne pas générer son quota hebdomadaire de likes ? 

Insidieusement la question se posait déjà la semaine dernière, quand, au même endroit ( les 3 Marches) le duo Conversation déroulait une nouvelle fois son dialogue musical et amoureux. Et puis voilà qu’à nouveau je me retrouve dans ce même lieu, ce vendredi soir, avec les gestes et les répliques d’un vieil habitué. Après les sensuelles envolées de Conversation, c’est au tour du duo Vince Vega et Ethereal Structure “d’ambiancer” un bar si stratégiquement placé entre notre rue de la soif et les errances plus ou moins éthyliques du port. Conversation…Mad Brains … rien de neuf sous le soleil des lampadaires et donc silence ? C’est oublier un peu vite l’animation musicale hebdomadaire de ces soirées-bars, oublier plus encore le côté ingrat et parfois besogneux de ces activistes de la nuit. 

Si ce billet prend les couleurs d’un publi-reportage, je m’en moque mais il me vient, ce matin, l’envie d’écrire, l’envie de conserver la trace de ces moments délicieux passés aux 3 Marches. En quelques saisons ce n’est certainement pas pour rien si ce bar est devenu le QG de la faune electro locale, si on peut y être certain d’y croiser, en musique ou en repos, les artistes qui animent la nuit caennaise. Le fait que la « patronne » profite du moindre de ses répits au bar pour quelques pas de danse n’est certainement pas étranger au climat electro-friendly du lieu, l’apparente décontraction architecturale du bar aussi. 

Au fond, après un périlleux passage entre les clients dès l’entrée, on débouche sur un petit espace, tout petit. À gauche, une cheminée dans son jus « année 70 » nous donne presque l’illusion de débarquer dans une fête privée organisée par un fils à papa qui serait parvenu à placer pour un soir ses bourgeois de parents dans un Ehpad. Mais ce n’est pas là que ça se passe. Non, c’est droit devant, après 3 petites marches ( je n’ai pas compté mais je me promets de le faire la prochaine fois). La « piste » semble improvisée, un peu comme si on avait poussé les meubles à la hâte. Toute seule, sans chichi, une pauvre boule à tango livre ses éclats immobiles, vestige d’une tentative de déco-disco. Deux haut-parleurs sur pieds, des tréteaux ( ce soir aux couleurs sobres du logo Mad brains), les indispensables cdj et c’est parti pour …

Pour quoi au juste ? D’où vient cette impression qu’ici, aux 3 Marches, bien plus qu’ailleurs, la musique est reine ? Peut-être parce qu’elle est ici chez elle, peut-être, parce que loin d’être une animation sonore, plus ou moins « classe » ou « branchée » elle se livre  à nous, dans sa plus intime simplicité. Hier soir, l’alternance Ethereal Structure – Vince Vega faisait entendre sa douce et rassurante harmonie. A l’un la rigueur méthodique et contenue d’une House plutôt cérébrale, à l’autre les effusions plus dionysiaques… La complicité et la complémentarité fonctionnent à plein. Le défi futile adressé à Vince Vega ( parvenir à faire danser au moins deux gars de la bande de trentenaires vautrés dans les canapés du fond) n’aura pas été relevé, qu’à cela ne tienne puisque, vers la fin de la soirée, un inédit B2B improvisé entre le DJ et Angseth et Vince viendra mettre le feu final à la piste. C’est peut-être ça, le secret des 3 Marches, cette impression d’être un peu à la maison, de venir ( à condition d’être un dj patenté) avec sa clé et, selon l’humeur du moment, de faire causette musicalement avec les artistes sur l’affiche. Quand le jazz était triomphant, on parlait de « bœuf » … Autre époque, autres mœurs ? Une chose est certaine, s’il existe un lieu, à Caen, pour renouer avec cet esprit artistique et désinvolte à la fois, c’est certainement du côté des 3 Marches. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *