La fraîcheur de catalyse

Loin des beaux (?) regards caennais, c’est du côté de la Demeurée qu’il fallait se rendre pour espérer un réel moment de partage musical.

De 15h à 3h du matin, le collectif Obsolete occupe le lieu, tout d’abord à l’extérieur, histoire de profiter pleinement de cette belle et chaude journée estivale, puis dans la salle.

Il faut tout de même avoir un goût prononcé du risque pour titrer son événement : catalyse, dans l’imaginaire grand public c’est d’abord et avant tout un …four et c’est en fouillant dans les vieux cours de chimie qu’on retrouve le sens exact de ce terme : « Accélération ou ralentissement d’une réaction chimique sous l’effet d’une substance (catalyseur) qui ne subit elle-même aucune transformation. » Autant le dire tout de suite cette catalyse n’était pas un four, reste à savoir qui aura subi ralentissement ou accélération : le public ? Les artistes? L’événement lui même ….

Au fil de l’après-midi les ami(e)s, complices ou connaisseurs viennent grossir les rangs de cette journée  qui semble ouvrir la saison estivale. La fraîcheur de la proposition d’Obsolete réside avant tout dans la générosité festive de leur musique. Si ce collectif semble véritablement réveiller un peu le petit monde electro local c’est avant tout en raison d’une approche résolument lumineuse et solaire. L’été est une saison qui va bien au teint d’Obsolete sans tomber pourtant dans les pièges d’une soirée Ibiza version bocage.

Mokä ouvre le bal avec non pas un mais deux éventails ! Mine de rien, en deux ou trois prestations elle est parvenue à imposer son univers et ses…éventails . Avec elle, c’est une énergie sensuelle et ludique et si on est encore en tout petit comité à danser sur l’herbe, on le fait avec le sourire et ce plaisir d’être ensemble.

Laboutch, une heure après, poursuit cette progressive montée de tension tout en maintenant sagement une ambiance encore assez « Chill ». Entre ping-pong dans la cour de la ferme et séance bronzette, on plonge de temps en temps dans la piscine musicale, un peu comme dans la mer quand il fait trop chaud, pour se rafraîchir et …ça marche !  Là encore la nonchalance un peu canaille qui caractérise l’esprit Obsolete fait mouche. Elle sera un peu fragilisée par le long set de Leo Larbi (19-21h) qui débute par le très très sensuel Where to ( remix Acid Pauli, je crois, mais on ne trahit jamais les sources d’un set). On se plaît à croire que l’appel irrésistible de la danse va faire son œuvre et qu’après avoir installé une ambiance aussi « caliente » il n’y aurait qu’à tirer le fil. Mais le dj préférera ( c’est son droit) des logiques de ruptures permanentes et restera assez imperturbable devant les « passages » rapides de danseurs là où on espérait le début d’une aimantation, d’une ….catalyse en quelque sorte. Toujours ce risque de la tentation du « Boiler Room », au détriment parfois de l’efficacité musicale.

Le miracle du club à la ferme.

Familier du lieu, je pense avoir en tête toutes les installations scéniques de la petite salle de la Demeurée mais je dois bien reconnaître qu’à ce jeu-là, le dispositif proposé ce soir les surpassait tous. C’est bien simple, en entrant, par une sorte de magie, on pénétrait dans  un club, un vrai club, un « putain » de vrai club ! Un subtil et délicat travail de mapping vidéo surplombe les artistes et la hauteur de la grange s’en trouve sublimée. Et que dire de ces deux podiums qui n’attendent que les plus enfiévrés des danseurs ! Toute la grammaire du clubbing est là, certes dans sa version minimale, mais même réduite à cela, on comprenait enfin l’évidence de cette catalyse annoncée. Qu’on se le dise une fois pour toutes : les recettes pour créer l’esprit « club » existent et Obsolete les maîtrise à la perfection !

Otso inaugure le lieu avec le live qu’on lui connaît et qu’il clôture cependant avec une rage inédite. Assister à son live c’est comme suivre en direct un petit condensé des sons qui font mouche aujourd’hui, tout juste si on lui pourrait lui reprocher, parfois, une tendance à un zapping trop rapide là où on aimerait profiter un peu plus des harmonies qu’il prépare pourtant si soigneusement.

Westgate le remplace et avec lui on retrouve cette bonne vieille énergie de la scène caennaise, ça n’est pas forcément inédit mais le public retrouve un peu le confort douillet de ses habitudes avec cette rafale de kicks qu’aucune mélodie n’oserait même perturber. 

Il est temps pour moi de partir non par lassitude mais par obligation mais c’est tout de même rassurant de savoir qu’une équipe artistique est capable d’investir un lieu comme la Demeurée et d’y injecter, même de manière éphémère, une telle poésie.

Demain je sais que le site de notre grand journal local fera son soixante-neuvième article sur Beauregard, qui sait sur la survie d’une pie au-dessus de la scène, et toujours rien sur des événements plus modestes en taille mais certainement pas en énergie créative. Ceci est donc ma modeste contribution à ce silence injuste. 

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