Wip Wip hourrah ! un nouveau lieu  à Colombelles ?

Jusqu’à présent, on ne peut pas dire que l’ancien site de la Smn était un lieu “branché”. A mi-chemin entre nostalgie ouvrière et rêve de Silicon Valley plus ou moins avorté, on n’avait pas l’habitude de musarder sur les hauteurs de Colombelles, surtout un samedi après-midi.

Depuis hier, la situation n’est plus tout à fait la même avec l’ouverture de la Grande nef.

Gros succès public, forte curiosité pour ce nouvel espace, un espace présenté ainsi par l’équipe de Wip, à l’origine de ce projet : 

“ Un espace idéal pour tous types d’évènements, modulable.

1 100 m2 / 1 000 personnes debout / 500 personnes en conférence / 400 personnes en banquet 

12 m de hauteur sous plafond, des balcons en bois, le respect de la structure industrielle de l’ancien atelier électrique de la SMN… La Grande Nef est le lieu de toutes les programmations et de toutes les initiatives. Equipée selon les besoins avec des gradins, des grandes tables, des cimaises, un bar mobile, des bornes d’accueil, elle peut être louée en complémentarité avec les autres espaces de la Grande Halle.”

Comme on est en 2019 et que les expressions du type : salle des fêtes ou Maison du peuple sonnent tout de même d’une tonalité un peu ringarde, on parlera donc à présent d’un Lieu ! La grande nef est donc un nouveau Lieu (si on ajoute “tiers” on atteint les sommets de la modernité !). Non pas une utopie, puisque ce lieu existe désormais, mais un Lieu “de toutes les initiatives (sic)”. Wouah, on va enfin pouvoir rêver en actes ! 

En explorateur de la nuit, je m’y suis donc rendu, histoire de voir si, parmi la promesse des possibles, les musiques électroniques pouvaient espérer trouver là un espace fécond.

Question nuisances sonores, c’est parfait. Soigneusement protégée par l’ancien réfrigérant ( la tour) de la Smn, la grande nef, avec un grand parvis accueillant, ressemble un peu (en plus petit tout de même) à une sorte de grande halle de la Villette déposée sur la face cachée de la lune. Le soir, pour s’y rendre, il faudra affronter un no man’s land de bureaux fermés (les taxis vont apprécier) et marcher le longs de grandes avenues désertes à peine éclairées, ambiance Blair witch urbaine garantie. Pas de quoi décourager cependant une sympathique horde de teufeurs ….

On entre enfin dans le saint des saints, dans le Lieu ! Re-wouah, l’espace est magnifique et, encore sous le choc d’une première impression positive, on découvre cette vaste salle, et sur la droite, la délicate trace de vie formée par un monumental escalier en bois qui vient ainsi contredire la froideur minérale et industrielle du lieu. Incontestablement, c’est beau et on sent qu’un oeil architecte et sensible est derrière tout ça. 

Très vite pourtant, en vieux briscard de la nuit (et du théâtre) on en vient à se poser quelques questions techniques. Lors d’un concert (rock, electro, biniou…peu importe) quel organisateur oserait laisser en accès libre cet immense escalier et ces loges naturelles qui offrent pourtant une vue sans pareille sur la salle ?  Dans nos périodes d’hyper-sécurisation, on ne va tout de même pas faire exploser le budget sécurité en mettant un gardien à chaque étage, et que dire des fumeurs rebelles ? Bref, pour l’escalier, on laisse tomber. Pour la billetterie et l’entrée du public, on imagine que la salle, modulable par pendrillonage, je suppose, permettra de répondre à ce souci, on peine à imaginer un concert avec le grand portail coulissant ouvert…

Là où, pour l’instant, les choses se corsent vraiment, question utilisation “musique”, c’est quand, le soir venu, on revient sur le Lieu et qu’on découvre l’acoustique. Phunky Doyen, le bien-nommé s’y colle pour l’ouverture et question “oreilles” c’est tout simplement impossible ! N’affûtons-pas tout de suite les couteaux de la critique stérile, mais le moins qu’on puisse dire c’est que le budget “sono” pour un événement musical dans le Lieu va plomber les comptes. Il serait médiocre (voire mesquin) de juger du résultat final à l’écoute de la seule performance de samedi soir (on peut imaginer que l’inauguration devait dévoiler l’espace, et non installer le Lieu comme un futur auditorium), mais, futurs utilisateurs hypothétiques du Lieu, il faudra tenir compte de cet aspect.

La Grande Nef fait rêver, il appartiendra aux artistes de mettre ces rêves en forme et de donner à cette belle boîte une âme musicale, théâtrale, chorégraphique, que sais-je encore. Il appartiendra aussi, aux collectivités qui financent la vie culturelle normande, d’intégrer ce nouveau lieu dans la cartographie des “possibles”, en n’oubliant pas que ce n’est pas une salle de spectacle et que sans un apport supplémentaire, seuls les plus riches “créateurs” auront les moyens d’investir dignement ce nouvel espace. Je dis ça, je dis rien….

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