Balayer la noirceur poisse de cette journée assassine et me faire oublier pour un temps qu’Arras n’est pas que le chef-lieu du Pas-de-Calais ! C’était rien de moins que la mission impossible que j’imposais à qui prétendrait me faire sortir hier soir. L’amitié oblige, et si le rendez-vous musical avec Angseth au Trappist était inscrit depuis longtemps dans mes tablettes, le cœur était du côté d’Arras et semblait me consigner un recueillement nécessaire. Comment ne pas oublier que je suis « prof » avant tout ? 

Le Trappist donc, envers et contre tout ! Vers 21h, l’ambiance est celle des habitués, avec cette petite pointe de frisson ( sans réelle surprise) pour les spectateurs d’un match entre la France et une équipe orange. Pour moi, c’est au fond que ça se passe, attiré par cette immense affiche vidéo qui annonce un Angseth  Open to close, rien que ça ! Open to close, 19h30 à 00h30 : cinq heures de mix pour un seul artiste, ça passe ou ça casse. A l’heure où les bars se refilent les djs comme on passe les plats dans une cantine, prétendre au monopole musicale de la nuit nécessite un carburant « tracks » indiscutable et surtout une petite réflexion autour de l’animation d’un tel lieu, entre ambiance boum boum plus ou moins camouflée et habillage Groovy-cosy chic. 

A l’étage donc, Angseth est un peu seul en début de soirée, l’heure est encore aux mondanités en extérieur. Il en profite pour accorder nos oreilles à son petit 120 bpm de croisière, en finesse, mais tout de même dans un registre plan-plan. Qui veut aller loin ménage sa monture et on sent bien qu’il ne cesse de penser à sa progression. Les amis sont là, complices et parfois « concurrents » ( djs), ça ronronne agréablement comme s’il nous fallait à tous nous laisser prendre par la torpeur agréable du lieu pour mieux la secouer par la suite. Les clients du bar jouent aux clients et le dj …joue au dj «standard » avec des pistes sans réelles couleurs mélodiques. Happé par ses obsessions d’habillage sonore ( ce « Sound design » qui transforme tant de djs en boîtes à rythme que des IA remplaceront avec au moins autant de conviction) Angseth en oublie un peu sa mission de base : enflammer la petite piste d’un soir ! 

Finies les conneries du dj qui se fait plaize, et vers 11h une trépidation nouvelle se fait entendre. À grands coups de secousses mélodiques et vitaminées ( Reset Robot, Artbat, Barnt…) Angseth, comme le joueur de flûte de Hamelin, attire et agrège des clients du bar qui se découvrent, pour certains, un désir insoupçonné de danse. En deux tracks, pas plus, il parvient à enflammer la piste et comme si un voile de grisaille venait de se déchirer voici qu’on se retrouve à communier, danser, rire, sourire, se parler entre deux pirouettes. Combien de fois m’est il arrivé d’user et d’abuser de cette « piste qui s’enflamme » jusqu’à rompre la crédibilité de cette affirmation et pourtant une fois encore il me faudra l’utiliser ici pour tenter de décrire la belle magie de cette fin de set. La piste est pleine ( qu’on se le dise, il y vraiment une petite piste ici) et elle en redemande , le tout dans une bonne humeur et j’en oublie qu’Arras est le chef-lieu du Pas-de-Calais, comme le chantait Fernandel avec son Ami bidasse. Pour un peu je me croirais presque revenu au temps du Zinc ( les plus anciens se souviendront de ce bar du Vaugueux qui fut notre Studio 54 à nous et éduqua tant d’oreilles). Angseth, avec son côté boy next door propre à séduire toutes les belles-mères du Calvados, finira même par monter sur les tables pour accompagner ses dernières pistes gorgées en nitroglycérine ! WTF on peut donc espérer le retour d’une douce folie à Caen à l’heure où les soirées « tunnel à kicks aseptisés » sont de rigueur ?

Pour info ( attention placement de produit !) je retrouve Angseth tous les lundis soir avec la bande de MBPM sur Radio Phénix. L’émission, sous la houlette de Mad Brains, change un peu de format cette année : toujours un focus sur un artiste de la scène des musiques électroniques mais, nouveauté, une deuxième partie consacrée aux coups de cœur de la semaine. L’occasion pour les amateurs ou les novices de ces musiques de découvrir des pistes qui les feront peut-être danser ou rêver dans les mois qui viennent . Lundi, à 20h, Angseth nous parlera de sa passion inconditionnelle pour Barnt et moi, le 23, je tenterai de vous faire aimer Kollektiv Turmstrasse : il y a des défis plus agréables que d’autres à relever.

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