Le 7 mars dernier, avec une amie, j’avais projeté de me rendre au Portobello pour assister à une “boom fémniste”. L’annonce d’une boom flattait ma nostalgie et la promesse féministe donnait à ma démarche purement hédoniste une petite caution militante qui, à l’image des rubans pour les notables de province, vous donne immédiatement un petit côté “woke friendly” du meilleur effet. Bref un projet de sortie tout bénef au point même d’avoir cliqué sur le si publicitaire “je participe”. Le matin même du 7 mars, j’apprenais l’annulation de la soirée et l’annonce d’un événement de remplacement place de la République. Mon besoin nostalgique de boom n’étant plus comblé, je déclarais forfait pour le happening de la place de la République non sans demander à mon amie un petit reportage “live” autour de la manifestation, on ne se défait pas si facilement de son côté concierge de la nuit caennaise.
Il y aurait bien des raisons d’en rester là mais c’était sans compter sur un cocktail médiatique qui allait faire de cette soirée annulée l’illustration parfaite d’une communication de crise qui dérape.
Les faits, rien que les faits…
Il y a deux jours, La Liberté ( je ne résiste jamais au plaisir de rajouter Le Bonhomme libre), l’honorable et très consensuel hebdomadaire caennais publiait un article au titre aguichant : “ Soirée féministe annulée : que s’est-il passé dans ce bar de Caen ?”, pour une fois que la presse locale parle d’un de mes repères festifs, je ne peux que me précipiter. Mais pour être encore plus factuel, je ne peux passer sous silence les divers communiqués, plus ou moins maladroits ( ou incendiaires ?) que le Portobello a diffusé sur les réseaux depuis deux semaines, genre : la soirée annulée c’est pas nous c’est elles… puis : si on continue à dire du mal du Portobello, on attaque… pour finir enfin par de plates et laconiques excuses et l’engagement à suivre une “formation contre les violences sexuelles et sexistes”. Vous suivez ?
J’avoue m’être demandé s’il fallait vraiment remettre une pièce dans ce jukebox assez nauséabond d’autant plus que le tribunal populassier des réseaux se lâchait avec une fougue sans pareille.
Comme je tremble à l’idée d’encourir les foudres des uns ou le mépris railleur des autres, je me contente ici de renvoyer vers ce lien Soirée féministe annulée : que s’est-il passé dans ce bar de Caen non sans ajouter quelques questions complémentaires.
Mes multiples billets sur des soirées proposées par le Portobello prouvent, s’il en était besoin, mon intérêt pour ce lieu devenu incontournable pour la nuit caennaise surtout depuis la fermeture de l’Industrie et de l’Icône. Indispensable mais pas indiscutable, le bar du canal offre une visibilité à de nombreux artistes dans des conditions que ces mêmes artistes peuvent plus ou moins accepter ou … subir, il en va ainsi, hélas, de la dure loi de la nuit artistique et …commerciale caennaise. Faut-il, pour autant, comme j’ai pu le lire dans certains posts crier “honte au Portobello” … je m’en garderai bien et il n’est jamais bon de crier avec les loups ou … les louves.
Au départ de toute cette affaire, une accusation d’actes sexistes que la direction du bar n’aurait pas traité avec l’attention convenue. Face à de telles charges, la direction répond par son engagement féministe et l’actualité de ses dernières propositions festives. Le cocktail polémique vire à la gueule de bois avec des soupçons de “feminist washing” en retour. Si on ne peut que se réjouir ( et le mot est faible) de voir qu’il n’est plus possible de passer sous silence les actes sexistes qui doivent définitivement appartenir au folklore dépassé d’un monde la nuit machiste et rance, il n’est pas possible non plus d’assister ou de cautionner les débordements verbaux que je peux lire depuis quelques jours et les relayer ici leur donneraient une nouvelle tribune incompréhensible.
Que retenir alors de toute cette ébullition ? Tout d’abord le courage incroyable des victimes (anciennes ou futures) qui, après cela, ont osé ou oseront encore dénoncer des débordements sexistes ou des actes plus graves. La nécessité, ensuite, pour tout établissement de la nuit, de gérer immédiatement, et en toute transparence, les faits délictueux qui lui sont soumis. Devant le caractère extrêmement inflammable de ces questions, il paraît pour le moins maladroit et insuffisant de ne s’appuyer que sur l’absence de preuves video, au risque de fragiliser encore plus la parole ( difficile) de la victime. Je n’ai aucune légitimité à dire qui est coupable ici mais l’absence de preuves video est certes une pièce capitale à ajouter au dossier mais ne pourrait le clore au risque de basculer définitivement dans une médiocre relecture du 1984 orwellien.
Entre les thuriféraires du Portobello et les Robespierre aux mains plus ou moins propres pour le décrier, je n’ai pas envie de trancher et rien ne nous oblige à choisir un camp si ce n’est celui de la vérité et celui aussi du soutien aux victimes. Ce nouvel épisode, forcément douloureux pour tous ses acteurs illustre, à l’échelle locale, les tensions de notre société. Pour les curieux ou les spectateurs ( j’appartiens à ces deux catégories), il est normal de se renseigner et de chercher à comprendre les tenants et les aboutissants de ce “micro” événement, pour le reste, il convient peut-être d’en parler maintenant avec prudence et mesure.