C’est encore sous la pluie de novembre qu’on goûte le mieux ce havre de petite félicité qu’est la Demeurée. Pour l’avoir écrit à de nombreuses occasions, j’ai toujours autant de plaisir à faire ces quelques petits kilomètres en ne sachant pas trop comment je vais retrouver ce petit complexe agricole qui depuis quelques années maintenant occupe un créneau si singulier dans l’animation de nos nuits caennaises. 

Samedi soir, c’est dans sa version la plus radicale que je découvre l’endroit. L’habituelle tonnelle en bois qui accueille le public après le chemin ( boueux à souhait mais ça fait aussi partie du charme ) n’est pas à sa place habituelle, j’en arrive même à me demander si je ne me suis pas trompé de date, voire de lieu. On entre donc presque par effraction dans la cour de cette ferme et seuls les habitués ( et ils commencent à être nombreux ) savent qu’ils seront ici un peu comme chez eux. 

Pour sa Funhouse, Fred H est allé à l’essentiel et n’a pas misé sur une déco particulière, tout juste si on se laisse avoir par ce grand drap blanc qui servira, pour un très court temps, d’écran à des vidéos dont on ne nous épargnera pas les recherches sur l’arborescence de Windows. Inutile donc de s’attarder sur le flacon, place à l’ivresse House, servie ici par des Maîtres diplômés depuis des lustres par l’académie House ! 

Vers 22 h, c’est Fred H qui officie, et après le réglage d’un caisson de basse un peu anémique, on entre dans des pulsations qui annoncent l’esprit général de la soirée. On sait ici la fonction essentiel du warm up, cette « mise en bouche » et en « oreille » qui semble vous dire : venez, venez ! Pour nous faire entrer dans son univers, Fred H optera ce soir vers de longues, très longues boucles, un peu comme un pied de nez à ses propos tenus ici même lundi dernier, quand il me déclarait la nécessité de «  sortir de la boucle ». Le ton est donné et les autres artistes, Freddy ensuite puis Didier Allyne et D’Julz s’y tiendront avec le respect scrupuleux de ceux qui doivent garder la flamme. 

Si pour vous la musique House se conjugue avec envolées lyriques et déferlantes de voix funky, passez votre chemin, Funhouse nous aura privé de cette dimension, le mois de novembre dans une ferme normande empêchant, de fait, les échappées solaires et si érotiquement « putassières » de tout un volet de la musique House.

Avec ses trente ans de carrière, Fred H aura contribué à l’éducation musicale de deux générations  et c’est un plaisir de voir, parmi le public, des têtes grises qu’on pensait être définitivement rangées des voitures. Ce brassage social et générationnel inédit, ici, à la Demeurée, est sans conteste, le triomphe de cette Funhouse, preuve s’il en est que même un lieu alternatif et parfois underground peut se transformer en petit temple musical.

Je retrouve des ami(e)s, et je papote, plus souvent que d’habitude, me laissant happer par cette ambiance propice. Même si, sur le coup, je suis un peu perturbé par les choix rigoristes des djs, ces interminables boucles rythmiques qui décidément  ne veulent pas lâcher leurs bombes d’érotisme mélodique, je ne peux que reconnaître la pertinence de cette option radicale qui nous transportait, de fait, dans l’essence même de cette musique. Pour le dire avec encore plus de clarté, les quatre artistes, devant un public conquis d’avance, se laissent aller à des « bœufs » ( jam session pour faire english) mais non pas sur des pistes mais sur des sets qui seront autant de réponses adressées aux autres artistes, comme pour dire : vois si tu peux mieux faire ! 

Cette complicité presque communautaire entre des artistes qui se connaissent depuis des années aura été la force et peut être la limite d’une soirée monochrome mais quand la couleur est choisie d’un si bel accord on ne discute pas !

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