Un moment entre tension et détente : Onto records party à la Maison du vélo.
L’année 2020 débute sur le chapeaux de roues (de vélo) avec cette belle proposition faite par le label caennais Onto, un “petit” label qui monte, qui monte.
Samedi soir, c’est donc du côté de la Maison du vélo que se jouait une partie de la vie “electro” caennaise, même si on ne pouvait pas ignorer une soirée “Gaston” (au Portobello) réunissant quelques belles figures de la scène locales, Ora Bora et Stokkholm pour ne citer qu’eux. L’an dernier, presque à la même date, Onto nous invitait au Bazarnaom pour nous présenter un aperçu de son “catalogue”, l’occasion pour moi de découvrir le duo Glass et sa prometteuse fougue créatrice. On retrouvait donc, hier soir, en vedette principale, Glass, et auparavant ( en vedette américaine, j’adore ces vieilles classifications !) Apollo noir, et, en vedette anglaise, Humbros. Autant l’avouer, ces deux derniers noms ne m’évoquaient rien mais c’est en toute confiance que je me suis rendu cours Montalivet.
Comme d’habitude, les organisateurs nous demandent de venir tôt et nous promettent même des “surprises” et c’est donc presque à 2O h pétantes que me voilà dans ce lieu au charme “hipster” indiscutable. Sorte de croisement improbable entre une MJC pour adorateurs de Greta Thunberg et un atelier mécanique post-apocalypse, la Maison du vélo offre certainement un des espaces vierges les plus stimulants de Caen avec cet immense atelier qui, en un clin d’oeil, se transforme en dancefloor (esprit warehouse) et son fumoir à ciel ouvert, avec vélos “magiques” à disposition, s’il vous plaît ! Le lieu, à lui seul, infuse sa poésie bohème-chic et apporte presque naturellement ce surcroît d’âme si difficile à créer.
Veik et ses “K7” old-school nous accueille et nous plonge aussitôt dans une ambiance désinvolte et très second-degré avec ses pistes qui fleurent bon les premiers clips video sur Mtv. Il y a vingt ans, les “branchés” de l’époque auraient vomi, aujourd’hui on trouve ça “cool”, et c’est tant mieux. Les hostilités musicales débutent avec Humbros, un dynamique duo synthé- batteries aussi inspiré que bavard. Le spectacle est parfaitement rodé avec un batteur qui bricole ( maison du vélo oblige ?) ses sons avec toute une série d’accessoires qui semblent volés dans un chantier, des bouts de planche, des coussins…Le voyage est parfois hypnotique, parfois un peu laborieux dans ces longues variations rythmiques percussives qui ne débouchent pas toujours sur une résolution convaincante, mais l’énergie est là, réelle et palpable et il en faut pour animer un public très (trop) bavard durant la prestation.
Apollo noir , on y était….
Vient ensuite, dans un fond de salle propice, Apollo noir et son attirail analogique. Au menu, une sorte de “sonate” électronique, avec ses quatre mouvements finement construits et une magnifique illustration de cette Ambient Idm, cette “intelligent dance music”, si décriée par certains dès son origine et si prometteuse aujourd’hui, tant elle nous fait voyager dans un univers onirique et cinématographique. Apollo noir est seul en scène, et il se débat devant nous avec ses fils, ses boutons, ses “potards” pour distiller des boucles de plus en plus lancinantes avec, en mention spéciale, un troisième “mouvement” qui débute par des effets de plage sous le soleil, une sorte de “slow” electro qui finira sous une annonce d’orages convulsifs. C’est une superbe démonstration de virtuosité, d’intelligence et de musique tout simplement et il y a fort à parier que dans quelques années on pourra dire que nous avions eu la chance de le découvrir à Caen, rien que pour cela, merci Onto records !
Pour finir, Glass se lance dans un dj-set inédit. Ce duo délaisse la composition et se lance dans l’aventure d’un set, avec ses codes si particuliers. Autant j’avais été enthousiasmé par leur travail créatif, autant il m’a semblé hier soir que l’aventure tournait un peu en rond. Le parti-pris, radical, de Glass, était de construire un set presque exclusivement sur des rythmes “breakés”, avec cette pointe afro-beat (je déteste ces termes techniques qui se la pètent et qui ne font que mettre des cases dans des cases !). Pour le dire plus simplement, et avec les termes séculaires utilisés en harmonie musicale, ils ne cessent d’empiler des moments de tension rythmiques, le plus souvent souvent sur des bases percussives, évitent soigneusement le confortable (mais très dansant ) “four on the floor” (le rythme 4/4) et n’éprouvent jamais le besoin, ou l’envie de finir sur un moment de détente (une résolution). Bref, ça monte, ça monte, sans que jamais la moindre boucle mélodique ne vienne s’installer sur un kick. On est clairement dans un travail de recherche, passionnant à comprendre (et à déconstruire) mais cela manquait, à mon goût, de simplicité formelle, mais qui sait, peut-être que je deviens trop vieux pour ce genre d’audace musicale ?
Au final, et ces réserves mises à part, ce fut une soirée parfaite, généreuse et “pointue”et j’espère qu’elle augure bien de la suite en formant ici le voeu que les artistes de la scène “electro” locale se retrouvent plus souvent sur des événements aussi exigeants.
Mesdames et messieurs les artistes de la scène “electro”, ce qui suit est pour vous !
A l’occasion des groupes de discussions sur l’avenir de Nördik, se sont formés des ateliers de travail. Un de ces ateliers, réuni pour la première fois au FAR, réfléchit et travaille sur la question de la scène “electro” caennaise. En parallèle à cet atelier “officiel”, l’idée de soumettre aux futurs candidats à la mairie de Caen un “cahier de doléances” (et surtout d’entendre leurs réponses) a été soulevée. Il s’agirait, après un état des lieux (et un rappel nécessaire des forces réelles que représentent ces musiques sur le territoire caennais) de dresser une liste claire des manques et des besoins pour l’expression idéale de ces musiques. Cela implique ( après l’échec de la Nef) une cohésion du monde de la “nuit électronique” et que cesse, pour un temps, les vaines querelles de suprématie artistique. Mesdames et messieurs les artistes, n’hésitez pas à prendre contact au plus vite avec les associations qui participent à cette initiative ( elles ont “pignon sur rue” ) pour compiler et enregistrer vos remarques, vos demandes. Il s’agit clairement d’une action de lobbying politique, il n’est pas trop tard, mais, pour les plus “écervelés”, je rappelle que les élections municipales, ce n’est que tous les six ans !