Il est loin le temps où pour revenir sur une soirée Mad Brains je pouvais dépenser quelques lignes à commenter le grand « M », cette structure blanche et sobre qui donnait de la profondeur à la grande scène du Cargö et qui signait la possession du lieu par le collectif. Depuis peu, une sobriété radicale semble s’être imposée, peut-être pour encore mieux mettre les artistes en avant.
Hier soir, c’est la lumière seule qui nous emballe, nous et les artistes. Je reconnais Adrien Hoareau derrière les commandes, et je suppose qu’il est à l’origine de cette installation lumière qui dynamise la grande salle. Belle idée que ces deux perches métalliques qui tombent un peu des cintres et cette profusion de projecteurs-lyre qui inondent la salle. Vers 22h, Ekzon se charge de réchauffer l’ambiance techno ( ah le délicat warm-up) et il le fait avec l’application méthodique qu’on lui connaît. Du côté du klub ( la petite salle), R’1, avec ses disques dompte efficacement quelques petites difficultés techniques et parvient ensuite à installer une petite ambiance house « pépouze » qui augure bien de la suite. On retrouve donc l’habituelle construction des soirées Mad Brains au Cargö, house et techno de chaque côté et les veaux seront bien gardés !
À la recherche du « Drop » …..
S’il y avait bien un fil rouge esthétique dans les deux salles, c’était dans cette impression d’une chasse au drop. On pourrait discuter des heures sur les terminologies plus ou moins techniques utilisées dans le monde des musiques électroniques mais pour faire simple ( et efficace) le drop c’est quand toute l’énergie musicale d’une piste éclate ( comme une goutte d’eau qui tombe sur le sol) et nous asperge, nous les danseurs, de sa force enfin libérée ( mais aussi de sa mort …).
Après Ekzon, Toscan Haas installe son univers musical. Des séquences rythmiques, à peine ponctuées d’autres instruments et toute la force ( ou la faiblesse ?) de ce montage sonore résidera dans ces longues plages percussives qui se développent à l’infini. Au risque de passer pour un « réactionnaire », il me semble tout de même que ces musiques se sont construites, dès le départ, dans une sorte de quête permanente de la sensualité érotique du son. Provocante, transgressive et sexuelle, la scène electro s’est construite dans cette sorte de pornographie « trash » avec nos oreilles. En choisissant délibérément de ne conserver que le « va et vient » du kick, au détriment d’autres caresses sonores, et surtout d’autres surprises, en choisissant surtout de museler l’effet « drop » avec une telle constance, on risque tout de même très vite l’ennui du « missionnaire » du samedi soir.
Dans le klub, Molek semble un peu sur la même longueur d’onde musicale. On retrouve bien l’énergie house mais là encore il m’a semblé que la chasse au drop fonctionnait à plein. C’est certainement une tendance lourde du marché actuel que ces longues, très longues boucles qui se tirent et s’étirent mais, comme avec un élastique, un moment on éprouve le besoin que ça craque, que ça pète !
Comme beaucoup, j’attendais avec impatience le set de Stranger qui, dans la grande salle, débute avec une impeccable mise en place, toute en rondeur ambient rapidement malmenée par un retour tonitruant de vocaux qui font plaisir à entendre. On sent bien qu’il cherche à électriser notre écoute par de constantes ruptures où dominent pourtant des couleurs black music aux tonalités politiques. Un dialogue nouveau semble s’installer entre l’artiste et la piste, certainement en raison d’une variété de titres et de style qui tranche avec le monochrome sonore dominant.
Retour final ( pour moi) dans le klub pour entendre Diego Krause affirmer et affiner son indéniable sens « berlinois » de la musique house.
Avec un line-up 100 % masculin, Mad Brains nous prouve une fois encore la cohérence de sa démarche artistique et cette envie de partager avec le public son univers. Minimal, dans tous les sens du terme, le grand final de l’année au Cargö aura installé, avec assurance, une ligne esthétique un peu trop « militaire » à mon goût, au détriment d’une sensualité sonore plus subtile. Est-ce l’air du temps qui impose ainsi son austère sécheresse, mais je dois bien reconnaître que sans céder à une quelconque nostalgie, je regrette un peu l’exubérance « orgiaque » d’avant Covid.