Depuis quelques temps, dans une région frappée par la morosité de ses propositions « electro » il se disait qu’un nouvel événement se tramait à Lisieux. Il faut dire que le collectif Comètes derrière cette proposition du Perséides Festival s’est donné les moyens de marquer les esprits. Une communication bien rodée, une programmation alléchante, une découverte « tremplin » et surtout l’espoir de voir revenir sur la carte des festivités cette bonne ville de Lisieux installée depuis des lustres dans la torpeur due sous préfecture sans réelle ambition en la matière.
Direction donc la salle Mosaïc, un équipement municipal qui transpire la MJC par tous les pores de son plafond blanc quadrillé. Il aura fallu bien des rêveries aux Comètes pour sublimer cet espace anonyme en un club accueillant mais dès l’entrée on sent que « ça peut l’faire »! Tous les codes sont là, de la fouille ( rapide et pro) à l’entrée en passant par les stands de prévention, de maquillage jusqu’à cet espace Chill où flotte pourtant bizarrement une musique qui flirte avec Radio Nostalgie. Le confort est optimal et l’amateurisme n’a pas sa place.
À 19h30 il faut de la témérité et beaucoup d’énergie à R’1 pour parvenir à nous faire oublier le grand vide de la salle, qui, malgré des efforts méritoires, ne parvient pas à cacher son origine « socio-cul ». Le plafond blanc et ses dalles accrochent les effets de lumière et rend presque surréaliste les poussées « techno » ultra mentales du dj qui délaissait pour une fois son univers house en surfant avec une âme d’enfant réjoui sur des vinyles bien chargés en bpm. Il faut bien cet electro(choc), loin des standards du warm up rassurant pour incendier un peu le flegme lexovien et ça marche !
Après R’1 c’est au tour du vainqueur du tremplin, Michel Hubert. À mi-chemin entre prestation de foire et cours d’aérobic, le martien Hubert nous balance son ovni musical avec la certitude d’entraîner le public dans son approche très (vraiment très) second degré. Des sonorités comme sorties d’une boîte à rythme playskool accompagnent des « lyrics » minimalistes qui font la part belle à l’autodérision. Le « show » tombe parfois un peu à plat quand il se perd dans son esprit kermesse à frites mais il retrouve toute sa vigueur pertinente quand il parodie avec justesse la sécheresse ou la pauvreté des musiques synthétiques.
La silhouette gracieuse et fragile de Tolvy remplace les pitreries burlesques et avec elle l’univers froid et parfois mélancolique de ces machines manipulées en « live » sur des bandes-son qui oscillent entre tentations EDM mainstream et noirceur techno minimales. Idéalement installée dans un dispositif scénique qui l’accompagne depuis ses débuts, Tolvy se livre à une prestation qui n’échappe pas parfois à l’exercice un peu scolaire d’un live archi-robotisé mais quand se pointe une douce folie un peu punk on sent bien le potentiel ravageur de cette jeune artiste rouennaise.
Il est temps d’écouter Comètes, les deux musiciens venus jouer sur leur propre terre. Bien camouflés derrière un masque, ils ( il et elle en fait !) ils s’installent dans un dispositif qui n’est pas sans ressembler à ces groupes new wawe des années 80. Comètes donc, avec un « blaze » qui résume bien une musique où, derrière des nappes de synthé spectrales explosent des bons gros kicks en mode four on the floor efficaces. Je regrette un peu le découpage des tracks qui les obligent à relancer à chaque fois une dynamique sonore bien réelle et les drops, ces gouttes d’eau musicales où explosent toute la force concentrée d’une piste, sont encore un peu timides mais la proposition, sans conteste, relève de l’évidence : un vrai groupe est né.
Who the f++k is Sara Zinger ?
Pour parodier une des tracks mixées par Sara Zinger ( what the f++k is EDM d’Alphadog) je n’ai cessé de me demander qui était cette Sara Zinger qui, durant un set impeccable, sera parvenue à maintenir une tension rigoureuse à travers des pistes ( parfois personnelles) qui laissaient toujours entendre des vocaux traités ici comme autant de claques rythmiques nécessaires pour réveiller un public un peu coincé. Sans aucun doute, son set, dans un lieu plus habitué à cette musique aurait provoqué une crise hystérique totale du dancefloor mais Lisieux oblige, elle maintient le feu sacré des déhanchements bourgeois et croyez moi, ce n’était pas gagné ! A mes yeux elle est la véritable révélation de cette première édition d’un festival qu’on espère de tout cœur s’installer définitivement dans le paysage et ce n’est pas faire ici offense à Zélie qui après elle, initie les oreilles locales à sa solide grammaire techno qui alterne subtilement entre de grosses claques de kicks et de moelleuses caresses mélodiques.
De grands espoirs donc naissent du côté de Lisieux, l’espoir de voir une nouvelle génération repenser l’approche et la découverte de ces musiques ( mention spéciale pour cette salle mixte, intergénérationnelle où des profils très club côtoyaient des silhouettes qu’on pensait plutôt rencontrer à un thé dansant ; mention “la classe” pour le dj Modwaver qui assumera avec brio, dans sa petite boite noire la délicate fonction de transition musicale entre les différents artistes. Une science réelle de la musique associée à des pistes parfaites – ah la joie d’entendre I’m ready de size 9) font de ses passages éclair un enchantemet). S’ils parviennent à conserver la fougue irrespectueuse des amateurs et le professionnalisme des « grands », ces nouveaux pionniers lexoviens risquent bien de chambouler notre paysage où trônent ( encore) trop de vieux rois nus !