Ce soir, à la Comédie de Caen, c’est un peu le grand soir avec une double actualité à fêter : la sortie du tant repoussé livre sur les 50 ans de la Comédie et le « pot » de départ de l’actuelle direction qui ira poursuivre son aventure à Angers.
Vers 18h le hall du théâtre des Cordes est plein de vieillards respectables ( à 60 ans je me sens presque le jeunot de la bande) et c’est un peu l’horizon du théâtre qui se donne à voir dans cette noble et docte assemblée venue fêter une histoire ancienne comme dans une ultime réunion d’anciens combattants. Faut-il dénoncer cette communauté de « vieux » où se réjouir qu’ils sont encore là, je ne sais mais derrière les sourires grimés et les politesses nostalgiques on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’un futur chroniqueur ( pour les cent ans de la Comédie ?) écrira sur cette soirée parfumée de nostalgie et de naphtaline.
Vers 18h15 le directeur actuel ( pour quelques jours encore, puisqu’on nous annonce la venue de la nouvelle directrice, Aurore Fattier, au début du mois de janvier) prend la parole dans une improvisation qui cache à peine son impréparation, qu’à cela ne tienne on peut être un grand directeur et un grand acteur sans être un grand orateur ! Les autres cadres prennent rapidement la parole pour expédier les affaires courantes et surtout pour laisser la place au docte et érudit Daniel Grisel qui, de sa voix austère, nous récapitule les années Trehard, les années Dubois, les années Lacascade, les années Lambert-wild, et ( ouf) enfin les années Di Fonzo Bo. Comme toujours dans ces pince-fesses officiels et guindés on finit avec le traditionnel discours des institutionnels, ville, région, drac il ne manquait que celui de l’évêque dans cette ancienne salle paroissiale dévoyée par de vils saltimbanques. Fort heureusement pour nous remettre d’un tel pensum on pouvait ensuite se rafraîchir la tête avec la tendre et nostalgique confession du Portrait de Raoul, un seul en scène cousu main par Philippe Minyana pour le grand comédien Raoul Fernandez. Une petite heure de théâtre intime et pleine qui fait entendre cette magie de la scène si bien incarnée par le comédien et sa douce fascination pour Copi ou la Comédie Française.
Un détour par le bar et l’occasion inopinée pour moi de discuter avec Céline Ohrel que j’avais si maladroitement malmenée dans un billet et un passage rapide vers la scène improvisée. Une jeune femme, avec l’accent espagnol de rigueur, nous chante du Edith Piaf avec, comble d’audace moderniste, la version karaoke diffusée sur écran, non, rien de rien, non je ne regrette rien …en partant un peu comme un voleur qui ne savait plus trop ce qu’il y avait à voler ou à retenir de cette soirée. Que voulez-vous j’aime la fête et plus encore les anniversaires mais ce soir il me semblait juste assister à une version locale et provinciale d’une scène de Fellini Roma. On me dit que les années Di Fonzo Bo auront été riches, comme les années Lambert-wild, les années Lacascade, les années Dubois, les années Trehard, on m’a même dit, ce soir, que le théâtre est un art immortel et toujours jeune, je vais donc me plonger dans ce livre pour tenter de raviver ma pauvre flamme et oublier cette soirée à la festivité si laborieuse.