Un gros “coup de gueule”, et une Saint-Love qui assure….
Jeudi soir dernier, direction Alençon pour les Inouïs du Printemps de Bourges et la sélection normande. Sur les quatre artistes (ou groupes) en lice, j’avoue ne connaître qu’Angseth et avoir entendu la rumeur favorable autour de Jyeuhair, un jeune artiste hip-hop.
Sur place, l’ambiance est plus que morose, peu ou pas de public, ce qui est tout de même un comble pour une Smac qui a fêté ses vingt ans en 2014. Au fil de la soirée, après des passages de trente minutes, la grande salle est de plus en plus vide et il faudra l’énergie d’un vrai pro de l’entertainment comme Jyeuhair pour réussir à galvaniser une salle atone. Il débute en solo, avec une voix bien placée et une incontestable science de la scène. Tout es cadré, des déplacements à l’arrivée de ses deux autres comparses. Les textes sont simples et sensibles, jusqu’à cet instant presque a capella où il nous prouve sa capacité à créer ses instants poétiques et complices qui, assurément, installe un artiste de la scène. Un showcase de trente minutes pensé de bout en bout, tant dans sa montée dramatique que dans son côté “voyez ce que je sais faire” sans que cela ne soit jamais racoleur ou prétentieux. Au même titre que les trois autres artistes présents, il y a du travail, de l’engagement, de l’espoir aussi et c’est d’autant plus choquant que cela se déroule dans d’aussi médiocres conditions.
Une Smac donc (la Luciole), qui se contente de mettre une ligne de plus dans son cahier des charges, un alibi mesquin pour défendre la création régionale, un accueil de “fonctionnaire fatigué”, pas un mot pour présenter les artistes et dynamiser une soirée médiocre de bout en bout. Le minimum syndical d’une structure qui nous indique qu’elle n’a fidélisé aucun public et qu’elle n’est pas capable de remplir ( même un peu) un événement, gratuit en plus. Toutes les dérives de la “culture officielle” subventionnée trouvait ce soir-là l’illustration la plus criante de ces “maisons” qui ne sont plus que de vulgaires institutions dépourvues de toutes empathies avec les artistes. Angseth et son set live de trente minutes, en clôture, en fera les frais puisque nous ne serons plus que dix pour entendre une musique qui ne peut trouver sa pleine explosion artistique que devant une salle surchauffée. Et quel gâchis que de n’être que dix pour un set aussi savamment construit, pour explorer une construction rythmique aussi implacable que courte. N’importe quel dj, même sur une pauvre console Hercules, sait la difficulté de construire une progression dynamique digne de ce nom, et de voir Angseth, seul et en plus bien mis en lumière, s’éclater avec une telle inventivité dans une salle immense et devant dix pauvres clubbers, ce fut-là un spectacle douloureux et que je ne souhaite à aucun artiste : Shame on you, la Luciole !!!!
Gros “retour de flamme” pour la Saint-Love.
On le sait, la dernière édition de la Saint-Love ( toujours organisée par Mad Brains), m’avait un peu (beaucoup) laissé sur ma faim. C’est donc avec une certaine inquiétude que je me suis rendu, samedi soir, à cette deuxième soirée, non sans avoir entendu des propos élogieux (et rageants donc puisque je ne pouvais pas en être) sur la soirée de la veille et surtout autour de DR Elfa, une dj locale qui semble avoir tourné la tête de plus d’un vieux briscard de la nuit electro normande…
Les organisateurs ont idéalement repris la main sur le montage artistique des deux soirées et on retrouve (enfin) la salle d’ART PLUME comme on l’aime. La scène occupe à nouveau le fond de la salle et permet d’offrir un espace optimal entre la scène et la salle. Les caissons de sono sont moins imposants que d’ordinaire et dégagent ainsi un plan ( en mode panoramique assumé) d’où émergent sept longs rectangles entourés de leds qui servent de support à un beau travail de mapping video, aussi subtil que discret. Une fois encore, je ne peux m’empêcher de me dire à quel point une telle salle nous manque à Caen, tant elle semble idéale dans son format et dans sa simplicité “warehouse”.
A 22h, je suis le premier dans la salle et c’est l’occasion pour moi d’entendre avec une oreille “neuve” Fred H, un des piliers des soirées Saint-Love. Je suis presque envahi par un sentiment d’ingratitude devant son warm up …génialissime ! Il en va souvent de ces “perles” que l’on côtoie depuis des années et qui s’installent, à tort, dans une sorte d’évidence routinière. Mais samedi soir, ce n’était pas le Fred H des grands jours, c’était tout simplement le très “grand” monsieur de la scène electro qui, une nouvelle fois, faisait éclater son incontestable puissance narrative. On retrouvait ses obsessions pour les digressions brésiliennes, sa maîtrise de la longue et lente “infusion” rythmique où la ligne mélodique se plie et se déplie dans un langoureux jeu de cache-cache avec des beats qui savent contrôler leurs rugissements. Puis viennent des congas, des sirènes même ( on reparlera des sirènes …) et c’est avec délicatesse et énergie à la fois qu’il nous habitue lentement à ce qui va suivre et qu’il nous fait entrer dans des bpms plus tonitruants. A celles et à ceux qui, par conformisme ( ou par bêtise) se lâchent dans de lapidaires sentences du type : Encore Fred H ! je ne réponds qu’une seule chose ; du Fred H comme samedi soir, j’en redemande et une telle leçon de djying offerte avec tant de classe, ça ne se refuse pas !l
Viennent ensuite les deux guests de la soirée, from Paris with love, NTBR et Lacchesi, les représentants survoltés du label Maison Close records. NTBR ouvre le feu et c’est une “electro” sans tabou et sans filtre qui éclate sur scène. La ligne mélodique, on s’en balance, les transitions, n’en parlont pas, tout ici est pensé et orchestré dans un souci d’efficacité, comme une sorte de cri primal (et parfois primaire) d’où surgissent parfois d’étranges pauses “câlins”, avec un retrait brutal de kick qui revient encore plus vif, comme une claque sur les fesses ou pour les oreilles. NTBR se moque absolument de toute bienséance esthétique, il balance et balance encore ses uppercuts de beats qui sont autant de décharges sensuelles devant un public qui en redemande et qui se trouve, sans même le savoir, en connexion avec ce que la scène electro européenne produit de plus “frais”. Carton plein pour cette nouvelle soirée pensée et organisée par Mad Brains qui nous prouve une nouvelle fois son intimité et sa connaissance “pro” de ce que la scène techno offre de mieux. Un petit bémol pour moi ( il faut savoir être crédible même dans l’éloge ), le caractère un peu redondant du set de Lacchesi après le passage de NTBR. En revanche, je retiendrai l’élégance et l’intelligence avec laquelle il aura repris la main après un regrettable incident de sirène (l’alarme incendie s’étant déclenchée vers deux heures du matin). Dix minutes de joyeuses euphories, sans aucune trace d’inquiétude et une salle qui se met à danser sur les stridulations tout de même basiques d’une sirène d’incendie.
Pour qui voulait découvrir un aspect essentiel de la nouvelle Techno parisienne, c’est à la Saint-Love qu’il fallait se rendre et avoir la primeur de ces jeunes artistes qui bientôt, seront trop chers pour nous. Après le choc Stanislas Tolkachev au Cargö, et Maison Close ce week-end, Mad Brains nous prouve une nouvelle fois sa capacité à organiser des soirées à très haute valeur ajoutée.