Aerobrasil au Cargö : comme une envie de s’envoler.
Vendredi soir la petite salle du Cargö servait de cadre à un événement-maison : la clöture du Labö, avec sa toujours aussi discutable inflation de signe diacritique sur le O. Mais derrière ce petit caprice graphique se cache une initiative généreuse qui permet à de jeunes artistes de la scène musicale régionale de bénéficier d’une semaine de formation, aussi bien musicale, qu’administrative ou culturelle.
Pour clore, pardon clöre cette semaine, la Smac proposait, gratuitement, une soirée autour de trois formations musicales avec, en point d’orgue, un live d’Aerobrasil : de quoi renoncer, toutes affaires cessantes aux affaires en cours.
La soirée débute avec un petit quintette allemand, Private Pepp, venu créer de nouvelles chansons à Caen durant cette semaine. Quatre jeunes gars se chargent d’illustrer la voix solide d’une chanteuse, toute aussi jeune, mais déjà bien armée vocalement. Les mélodies sont fraîches, à défaut d’être innovantes, et on peut apprécier un groupe qui n’hésite pas à alterner entre langue anglaise et vernaculaire ( le mot qui se la pète un peu pour dire du pays). C’est plaisant de voir une si jeune formation foncer sans hésiter dans les recettes les plus éculées du “Schlager” allemand, l’équivalent allemand (en plus lourd, donc !) de nos variétés, version Gilbert et Maritie Carpentier pour les plus anciens). Ca parle de “kneipe”, l’équivalent du bistrot (mais en beaucoup plus lourd, là aussi), de “Liebe”, le tout avec des arrangements très second-degré, un peu comme du Patrick Sebastien sous lsd ! Pas sûr que la semaine prochaine, on y pense encore, mais c’est bourré d’énergies sympathiques et généreuses.
Avec le groupe suivant, on change d’ambiance et la voix ( pas toujours très bien posée) du chanteur de La Faim du Tigre nous plonge dans les tourments (en anglais, of course) du jeune mâle hetero en proie au spleen du rocker. Le “tempo” se veut langoureux, on ne baptise pas son premier EP “Marasme” pour rien. Une musique, un rien théâtral et surjouée, qui cherche à exprimer un mal-être générationnel sur des accords assez professionnels mais à la nostalgie un peu creuse.
Le bonheur d’entendre (et de voir) Aerobrasil.
Pour ma part, depuis que j’ai découvert Aerobrasil, il y a maintenant près de quatre ans, je ne cesse d’être émerveillé par la virtuosité et l’ambition musicale de ce duo. Un set electro donc qui s’éloigne définitivement des intentions initiales, déjà superbes. Je n’ai toujours pas oublié l’accompagnement à la batterie de Sidoine sur la proposition balancée par Vincent, le tonitruant La mezcla revisité par Kalkbrenner. C’était quelque part, du côté de Vire, il y a quelques années et déjà c’était génial.
Hier soir, c’est une nouvelle étape franchie par Aerobrasil. En s’éloignant de l’illustration (du remix), en proposant des compositions originales, le duo affiche sa volonté d’imposer un parcours artistique ambitieux et le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils se sont donnés les moyens. Côté jardin de la petite scène, la batterie, et côté cour, synthé (analogique) et ordi pour construire des pistes qui alternent entre tension rythmique et pause sensuelle. Dès la première seconde du “concert”, une attaque de batterie nous saisit par sa fauve énergie et ne nous laisse pas de répit, jusqu’à la fin. A ceux qui, par facilité, pensent que musique(s) électronique(s) rime(nt) avec froideur, je conseille de toute urgence d’assister à un “show” d’Aerobrasil, histoire de tuer définitivement cette ridicule accusation. Evidemment, la prestation physique de Sidoine apporte cette dimension prométhéenne d’un homme en lutte avec les “Dieux-machine”, et ses coups de baguette sont autant de vaines tentatives, pleines de sueur, pour endiguer la puissance hypnotisante du synthé. Mais des voix surgissent, des bribes de slogan, tel ce “inspired by music” qui font comme entendre les encouragements d’une foule mortelle devant cette lutte épique entre la batterie et les machines. J’en deviens assez médiocrement lyrique et ce n’est pas à la hauteur de ce splendide concert proposé hier soir ! C’était tout simplement (horrible mensonge tant il y a du travail derrière) du très grand art et au risque de perturber mon petit Olympe local (qui n’attend que cela), je ne peux que m’incliner devant Aerobrasil et son incontestable suprématie. Quel dommage que de les savoir aussi rares sur nos scènes musicales, cela ne rend que plus précieux leur apparition, mais, cher(e)s ami(e)s djs normands, votre absence lors d’un projet set d’ Aerobrasil serait une faute impardonnable.