Hier soir, après deux manifestations de mise en bouche, débutait réellement le week-end NDK. Rendez-vous donc à 20h à la Comédie de Caen ( salle du 32, rue des Cordes) pour Explore(r) le nouveau logiciel de programmation de cette quatrième édition. Vers 20 h, on peut rencontrer les quelques personnalités invitées au traditionnel pot d’ouverture et le hall d’accueil du théâtre expose fièrement deux kakemonos aux armes de la Drac et de la Région, ça vous donne tout de suite un petit côté officiel qui illustre bien la volonté des organisateurs d’apparaître comme des interlocuteurs incontournables du « milieu ». 
En décentralisant sa soirée VIP au 32, rue des Cordes, on nous indiquait aussi une volonté de croiser les publics, restait à savoir si les « théâtreux » sont miscibles dans la « teuf » ?
La (fausse?) bonne idée de la soirée résidait principalement dans l’installation centrale de la scène, permettant, sur le papier, une déambulation à 360° autour des artistes. Le dispositif n’est pas nouveau, et du Portobello à la Fonderie, j’ai pu assister à des soirées de ce genre. Là où ça coinçait un peu c’est qu’une malencontreuse obscurité totale de la salle n’aura permis qu’aux plus téméraires ( ou à ceux qui connaissaient la salle) de s’aventurer derrière, le gros du public optant, par méconnaissance ou par frilosité pour le bon vieux « frontal ». Quand on déplace un concert electro dans une salle de théâtre, il convient peut-être de penser une petite dramaturgie de l’espace mais les jeux de lumière concentrés sur une scène plongée dans le noir auront rendu un peu vain cette idée initiale s’ajoutant à cela un public trop modeste pour occuper cet espace qui se pensait un peu trop rapidement innovant.
Les soirées « officielles », dans nos bonnes vieilles préfectures, se doivent de remplir un cahier des charges Telerama friendly et dévoiler les audaces plus ou moins pointues à même de satisfaire les palais raffinés et ce NDK Explore aura coché bon nombre des cases. 
Pour débuter, place à Nouveau Monica. Seul en scène, le musicien explore d’apparents tâtonnements sonores pour dévoiler des sortes de tableaux musicaux d’où émergent, ça et là, des bribes de boucles « soul » rassurantes ou déstabilisantes selon les envies de l’artiste. Un peu comme ces artistes qui dessinent en live avec du sable, on voit presque devant nous surgir des paysages sonores qui, derrière le chaos sonore, viennent se figer dans une éclatante et dernière fulgurance. Entre finesse et fracas, Nouveau Monica excelle à sculpter une pâte sonore pour faire apparaître ( et aussitôt disparaître) des impressions musicales. Cinquante minutes de persistances … auditives bienvenue !
C’est au tour du quatuor belge Echt ! d’entrer en scène. Depuis quelques années, Echt ! enchante surtout le milieu « jazzy » qui avait certainement besoin de ce petit vent de folie « electro » pour se refaire une jeunesse. Après les paysages de Nouveau Monica, place à des bandes-sons joyeuses et parfois sombres. Plaisante, cette introduction qui n’était pas sans évoquer les dynamiques sautillantes d’Henry Mancini, mais pour une Panthère rose tout de même un peu sous « ecsta ». C’est drôle, et même si l’esprit jazzy domine, on comprend leur présence à NDK, tant les quelques boucles viennent apporter un regain de tension. Nouveau morceau, nouvelle bande-son potentielle avec cette fois-ci une partition qui pourrait accompagner le très méchant d’un James Bond infiltré à Coachella. Le piano ( numérique) sonne piano…jazz avant de partir dans un registre plus synthé et illustrer une Guerre des étoiles 2.0. Une heure de musique efficace et tenue, un peu comme si la programmation Jazz dans les foyers du Théâtre de Caen était venue s’offrir une petite virée canaille du côté des intellos Rive gauche. 
On attendait beaucoup de Glass, les régionaux de l’étape. Dans un étrange assemblage avec Maoupa Mazzocchetti, Glass poursuit sa sombre et ténébreuse exploration musicale, ponctuée hier soir par les « bruits » raffinés de celui qu’on présente comme un magicien multi-instrumental. Le résultat sonne comme une impressionnante et hypothétique musique pour un ballet et l’on se plaisait à imaginer, dans cette salle de spectacle, une forme totale de rencontre entre danse et musique. A la rigueur froide de la rythmique de  Glass répondaient les virgules sonores et concertantes de Mazzocchietti sans que l’on sache véritablement qui prenait le « lead » sur qui. La proposition, austère et presque janséniste dans son forme, aura un peu brisé les quelques velléités dansantes du public mais elle semblait nous dire, à l’image de la Beauté de Baudelaire : « Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre… ».
Derrière des audaces musicales certaines et l’académisme un peu convenue de la modernité, cette nouvelle proposition NDK Explore laboure avec prudence et sérieux les terres plus ou moins en friche des nouveaux territoires des musiques électroniques. Pas forcément de quoi effaroucher la ménagère de moins de cinquante mais une initiative à saluer, en espérant que la prochaine fois la puissance de tir supposée des deux maisons ( CDN et Cargö) parvienne à susciter l’intérêt d’un public plus curieux et plus nombreux.

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