Il y a ceux qui trouvent que ce n’est que du boum boum, et d’autres, plus engagés, qui tentent par tous les moyens de convertir la foule aux subtilités de cette musique dite electro. Deux soirs de suite j’ai eu l’occasion de suivre deux parcours musicaux et « militants », deux approches radicales qui pourraient se compléter ?

Pedro Winter au château de Blois…

Vendredi soir, c’est la dernière de la saison pour le Monumental Tour organisé par Michaël Canitrot. Le concept est simple et a déjà fait ses preuves avec d’autres formules ( à quelques kilomètres de Blois, la très controversée soirée Cercle à Chambord, en mai 2019) : transformer un espace historique prestigieux en un immense dancefloor et qui sait, faire dialoguer la pierre avec la musique. 

Par une magnifique soirée d’automne, la cour du château de Blois résonne bien, et le duo de dj Avtel fait le « job » pour chauffer cette foule qui mélange agréablement clubbers locaux et familles « bobo-djeunes » prêtes à souscrire à cette version boostée du vieux son et lumière des années 80. 

Pedro Winter, le boss d’Ed Banger, qui la semaine dernière encore fêtait les 20 ans de son label à Caen, entre en scène et c’est parti pour … Pour quoi au juste ? Une heure trente durant le Boss égraine son petit chapelet de tubes plus ou moins « putassiers ». Tout y passe, de Daft Punk à Satisfaction ( Benassi), sans oublier l’inoxydable Sing it back de Moloko, on se croirait dans une version vulgairement branchée pour Radio Nostalgie. Certes, il faut bien convertir cette foule hétérogène à la folie du clubbing et un choix radical ( des tubes mainstream à tire-larigot) est une option mais dans ce cas là on peut tout de même espérer un feu d’artifice de prouesse en matière de djying, des transitions époustouflantes, des variations brillantes… Le beau travail de mapping sur les murs du château parvient, pour un temps, à masquer la prestation plan-plan de Pedro Winter, mais quel dommage de ne pas avoir profité de cette foule conquise pour lui proposer un vrai ravissement musical. Sans risques, sans audaces, on découvre alors ce qu’une telle proposition peut avoir de cynique quand elle se sert de la musique pour une prestation d’office du tourisme…

Changement total d’ambiance le lendemain soir pour le retour d’Arbrazik dans le circuit normand des soirées electro. D’emblée on se retrouve plongé dans l’esprit « roots » des organisateurs, pas de carte bleue ( ah la joie de reprendre la bagnole pour trouver une tirette ), un parcours de combattant pour tenter d’obtenir un « line-up » et donc tout simplement savoir qui joue ! Je comprends très vite que ces préoccupations ne sont pas de mise, ici à la Demeurée. L’essentiel est de parvenir à installer un climat de teuf, une teuf un peu assagie et cadrée mais une teuf tout de même. Je retrouve des visages perdus de vue, ce qui prouve bien qu’Arbrazik avait su conquérir une véritable public, je retrouve un peu ( dans un mode presque nostalgique) ce climat punk avec des chiens qui vous glissent entre les pattes et qui auront même l’audace de se  faufiler dans l’espace catering pour tenter de voler le repas des artistes. Tout est un peu à l’arrache mais c’est cette apparente fragilité qui fait le charme même de la soirée, parce qu’on ne s’y trompe pas : ce sont bien des fêlés de la musique qui vous reçoivent ici, sans chichi peut-être mais avec une telle générosité que tout est pardonné à l’avance. On peine un peu à comprendre la construction de ce line-up, qui fait subir à nos oreilles des montagnes russes esthétiques peut-être discutables mais là encore Arbrazik est hermétique à cette amicale critique tant sa préoccupation est ailleurs. Pour construire un mini festival capable de faire de l’œil à la branchouillerie parisienne, il faudra voir ailleurs, ici c’est cuisiné maison à tous les étages, on vient avec son éco-cup et roule ma poule. 

Au rayon des retrouvailles sympathiques, Kurdt Judah qui booste la salle, aménagée avec sobriété mais où flotte ça et là des touches goa-trance avec une pointe de bambou pour cadre de scène ! Plaisir des retrouvailles musicales aussi avec Totem qui, en duo avec Grunch laisse flotter une harmonieuse tension « minimale » qu’on pouvait peut-être espérer plus audacieuse. Dehors le street-artiste Proteus Artconcept nous emmène dans l’espace avec sa fresque éclaboussée d’une lumière bleue. On passe devant, on commente, et puis on continue à vivre ce petit bonheur de soirée « sans-façon » en renouant avec ce plaisir volé à cet été qui ne semble pas vouloir nous quitter.

Deux nuits, deux façons de communier avec la musique, on aura vite compris vers où balance mon cœur. A l’heure où j’écris ces lignes, le son chauffe encore à la Demeurée et nul doute que les plus fêtards se souviendront longtemps encore de ce retour gagnant d’Arbrazik !

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