Pour cette deuxième et dernière des grandes soirées de l’édition 2023, il convenait de venir dès l’ouverture des portes, à 22h, histoire de soutenir et d’animer le warm up concocté par deux artistes du collectif caennais Obsolete. C’est Laboutch’ qui lance les offensives avec une entrée en matière clubbing à souhait. Ça part un peu vite sur les chapeaux de roue mais Toolkit, dans une parfaite répartition des tâches reprend l’échauffement de nos esprits avec une prestation parfaite. Même si sa longue silhouette est familière pour les noctambules caennais, je confesse que c’est la première fois que je l’entendais et sa maîtrise du mix est totale avec de belles et savantes modulations qui se connectent pour mieux exploser de ferveur. Good job, mister Toolkit et merci à vous deux d’avoir si dignement représenté la Normandy Quality. Qui sait, l’année prochaine, la production locale sera encore plus visible ?

Dans le club, toujours, impossible de passer sous silence ces chatoyants faisceaux de lumière qui semblent presque donner aux artistes un petit côté Sainte Thérèse ( celle du Bernin à Rome avec ses baguettes d’or qui semblent la transpercer du ciel). L’effet était peut-être là vendredi soir, mais hier, magnifié par des pourpres et des bleu fluo, cela vous donnait un petit côté grande salle magnifique.

La grande salle justement se réveille avec Maï-Linh, une artiste qui flatte mes attentes mélodiques à grands coups de touches pianistiques bousculées par d’évidentes montées de kick. C’est cool à entendre et ça se danse, bien calé(e) dans des rythmes qui vous réconfortent comme le vieux peignoir qu’on ne quittera jamais.

La « claque » Béatrice M

Si, dans mon billet d’hier, d’aucuns me trouvaient ( un peu, beaucoup, passionnément…) caustique ou critique je me rattrape ce matin avec la même sincérité et tant pis si je nourris les grincheux ou les thuriféraires de NDK, ce n’est décidément pas mon combat, me contentant égoïstement de pouvoir prétendre  vivre à Caen les plus belles des nuits électroniques. Qu’on se le dise une fois pour toutes !

Béatrice M donc, et pour cette découverte seule, je suis prêt à tout pardonner. Un petit bout de femme entre dans un club électrisé par Toolkit. Radicalement l’ambiance change, au point même de vider pour un temps la petite salle, tant la dj semble ( à tort) s’égarer dans des bidouillages sonores. Ça couine, ça grince, ça craque, ça claque mais le confort du quatre temps ne vient pas. Tout est rêche, austère et semble nous dire «  vous êtes chez moi, dans ma musique, dans mon son ». Au début, je lutte contre mon envie de partir, mais les ronflements dissonants, les quelques voix lointaines qui surgissent de cette « bouillie », de ce magma au bord de l’ébullition m’interpellent. De très loin, presque en sourdine, on perçoit quelques harmonies douces, comme une vieille musique qui sortirait d’un casino qui ne serait plus que le fantôme de lui-même, un peu comme si on était entré par erreur dans le Club Silencio  du Mulholland drive de Lynch. 

Comme dans mes plus grandes extases musicales ( merci Sainte Thérèse !) je ferme les yeux pendant presque dix minutes, et croyez-moi si cela ne pose aucun problème de fermer les yeux dans une salle de concert, c’est une autre affaire dans le club, ça demande courage ou …folie. Lentement, inexorablement le discours musical de Béatrice M se développe, les bruits deviennent sons, les sons deviennent images et dans leur sillage se dessinent les montées irrésistibles d’une tension jusqu’à ce qu’explose enfin, au bout de quarante minutes, une sorte d’explosion « dance », un court répit rassurant où la salle laisse éclater sa rage de danser, une rage que Béatrice M aura si bien su flatter, frustrer, contenir dans un cette fougueuse baise musicale sado-maso entre adultes consentants ( les autres sont dans la grande salle  avec Spray pour une douce folie House beaucoup plus académique). Des ami(e)s viennent papoter et je contiens ma colère tant je ne peux supporter qu’on vienne briser le charme. Il y en a même qui viennent me dire « c’est chiant » , comme il m’arrive très souvent de le dire moi-même et comme je n’ai pas envie de me lancer dans une vaste explication aussi vaine que dérisoire je réponds juste : «  Je comprends », en me disant que je m’expliquerai demain et que c’est pour de tels  moments  que je suis encore parmi vous. Sans même jouer les Madame Irma, je sens bien qu’on va lui coller l’étiquette d’intello à Béatrice M, et on pourrait même lire dans mes propos louangeurs une volonté de provoc ultime mais ce n’est tout simplement pas le cas ; hier soir j’ai fermé les yeux pendant dix minutes et j’ai écouté la plus improbable, la plus sauvage des musiques qu’il m’a été donné d’entendre depuis longtemps.

Évidemment, après un tel choc, il me sera difficile de me satisfaire de la suite même si Subsism, juste après, reprend une partie des codes musicaux de Béatrice M, mais sans la dimension expérimentale et « bruitiste ».  Dans la grande salle, la virtuose Sedef Adasi fait claquer ses nappes synthétiques dans un équilibre qui semble convenir au plus grand nombre mais il est temps pour moi de quitter cette troisième édition de NDK et de repartir avec, dans l’oreille, l’ultime écho de ce ravissement…

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