Rares sont les bars à offrir, quatre heures durant, une plateforme d’expression musicale à un(e) dj. Faute de lieux adéquats, les artistes en musiques électroniques sont heureux (ou contraints) de se produire dans les quelques bars de la ville qui ouvrent leurs portes à ces esthétiques musicales, et qui, parfois, consentent à dégager une petite piste de danse, luxe suprême !
Depuis de nombreuses années, on sait que le Trappist fait partie de ces lieux accueillants avec, de temps en temps, une carte blanche à un artiste.
Hier soir, c’est donc Nico B qui tenait les clés de la sono du Trappist , une nouvelle occasion de découvrir les folies sonores qui se bousculent dans la tête de ce dj aussi discret que passionné.
Quatre heures trente de musique, c’est long et comme pour un marathon, il faut savoir ménager ses forces, sa monture et son auditoire au risque de basculer dans de la pure animation sonore.
Visiblement Nico B a parfaitement intégré les écueils de ce genre de prestation et vers 21 h il n’hésite pas à plonger les clients du bar dans une sorte de doux cocon ambient, un genre musical qu’il maîtrise parfaitement et qu’il pratique parfois sous son autre « blaze » : Other. Cet univers se prête particulièrement bien à une mise en bouche, en jambes, en oreilles, avec ses nappes délicates qui nous enveloppent sans nous brusquer, la musique est là, aussi subtile que délicate mais elle sait se faire oublier un peu pour nous permettre de parler, de rire et de vivre la vie d’un bar.
Nico B, en vieux routier de la scène lexovienne ( avec le collectif Solar Family) et caennaise ( Mad Brains), anime depuis très longtemps nos soirées et seule l’évidence de sa longue présence explique que depuis près de dix ans je ne lui avais jamais consacré de billet. Je répare ici cette petite injustice et je le fais avec d’autant plus de plaisir que son « show » de quatre heures aura permis de nous faire entendre l’étendue et la qualité de son travail. L’ambient, ça peut très très vite tourner à la musique d’ascenseur mais les tracks poussés hier soir, en apéritif, avec la finesse de leurs lignes mélodiques nous invitaient à une écoute plus sérieuse. Si la foule ne se presse pas devant lui, c’est qu’elle préfère se lover agréablement dans l’atmosphère ouatée qu’il distille pour nous.
À 22h, il est temps de bousculer un petit peu l’assemblée et c’est le Nico B rompu aux grosses scènes locales qui fait mouche. Samedi dernier déjà, au Portobello, il officiait avec Fred H pour nous offrir une soirée aux petits oignons comme ils en ont tous les deux le secret, et de l’avis même des présents, c’était là une des nuits les plus dansantes et les plus musicales du lieu !
Hier, le « daron » Nico B parvient à me surprendre avec une piste de Mr.G que je ne connaissais pas et qui faisait entendre toutes la richesse Groovy de cette légende anglaise. Ça commence à monter dans les tours mais Nico B sait qu’il a encore deux heures à tenir, alors on reste dans les tonalités House et funky et toujours ce soin de ne pas brusquer le lieu, de s’adapter au cadre spécifique d’un bar qui n’est pas une salle de spectacle ou un club. Entre deux remontées de potards, je discute avec lui et je sens le plaisir qu’il a à réveiller ainsi des playlists qui dormaient dans ses clés et qui, pour ce soir, se prêtent merveilleusement à ce voyage musical et historique.
Avec l’arrivée d’une nouvelle génération de djs qui pensent, à tort, que cette musique est née avec Tik Tok, la maturité sereine de Nico B nous rappelle des sons oubliés ou pire, négligés. Il le fait en toute simplicité, avec une apparente nonchalance qui cache une redoutable machine à balancer des bangers qui explosent certes, mais avec tact et justesse.
Vers minuit, je comprends enfin pourquoi, à côté des platines CDJ, il y a quelques obscurs « Digitone » ou autres petits boîtiers plein de boutons lumineux. Conscient de la carte de visite musicale que lui offre le Trappist, il ne se prive pas de faire briller sa dernière facette, celle qu’il développe dans le duo Bruderschaaft. Fini le balanceur de tracks, place à la musique live et c’est un fauve ( un peu en cage tout de même, le lieu ne se prêtant pas, par nature, à l’exubérance techno) qui fait éclater ses nappes de « drones » sur lesquelles viennent se fracasser des kicks amoureusement travaillés sous nos yeux.
Ambient, house, techno, live… n’en jetez plus, la coupe est pleine et vers une heure du matin, comblé comme après un repas « trois étoiles » je quitte les lieux avec dans la tête les bribes de ces quelques lignes, tant il me tarde de m’excuser pour avoir attendu si longtemps à (re)connaître l’artiste Nico B !