Entre rêve et réalité, une nuit electro « secrète »

Après les longues heures de travail à remettre en scène le spectacle Uhme, l’occasion était trop belle : la promesse d’une soirée mystérieuse.

Pour conserver ( et respecter) le caractère privé de la soirée ( sous la supervision artistique de Senary) et lui donner son caractère presque irréel ( ou onirique ) qu’il me suffise de dire que cette proposition, samedi soir, cochait presque toutes les cases de ce qui nous manque cruellement à Caen. Un espace intime et pourtant accueillant ( une jauge de 100 personnes), aucun risque de nuisance sonore, un système son vaillant et qui a fait ses preuves ( merci Senary), une attention toute particulière au confort des « invités », mention spéciale pour cet espace Chill à gauche de la scène, un simple agencement de palettes mais disposées avec élégance et forment ainsi une petite tribune pour papoter tout en gardant un œil sur l’énergie de la scène. Enfin ( et peut-être surtout) une attention toute particulière à la programmation musicale qui, certes mettait en avant l’écurie Senary avec Vertuøze en tête mais aussi Lamy et VBL7, mais aussi des « guests », choisis et triés sur le volet, de quoi faire rougir certaines velléités programmatrices pourtant plus solides financièrement.

 C’est toujours aussi enthousiasmant de constater les efforts des passionnés pour promouvoir et faire vivre ces musiques et cette énergie à proposer du rêve avec presque rien  qui marque clairement cette nouvelle initiative. Pour exister, Senary ( les passionnés) respecte à la lettre les consignes implicites d’un événement privé si bien que je n’ai aucun mal à en dévoiler la dynamique sans craindre de fragiliser l’entreprise, appelée à s’installer dans le temps. Cette soirée « privée » est pourtant une réponse politique à la précarité qui menace à nouveau ces formes d’expression musicale qui ont de plus en plus de mal à avoir une visibilité artistique élémentaire et digne dans nos environs. Il y va d’une forme de survie !

A minuit, la salle, dans l’austérité de ses murs de parpaings, est éclairée par un dais de guirlandes lumineuses et une diffusion d’images plus ou moins symboliques ( par laser) nous dévoile, en grand, le nom de l’artiste. Rien que pour ce souci pédagogique on sent le respect des artistes ; tout est fait pour donner un écrin modeste mais soigné et cette apparente modestie nous rend l’initiative encore plus généreuse. Les « invités », amateurs et connaisseurs, goûtent et apprécient pleinement cette réponse « privée » au problème, public, de l’absence de lieux. 

Lamy, aux commandes musicales, nous accueille avec des sons puissamment charpentés. C’est tonique et technique à la fois. Après quelques secondes de silence, on passe au live de Cinder.

J’avoue que je partais avec un a priori positif concernant cet artiste. La rumeur strasbourgeoise flatteuse me donnait envie d’en savoir plus sur Cinder, d’autant plus qu’un live reste tout de même une prouesse casse-gueule. Soigneusement protégé par un costume ( cagoule et gants noirs), nous ne saurons jamais qui se cache ( ou se protège ) derrière ce camouflage minimal, et cela nous pousse à nous concentrer prioritairement sur sa musique et son univers. Les choix du musicien sont audacieux comme ces ruptures assumées qui d’une ambiance très dance floor à la tonalité flatteuse nous transporte presque brutalement dans un univers Drum dépouillé de toutes fioritures mélodiques. Après un drop on s’attend à tourner dans une avenue techno et on se retrouve dans une ruelle sombre, à l’éclairage musical minimal mais propre à toutes les aventures, canailles où dérangeantes. Délaissant toute volonté de fil rouge mélodique ou harmonique, il dispense, une heure et demi durant, un voyage musical aussi surprenant que maîtrisé : Cinder est là ( je ne résiste pas au plaisir de ce médiocre jeu de mots) et toute la force créative de sa musique nous impose son évidence et sa créativité. Un immense merci à Senary de nous révéler cet artiste accompli. Il en sera de même plus tard par Fredy P, un jeune Breton qui, après VBL7, apportera une touche punchy avec son bpm tonique et violent. Il est temps pour moi de rentrer, vers cinq heures du matin, non par ennui ou lassitude mais parce que je suis encore totalement sous le charme subtil de la proposition musicale de Cinder. 

Sans moyens autres que la volonté de partager, Senary nous prouve qu’il est possible de déplacer des montagnes de talents et de proposer ainsi une soirée rêvée qui devient, magiquement, réelle….

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