Une Big « disco beach » Party qui fera date…

Presque une semaine après le final très tristounet de NDK ( un samedi après-midi entier sans public, ou presque) on pouvait craindre un succès d’estime pour cette désormais traditionnelle soirée de lancement de saison du centre chorégraphique. C’était sans compter sur le « buzz » formidable de la précédente soirée qui, l’année dernière, avait prouvé l’extraordinaire capacité d’Alban Richard et de son équipe à se transformer en organisateurs professionnels de …party ! 

Mine de rien, avec le nombre de « vu » en retour de mes billets, je dispose d’un baromètre, certes subjectif, de ce qui a pu faire événement et avec plus de 5000 « vu », la Big Party de 2021 entrait dans un top 3 plus que mérité. C’est peu dire donc combien j’attendais cette nouvelle édition. Avec une habile science du teasing, le Centre Chorégraphique avait « animé » nos yeux depuis quelques jours avec la belle installation vidéo sur le pont Bir-Hakeim que j’empruntais à nouveau hier soir pour me rendre à la Party, histoire de revoir une dernière fois, avant son départ cette « subliminale » maison flottant dans les arbres qui longent l’Orne. Il flottait, sur ce pont, comme un petit air d’Interstice et voilà que le CCNCN relevait , haut la main, le défi d’une soirée « electro » qu’on pouvait considérer, à tort, comme reléguée à la presqu’île. Loin d’y lire une concurrence entre des acteurs culturels locaux, je vois dans ce positionnement (ponctuel ) du Centre chorégraphique une volonté de placer la danse au cœur même de ce qui anime aujourd’hui l’envie et la nécessité de sortir de nos enfermements individuels et de nous retrouver, tout simplement.

Sur place, on retrouve l’organisation habituelle d’un véritable mini-festival avec son service d’ordre ( très prévenant ), ses jetons-boisson et l’inévitable truck-food envahi vers 20h. L’équipe du CCNCN, dans un esprit « corporate » festif a adopté un dress-code aussi kitsch que pailleté qui est totalement raccord avec l’habillage du lieu, une nouvelle fois signé par le rusé Nicolas Maalouly. 

Pour cette « Big beach » ( que l’on prononcera avec ou sans un « t » sarcastique), le cône de glace Italienne est partout, et culmine dans la salle, en version xxl avec ces immenses boules à tango posées dessus, c’est …à croquer sans modération. Les amateurs de musique « electro » qui semblent enfin avoir saisi l’importance de cette nouvelle date dans le calendrier annuel des sorties bavent d’envie devant cette « boîte » improvisée qui nous manque tellement le reste de l’année. 

En ouverture des festivités, une Amanda Lear de substitution initie le public aux pas de danse qui accompagnent Ho fatto l’amore, le tube italo-glam de la muse de Salvador Dali. Mine de rien, à force d’entendre et d’entendre encore cette « scie » pre-berlusconienne, on entre lentement dans un esprit de plus en plus convivial et communautaire, au sens noble du terme, comme si nous formions un immense corps de ballet disco dans lequel les plus aguerris se mélangent, sans ostentation, avec les plus timides.

Alban Richard revient ensuite très rapidement sur une présentation vidéo des propositions du centre pour cette année ( on y reviendra nécessairement) et laisse ensuite la place à une première salve de performances-surprise assurées par Angèle Micaux, Julie Dumont et Kimi Amen. Sans savoir si les soucis techniques ( un son qui ne vient pas) font partie du show où sont réels on assiste ensuite à des attractions plus ou moins féeriques ou érotiques, esprit Crazy Horse en mode freaks, qui culminent avec cet immense ballon de plage, rose bonbon qui, littéralement va engloutir une danseuse qui … n’attendait que cela ! Explosion finale garantie ….

L’année dernière déjà, j’avais été saisi par la radicalité des choix musicaux ( et son incroyable efficacité festive) et hier soir encore, Kendal, avec son set italo-rave, aura réussi à chavirer une salle qui, certainement …n’attendait que cela.

En fait, j’aimerais  avoir la capacité de détailler, piste par piste, l’intelligence musicale de Kendal qui ouvre ses hostilités sado-maso avec Cerrone et son Supernature. On se dit que c’est parti pour une tendre et nostalgique virée dans les années disco ( n’est-ce pas là le titre même de la soirée ?) et voilà que le fourbe se met à glisser subtilement des notes de plus en plus hybrides, entre New Wave acidulée et electronic body music ( EBM pour les intimes) c’est à dire une forme de variation punk où le synthé rassurant d’ Eurythmics ( version sweet dreams) devient une rengaine post-apocalyptique piétinée lors d’une rave-Party assurée par des sorcières mutantes de 2022. Des caresses nostalgiques ( get get down de Paul Johnson) qui deviennent, par la magie du mix, des claques aussi brutales que rafraîchissantes…sadomasochiste, non ? Le public est littéralement en extase et c’est un plaisir incroyable que de voir ce beau mélange générationnel, social, culturel ne faire qu’un sur une piste chauffée à blanc ! On a les syndromes de Stendhal que l’on peut ( ou que l’on mérite) et pour ma part je ne suis pas loin d’y succomber, envoûté  par cette science, cet art de la scène et du son. Décidément les qualités de programmation musicale d’Alban Richard sont d’une efficacité populaire redoutable et plus que jamais on en vient à regretter le caractère unique dans l’année  de cette party.

Après cette volée de compliments mérités, et cet épuisement physique et émotionnel, arrive Protopapa et un deuxième intermède plus Crazy Horse que jamais d’où se démarque un monstre bi-face qui, avec son masque sur l’arrière du crâne, nous plonge dans une illusion visuelle très applaudie. 

Je l’avoue, après la folie Kendal, je suis peu réceptif aux tonalités plus apaisées de Protopapa d’autant qu’il pousse un peu trop les potards et fait crier les limites d’un système -son qu’on espère plus pointu pour la prochaine édition. Il est plus de minuit et dehors, un public nombreux fait la queue pour espérer atteindre la saint Graal de la salle et je suis content de faire un heureux pour me remplacer. 

« La soirée la plus courue de l’année à Caen » annonçait avant-hier le site de la Liberté, un média peu connu pour ses audaces esthétiques. Pour une fois, je me range derrière cet avis, et sans vergogne, je rajoute : je vous l’avais bien dit ! 

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