Samba, Saint Love, Souleance…au sortir d’un long week-end musical.

Gros embouteillage sur l’autoroute de sorties en ce week-end prolongé du 11 novembre. Pour un peu, on ne saurait même plus où donner de la tête. L’amateur de musique, de fête et de plaisir aura pu s’en donner à coeur joie tout au long de cette fin de semaine avec sa nuit supplémentaire, sa soirée trance au BBC vendredi soir, la Saint Love et j’en passe…

Pour ma part, je débute jeudi soir au Théâtre de Caen avec Coronis, une zarzuela baroque espagnole avec un livret aussi insipide qu’un pain sans sel, on passe non sans oublier que nos très anciens aînés devaient “s’éclater” sur ce genre de proposition : autre temps, autre moeurs ?

Big Party exotique au CCN

Les premières hostilités débutent réellement avec l’ouverture de saison du Centre Chorégraphique. La recette est éprouvée : autour d’une rapide présentation du futur programme on invite (gratuitement, s’il vous plaît !) le public à découvrir le plaisir de danser, le plaisir d’oser quelques pas, sous la surveillance bonhomme et bienveillante de quelques intervenants, des danseurs, devenus pour un temps professeur. Le public est conquis par cette Big Party conviviale, et comme c’est organisé par le Centre chorégraphique, on apprécie encore mieux la constance d’Alban Richard, le directeur, à militer pour une appropriation populaire de son art. Dès 21 heures, c’est avec les sons de Mamba de la suerte qu’on découvre l’entrée en scène de Washington Timbo. Le danseur se livre d’abord à une performance accompagnée par le chaud “tapis” sonore de Mamba de la Suerte, cette variante de Samba de la muerte ( écoutez A life with large opening, son nouvel album) où la batterie répond aux improvisations electro-brésiliennes. Le danseur, métamorphosé en drag queen un peu intimidante invite alors le public à accompagner son défilé glamour. C’est métissé, joyeux, des jeunes (très jeunes, 5-6 ans !) des vieux, des blancs propres sur eux, des “blacks”, des bobos, des hypsters, tout ce beau monde se déhanche dans une furie généreuse, on se surprend à se retrouver au sol, à lever (plus ou moins) la gambette et le bras et à esquisser, pour ma part, une chorégraphie de pachyderme tout en riant. N’est-ce pas cela aussi que l’on peut attendre d’une institution culturelle, ce brassage festif, et quand c’est sous les auspices avisées de Mamba de la suerte, la bacchanale n’en devient que plus classe !

Saint Love, ah les amours contrariées….

Il est temps pour moi de laisser la Big party et son ambiance tropicale pour rejoindre Saint-Lo et cette nouvelle édition de la Saint Love. Accueillie dans le cadre des rendez-vous soniques, le festival annuel organisé par Le Normandy ( le Cargö du coin), on se disait que c’était enfin l’heure de la consécration pour l’équipe de Mad Brains qui, depuis maintenant quelques années organise sa “Saint Love” dans les locaux d’Art Plume. L’an dernier, à la même date, je me rendais dans ce même lieu pour entendre le set de Chloé, programmée par ces mêmes rendez-vous soniques et je goûtais ce plaisir rare et  de danser au milieu d’une trentaine de personnes avec une des artistes françaises les plus brillantes et qui fait salle comble partout où elle se produit. L’electro ne semble pas être “la tasse de thé” de ce festival généraliste et cela se confirme cette année encore avec cette Saint Love un peu décevante. Sous réserve d’être contredit par les organisateurs artistiques de la soirée (Mad Brains), l’esprit initial de la Saint Love, à savoir cette envie de proposer une soirée “pro” s’est retrouvé dans un “catalogue” de manifestations musicales (de Vanessa Paradis à Marc Lavoine) qui m’aura laissé l’impression d’une caution electro sans âme et un peu trop standardisée. 

La recette (encore une) de la Saint Love est, depuis le début, de transformer une salle en un club minimaliste, une sorte de boîte noire basique mais superbement accueillante pour le SON ! une salle qui nous manque tellement à Caen. Pour cette édition, l’implantation de la salle est revue et le podium des artistes se retrouve, non pas en plein milieu de la salle, genre Ladacore et son désormais 360° au Portobello, mais coincé entre les deux premiers piliers. Résultat, les deux tiers de la salle dispose d’un espace généreux pour danser mais avec une vue panoramique sur le cul des djs, et un petit tiers seulement de la salle pourrait danser en voyant les artistes, mais il est pris en sandwich entre le mur de son et un petit velum qui cache littéralement le dj mais qui sert d’écran de collision aux rayons d’un laser, sobre au départ mais qui en deviendra un peu “vulgaire” avec ce cœur lumineux qui se dessine lentement au moment de Dj Jee. Une telle disposition rend impossible toute forme d’interaction entre l’artiste et la scène et, de Lisa Lisa, à DJ Jee, en passant par Fred H, s’installe alors l’impression  (pour moi, faut-il le rappeler) d’un isolement respectif de la salle et des artistes. 

Cela commence pourtant bien avec le très efficace warm-up de Lisa Lisa qui entrait de plain pied dans la cour des grands. Toute en retenue, elle parvient à donner l’illusion d’une montée en puissance en ayant (je suppose) l’oeil rivé sur le compteur bpm. Ce nouvel univers sonore, moins débridé, lui va comme un gant et confirme les qualités d’une artiste qui s’est libérée vendredi soir de toute tentation de récupération. Ni caution “girly”, ni généraliste “house”, elle développe une touche personnelle qui devrait rapidement être payante. Fred H prend la suite, et avec lui, comme toujours, ça roule, mais la “croisière” qu’il nous livre m’a semblé plus convenue que d’ordinaire, plus sage et un peu monochrome là où d’habitude il excelle dans ses surprises et ses virages esthétiques à 180°… La faute certainement à ce “calibrage” inconscient et cette envie compréhensible de se glisser dans la logique d’un festival généraliste et donc de proposer une eau un peu trop tiède à mon goût. J’ai toute confiance dans le rebond des futures éditions de la Saint Love, mais la prestation de DJ Jee, professionnelle à souhait, relevait, elle aussi d’une sorte de respect guindé qu’on éprouve au musée et m’aura définitivement exclu d’une soirée que j’espérais un peu plus folle. Je repars sans avoir entendu la prometteuse première en live de Mac Declos parce que je ne suis définitivement plus “dedans” et qu’il n’y a rien de pire que de se forcer. Mais n’est-ce pas là la vertu des grandes passions, de souffler le chaud et le froid, la passion et parfois la colère ? Je reste plus que jamais un  passionné de la Saint Love, mais back to the basic, please !

Un dimanche en apothéose au Cargö.

Lundi férié oblige, c’est au club ( du Cargö) qu’il convenait d’être hier soir si l’on souhaitait finir en beauté ce week-end chargé.

Autant le dire tout de suite, c’est un carton plein pour une soirée impeccable. La recette de ce succès (une dernière pour la route) : une cohérence artistique totale dans le line-up. de Taxi Kebab, à XXXIII, on aura pu pleinement profiter d’un univers musical chatoyant d’une élégance rare à Caen. 

Tout commence donc avec Taxi Kebab, ils sont deux, une belle voix féminine qui se lance, dès le début dans une douce mélopée suave, délicatement accompagnée par une rythmique electro aussi discrète que cajolante. Le dialogue intime et ciselé entre la voix, entre ses sonorités qui évoquent poétiquement un coucher de soleil sur fond de muezzin et le son analogique d’un synthé old-school fonctionne à plein. Si je regrette un peu le flottement entre deux rives, un concert “mental” et son voyage onirique et les envols vers l’efficacité dansante d’un dance floor “belly dance” trop souvent bridé, on n’en est pas moins devant une proposition très classe : choukran bezeff, Taxi Kebab.

Sans perdre une minute, Souleance entre en scène. Ils sont deux, Fulgeance et Soulist et sont comme deux larrons en foire. La maîtrise des pads est virtuose et le public se retrouve, ni une ni deux, embarqué dans un voyage hip hop, afro, disco, boogie et j’en passe qui fourmille de breaks ironiques, de ruptures assumées mais jamais gratuites. C’est drôle, puissamment dansant, intelligent en diable, et derrière l’apparente désinvolture canaille des deux compères, il y a une culture et une technique comparables à celles des plus grands concertistes classiques, l’esprit funky en plus, on en redemande.

La “tête” d’affiche, le Mauskovic dance band sera pour moi, le (tout) petit point faible de cette belle soirée. Cela m’apprendra, il faut toujours se méfier des “rédactionnels” un peu trop vendeurs et là où on nous promettait des “doux frappadingues”, un “tourbillon sonore sans limite” et un “groove piquant” (dixit le dossier de presse certainement), j’avoue n’avoir entendu qu’une assez convenue autoroute trinidado-hollandaise. Certes, c’est groovy au départ, mais il m’est resté ensuite, dans les oreilles, comme une lancinante impression de sur-place assez loin du tourbillon promis.

XXXIII et son tourbillon disco.

En guise de tourbillon, c’est avec le final pyrotechnique de XXXIII, qu’on l’obtiendra. Tout commence avec In the stone de Earth wind and fire. Je suis certainement le seul dans la salle, vu mon âge, à avoir les images du générique de TF1 qui défilent dans ma tête, quand dans les années 80, ce thème ouvrait Ciné Dimanche, je suis peut-être même le seul enfant disco présent ce dimanche soir, mais quel “kif” que de replonger ainsi dans un maelström disco. Là où XXXIII me surprend, et force mon respect, c’est que son voyage temporel dans l’univers disco refuse toute forme de nostalgie. Il coupe, boucle, triture des sons qui pour moi  ont formé ma jeunesse et mon éducation musicale. Mais il le fait avec une énergie et une folie, une sorte de gourmandise assumée qui électrise la salle. Je n’avais pas toujours compris ( ou bien écouté ?) les propositions de XXXIII, mais hier soir, il était sans conteste, le plus artiste des “entertainers”, renouant avec cette folie qui aura marqué mes années d’apprentissage musical. Et quand, vers trois heures du matin, Fulgeance et Soulist le rejoignent, j’ai cru ressentir ce frisson de ma première fois au Palace, en 81, c’est vous dire ! 

Des dimanches soirs comme ça, comme on aimerait en connaître d’autres et comme le disait si bien la chanteuse de Taxi Kebab, “on est mieux que devant Netflix !”. Un grand merci aux concepteurs de cette soirée raffinée et intelligente, et surtout, revenez vite ! Pour reprendre les paroles d’un des “tubes” mixés par XXXIII ( Paradise) : You are super hot !

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