Hier soir, on fêtait une nouvelle fois la musique, quarante ans après la première édition. Pour celles et ceux, nostalgiques ( ou réacs?) qui pensaient retrouver une fois encore les petites chorales et le joueur de violon, passez votre chemin. En 2023, à Caen ( mais la tendance semble être nationale) la fête de la musique n’est plus que l’ombre d’elle-même, et comme ces fêtes de familles, Noël en tête, on la subit avec plus ou moins d’enthousiasme ou de méthode Coué, un peu comme un rituel, un passage obligé …

Première impression, vers 18h, c’est bien vide ! Là où, il y  quelques années encore, on tombait sur des « spots » inédits, on pouvait hier  soir remonter toute la rue Saint -Pierre et la découvrir aussi vide qu’un dimanche sans pain. Les initiatives modestes ont presque toutes disparues et quand elles existent, comme ce très sympathique petit dance-floor derrière Ouest-france, attisent la colère (contenue) des locataires. Que d’inutiles palabres, vers 20h,  pour un modeste caisson de basse et une petite platine Hercules ! La France va mal, mon bon Monsieur !

La techno, une musique de droite ?

A quelques mètres de là, place Bouchard, le collectif Senary installe sa sono. On connaît l’activisme parfois délicatement « insoumis » de Vertuoze et pourtant l’équipe de Senary sera prise à partie par des manifestants venus soutenir les Soulèvements de la terre, qui défilaient ce même soir, en réaction à la décision de dissolution. Certes, la place Bouchard est un peu notre petite Bastille, mais un soir de la fête de la musique, exiger le silence du collectif pour faire entendre une plainte et en venir à des noms d’oiseaux montre déjà l’état de tension de notre pays. Mais là où ça commence à sentir très mauvais c’est quand  fuse l’accusation ( point Godwin culturel) : arrêtez votre musique de droite !!!! Derrière ces mots, se développe une petite musique bien rance, celle du biniou ancestral contre les machines ( capitalistes, forcément!), celle des destructeurs de champs de betteraves free-party contre les vertueux liquidateurs de méga-bassines. Des propos individuels et stupides ne font pas loi, mais comme ça craint d’entendre ça ! Si on en arrive à de tels anathèmes, à de telles crispations, il ne nous restera bientôt que nos yeux pour pleurer.

Breaking New : NDK a ( enfin?) de la concurrence !

La fête de la musique 2023 voit circuler, un peu en loucedé, un étrange et surprenant flyer : l’annonce d’un festival electro, sur deux jours ( 6 et 7 octobre prochain), et comme si ça ne suffisait pas, au parc des expositions en plus ! «  Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants …blablabla », vraiment ? Si on ajoute, après la date (octobre) et le lieu ( Parc-expo) le nom de cette manifestation KMB festival, on ne peut que se demander ce qui se cache derrière cette stimulante et non moins déstabilisante initiative. Silence radio, en revanche, du côté de la presqu’Ile autour de la nouvelle édition NDK, trois lettres c’est fou comme c’est tendance en moment !

La forte présence du « gros » son.

Si la culture «electro » caennaise semble aiguiser de nouveaux appétits, c’est en grande partie à cause de son important maillage de collectifs qui, hier soir, en ont profité pour sortir les griffes. Techno et gros son à tous les étages, au point même de susciter l’inquiétude des élus de Citoyens à Caen ( à lire https://caen.maville.com/actu/actudet_-pour-citoyens-a-caen-les-musiques-acoustiques-sont-ecartees-de-la-fete-de-la-musique-_fil-5819595_actu.Htm).

Senary donc, avec son spot hautement politique de la place Bouchard. Je manque le baptême du feu d’ Eastwood Brothers ( mais promis, je me rattraperai) mais en début de soirée, ça commence à secouer avec KTLNTS. Le public de fin d’après-midi, encore assez sage découvre, un peu médusé, cette étrange faune et le contraste est encore plus frappant devant l’ancien Pathé, lieu central s’il en est. Un collectif de collectifs, Union y installe deux scènes, en parfaite intelligence avec une troisième. La disposition des scènes est telle qu’elles cohabitent parfaitement, magnifiées par une installation sonore qui rend parfaitement justice aux basses sans sacrifier le reste du spectre. Un dance-floor de rêve qui se remplit peu à peu , réussissant même à happer (parfois) le novice ou la mère de famille.

Autre spot désormais ancré dans les habitudes de la fête de la musique, la pharmacie Danjou et l’équipe de Mad Brains. Moment de grâce inédit, le passage d’une battucada qui se cale, magiquement sur les bpm soigneusement distillés de Fred H.  Tout cela sonne un peu comme si Caen devenait un immense club electro à ciel ouvert ; non sans une dispersion réelle des afficionados du genre et accentuant, de fait, une distorsion visible entre la puissance du son et la relative modestie des danseurs, et ce même tard dans la nuit.

Un « Tomorrowland » de supermarché tour Leroy.

Ambiance merguez et T-shirts mouillés du côté de la Tour Leroy, jeux de lumières compris. Une foule immense, à 23 h, dans un brouhaha techno-disco improbable et une seule envie, fuir devant cette orgie sonore des plus païenne, où la musique est là pour assommer, vendre de la bière et singer sans vergogne une ambiance faussement Ibiza mais dans sa version Cyril Hanouna. Il y a visiblement un public pour ça, alors je m’incline et …je passe mon tour pour finir devant le Trappist ou le collectif Obsolete a installé sa petite scène, qui monte, qui monte ! Profitant de la case vide à côté du bar, s’improvise tout en allégresse un piste qui fait entendre l’esprit de ce collectif, cet amour plein d’humour pour des sonorités certes musclées mais avec cette douceur solaire qu’on entend un peu moins ailleurs.

Que retenir donc de cette édition 2023 ? Une fuite en avant dans la sono et le clubbing de plein-air, des lieux bien précis dans la ville et qui deviennent des places incontournables mais des espaces urbains de plus en plus silencieux et encore et toujours cette concurrence (un peu déloyale) tout de même du Conseil Régional qui, bien à l’abri dans son parc, connaît un succès grandissant. S’il s’agit d’illustrer la richesse de la création musicale normande, pourquoi ne pas l’envisager à un autre moment ? 

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