Troisième soirée NDK au Cargö, hier soir, et la fin (provisoire) de cette première salve festive installée tout autour de la salle des musiques actuelles. De nombreux ami(e)s m’ont rapporté une très belle soirée, la veille, avec une très forte ambiance du côté de la petite salle, je suis donc très curieux de voir si la magie opère encore. Découvrir aussi, après la soirée d’inauguration de jeudi, plus intime, le Cargö dans la pleine  puissance de sa machinerie.

Comme toujours, vers 22h30, nous sommes encore peu nombreux, et sur la scène du Klub les larrons d’Helios, 1diskret et Mule Jalard, se lancent dans une tonique mise en bouche : un techno à l’esprit dancefloor assumé teintée de petites notes acid bienvenues. Le collectif Hélios, venue du Havre, nous prouve, s’il en était besoin qu’on peut dorénavant traverser sans risque la Seine tout en conservant un capital electro, première bonne nouvelle régionale de la soirée.

Romain Pellicioli, le nouveau programmateur officiel du Cargö, m’invite ( avec une amicale pression) à ne pas rater dans la grande salle, la prestation d’ouverture de Scalping, et on ne peut que comprendre son enthousiasme à l’issue de la prestation de ce groupe anglais. Sur scène, on est presque surpris de voir une formation musicale ( ils sont cinq) qui rappelle avant tout un bon vieux groupe de rock. Et dès les premières attaques de la batterie, on se demande bien dans quelle région « dark », Scalping entend nous conduire. Je retrouve un peu cette même sensation d’il y a près de trente ans, quand je découvrais sur scène Faithless et son instrumentarium acoustique tout entier consacré à des sonorités …. Electro. Avec Scalping, la couleur musicale est autre, et le groupe s’appuie sur des fondations « metal » qui peuvent ( et doivent ) surprendre. Nos repères sont brouillés avec ces sons « noise » qui semblent exploser sur scène. Sauf que, insidieusement, on entend poindre une petite musique, un tempo de batterie, des nappes électroniques qui entament des noces morganatiques entre les deux univers. Près de cinquante minutes intenses et parfaitement construites durant lesquelles on baigne dans un no man’s land musical. Scalping éclate les logiques communautaires et le moins que l’on puisse dire c’est que ces noces fonctionnent à plein pour qui accepte de sortir du confort de ses habitudes musicales. Sur l’écran, un beau travail d’où émerge une sorte de créature explosée semble ravir le public, impressionné par ce « tunnel » apocalyptique et coloré. 

Le « choc » Aeven.

Histoire de sortir un peu s’aérer les oreilles après les guitares et la batterie trépidante de Scalping, je découvre enfin la scène extérieure qui ne fonctionnait pas encore jeudi soir. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle remplit à merveille son rôle : espace Chill, espace fumeur, dancefloor aussi généraliste que généreux, on y vient un peu par hasard et on y reste, happé par le dynamisme de Zone rouge et de son abattage certain pour animer une soirée. 

Je ne veux en aucun cas rater l’entrée en scène du petit lutin caennais , Aeven, qui doit assumer à la fois, sa position exclusive d’artiste local et plus encore cette grande scène qui peut fonctionner comme un enfer …ou un paradis. 

À vrai dire, je me sens presque coupable des lignes qui suivent, tant elles pourraient être lues à la lumière de ma seule fidélité envers cet artiste que j’ai vu naître ( et que je tenais absolument à programmer pour notre Uhme ´s night). Qu’importe pourtant le soupçon de favoritisme ou de parti-pris puisque c’est une véritable standing ovation qui viendra saluer les dernières notes de son live « historique ». Avec une audace maîtrisée et des risques fous, il aura, durant près de deux, tenu de bout en bout son pari de donner à son univers musical  ( un breakbeat radical) une couleur populaire et œcuménique. Son live est rempli de citations musicales « geek », de Pokémon aux sifflements de la bande-son de Kill Bill, mais ces citations permettent d’installer un climat de confiance, de sympathie avec une salle qu’il parvient, subtilement, à entraîner dans son univers. Il épure les notes connues, en fait des ritournelles réduites à quatre notes et les injecte dans un savant montage « breaké » qu’il parvient à chaque fois à moduler, reconstruire sans que jamais ne se perde l’esprit et la fougue initiale de ce style musical. On sent, on entend, on vit le résultat d’heures et d’heures de travail mais le résultat est là : hier soir, Aeven a totalement redistribué les cartes de la production locale, il fallait qu’il n’y en ait qu’un et sa place est désormais incontestable. J’espère, de tout mon cœur, que des « professionnels de la profession » étaient là hier soir pour entendre et sentir cette magistrale leçon musicale livrée par notre petit lutin, et c’est aussi pour cela que nous avons besoin d’un festival fort et confirmé ; pour qu’une telle énergie ne soit pas le feu d’artifice d’une simple soirée. En une soirée, nous avons assisté, en direct, à cette sortie de chrysalide et vu naître un véritable artiste !! Qu’on en finisse avec  la nostalgie d’un âge d’or caennais  sans cesse reporté puisqu’à lui tout seul, dans son infinie modestie, Aeven nous aura montré que la scène locale enfante ( et enfantera) mieux que des prodiges ou des étoiles filantes… Merci à NDK d’avoir permis ce miracle, au sens plein du terme, et encore une fois, tant pis si des esprits chagrins ne liront ici que de plates « courtisaneries » caennaises ….

Les heures passent à toute vitesse, et je dois bien reconnaître qu’après le choc Aeven j’ai bien du mal à digérer la débauche de kicks de Parfait sur la grande scène. Certes elle joue un rôle prépondérant sur la scène parisienne avec Possession, certes elle enflamme la grande salle avec son tapis techno et sa grosse artillerie percussive mais décidément je goûte peu cette inflation certainement nécessaire pour réveiller l’attention ou l’écoute d’un public en proie à des délices plus ou moins avouables. Housecall, sur la scène extérieure, remet mes oreilles d’aplomb. Les deux amis parviennent à retrouver toute la saveur estivale d’un dancefloor vitaminé, sans prise de tête, comme disent les djeunes, mais avec une incontestable maestria technique et artistique, il est temps pour moi de partir, non par ennui mais bien parce que mes « piles » émotionnelles sont chargées à plein et peut-être aussi parce que le retour d’u.r.trax, après son passage à NDK 1, ne me vend pas le rêve suffisant pour me maintenir sur place.

L’heure n’est pas encore au bilan pour cette deuxième édition de NDK, puisque ça et là quelques manifestations sont encore à venir. Le gros de l’événement 2022 vient pourtant de se dérouler et là où d’aucuns ( moi aussi, je le confesse) pouvaient attendre (ou espérer le pire ?), force est de constater qu’il semble bien se dessiner une dynamique nouvelle du côté du Cargö. Reste à soigner une communication moins tardive et une réelle couverture nationale pour espérer que cette tentative s’installe durablement dans la liste des événements prescripteurs. Nous n’en sommes pas loin à condition que l’écho de ces trois jours échappe aux dossiers de presse et autres publi-reportages. Pour le reste, à la scène artistique locale de s’inscrire intelligemment dans cette nouvelle dynamique pour y insuffler une parole artistique encore plus forte et plus assumée, histoire de ne pas oublier que ce nouveau festival peut et doit être leur écrin privilégié. Æven nous le prouve et ce n’est que par cette montée en puissance qualitative que nous pourrons nous en sortir ! 

One Reply to “NDK2, le final ?”

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