Les Ragondingues au Camino : Pour vivre heureux, vivons cachés !

Collectif aussi discret qu’exigeant, les Ragondingues semblent avoir trouvé au Camino l’espace idéal pour rendre lisible leur projet musical tout en maintenant un esprit “undergroud”. 

Pour les amateurs de sons électroniques, le bar de Vaucelles ne figure pas sur la liste des endroits incontournables, et pourtant, vendredi soir, les Ragondingues ont prouvé que cette modeste salle, au sous-sol du Camino, pouvait, avec quelques aménagements soigneusement pensés, devenir un “club” performant. 

Pour ceux qui ne connaissent pas cette salle, imaginez le sous-sol d’une maison bourgeoise, du genre de la cave d’un bon bourgeois de province. L’aménagement technique est réduit à sa plus stricte expression et on est bien dans cet esprit de la “boum” dans le garage. Là où la proposition scénique des Ragondingues est nouvelle, c’est qu’ils ont réussi, avec six “pauvres” moniteurs-video et surtout une bonne “sono” à transcender ce lieu pour en faire un concentré de “club” : une boîte noire avec ce qu’il faut de “signes” poétiques pour créer un espace mental propre à l’explosion de leur créativité. On est clairement dans une logique des “catacombes” avec ce “je-ne-sais-quoi” de professionnalisme et de j’menfoutisme à la fois qui peut parfois faire des merveilles. Avec les Ragondingues, tout est minimal mais avec tact et talent, jusqu’à ces videos qui, trois par trois, de part et d’autres de la scène, diffusent tout d’abord un voyage “solarisé” du château de Caen. C’est graphique et simple, sans esbroufe, mais ça suffit pour sublimer une salle banale en un dancefloor en mode “radeau de la méduse”. Pour ma part, cette vision du “small is beautiful” me va parfaitement et elle me semble en plus une réponse radicale au gigantisme et à sa fuite en avant commerciale.

A mon arrivée, vers 20H, H.CO ( Bear. PM) est au commande. Le mix est survolté et balance sans complexe entre techno et acid, avec une énergie aussi folle que débridée. H.CO, énorme “banane” en guise de sourire, est en permanence en lien avec la salle et nous transmet, par empathie musicale, son enthousiasme et son délire. Le son est un peu fort, mais assez idéalement étagé et de temps en temps le dj n’hésite pas à rejoindre le dancefloor, nous prouvant plus que jamais que son intention initiale et première c’est de faire la fête : listen, smile, dance and enjoy !!! ( je ne sais pas pourquoi ça sonne mieux en anglais). Il incarne ce que j’attendais de cette soirée : une absence totale de “chichi”, une modestie qui en rabattrait pourtant à d’autres prétentieux, et surtout une évidente envie de partager et de vivre ensemble l’âme brute et vitale de cette musique. C’est frais, sans prétention et pourtant redoutablement efficace.

Une heure plus tard, je ne sais pas encore que je vais avoir droit à une réelle découverte artistique. Otso entre en scène, très discrètement puisqu’il est presque caché derrière les trois écrans de droite. Un set “live” se dévoile lentement, avec une lente et délicate mise en “ambient” qui sert de cadre à une implacable cavalerie rythmique. Le tout est soigneusement “mitonné” sur place, avec une logique dans la construction du set qui me laisse encore sur le c…l. C’est pro de bout en bout avec un raffinement constamment renouvelé dans les boucles et les dynamiques. Tout est posé avec une logique assumé et assuré et ce “petit jeune” qui ne revendique qu’une année de travail cache aussi modestement son jeu qu’il annonce sans conteste une nouvelle signature singulière dans le paysage musical local. A suivre donc, avec la plus extrême des vigilances. Et si en plus, je rajoute, que par une infinie délicatesse, il a pris soin de baisser un peu le volume et d’installer un confort auditif propice à une réelle complicité, on tient là le carton plein de la soirée.

Pour finir, place à   ⁕ 𝗧𝗛𝗘 𝗕𝗢𝗧𝗖𝗛𝗘𝗗 𝗡𝗢𝗜𝗦𝗘 𝗠𝗔𝗞𝗘𝗥𝗦 𝗖𝗢𝗠𝗠𝗜𝗧𝗧𝗘𝗘 ⁕, c’est tellement long à écrire que j’ai fait un vulgaire copier-coller. Le nom est à rallonge mais cet artiste, par ailleurs membre de Conformance, telle une locomotive à l’ancienne, fait défiler un paysage sonore comme dans un film en noir et blanc. On est toujours dans une prestation derrière machine mais ce n’est plus, comme avec Otso, le processus de construction qui est ici mis en avant mais plus le rugueux frottement du kick avec des bribes de boucles percussives. La salle est pleine, ça sent (un peu) la transpiration mais surtout la joie et le bonheur d’être là. Encore une fois, peut-être, on me reprochera mon nouvel enthousiasme, mais, en juin dernier, en découvrant à la fête de la musique ces Ragondingues, mon petit doigt me disait qu’ils possédaient une forme de “vérité” musicale, une sincérité dans leur démarche qui m’intriguait. Avec cette excellente soirée au Camino, il m’ont conforté dans cette idée, et un peu comme ces adresses secrètes de bons restaurants qu’on ne veut surtout pas lâcher, même à ses meilleurs amis, j’en arrive à me demander, si pour ne pas souiller une si belle authenticité, il ne faut pas laisser ces Ragondingues dans d’aussi luxuriantes catacombes  secrètes ? 

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