De bons souliers pour la nuit caennaise !

Un samedi soir très éclectique avec au programme le retour de Mes souliers sont rouges au Zenith, suivi de la « vitrine » musicale de cinq collectifs, Vnion, au BBC.

Retour au bercail triomphal du groupe folk caennais Mes souliers sont rouges qui investissent le Zenith de Caen. Là-bas, ils sont un peu comme chez eux, dans cette grande salle. En tout cas, il y avait foule, de cette foule qu’on aime, populaire, joueuse et joyeuse à souhait. Qu’on soit amateur, ou pas, de ce type de proposition musicale, entre ballade traditionnelle et folksong pop, le moins qu’on puisse dire c’est qu’avec 28 ans d’existence, Mes souliers sont rouges maitrisent parfaitement cet art de la chanson qui vous trotte dans la tête, et reprise en choeur  par un public tout acquis. On se met à hurler son besoin d’une « petite turlute », sachant bien qu’il s’agissait ici d’une innocente  expression musicale canadienne, et rougissant de joie (ou de honte) d’un équivalent plus charnel. Malgré une deuxième partie de concert un peu plus décousue (on retiendra surtout la belle intervention de SNT, le talentueux crew de breakdance venu sur scène apporter une dose de street-art à cet univers tout de même très « rural »), la soirée se déroule à bon rythme, avec son lot de farandoles dans la salle, ses alternances a capella, instrumental et intervention solo rondement réglées. Au milieu de cette bande de bons gars, une femme, une « chantsigneuse », comme on l’apprendra, traduit toutes les chansons en langue des signes et cela apporte une touche « chorégraphique » bienvenue et généreuse. Tout au long du concert, la scène accueille des gens du public, sollicités par une troupe colorée, clonage discutable de l’ancien « big bazar » de Michel Fugain. Ce n’était pas vraiment nécessaire mais c’est une façon délicate de montrer la collaboration étroite qui unit ce groupe à deux MJC caennaise, Tandem et le Sillon, un exemple à méditer pour les autres artistes caennais. Il est près de 23h, le show vient de finir et la foule rejoint, qui son pavillon, qui sa campagne, son quartier ou son centre-ville. Mes souliers sont rouges ou l’art souverain d’un bon remède à la mélancolie !

Quelques kilomètres plus loin, au BBC, je me lance dans le grand écart esthétique. Aux joyeuses et familiales mélodies du temps passé répondent à présent les trépidations palpitantes de la jeune scène electro caennaise. Vnion donc, puisqu’il faut les appeler par ce nom, un acronyme un peu étrange pour ce « collectif de collectifs ». Cinq associations, on le sait maintenant, s’organisent depuis quelques semestres pour unir leur force dans la bataille de la nuit et dévoiler des univers et des talents indiscutables. Au BBC, l’occasion était trop belle de briller une nouvelle fois et de présenter un « panel » du chapelet d’artistes derrière Vnion. La salle d’Hérouville brille cette fois d’un esprit barocco-steam punk avec, au fond de la scène, huit tuyaux d’orgue d’où s’échappent une fumée et , qui sait, une musique céleste ? Sur le devant de la scène, à cour et à jardin, un imperturbable rouage sorti tout droit d’une horlogerie « folle » tourne et tourne sans fin. Carton plein pour une déco soignée et qui impose un léger décalage esthétique. Au fil de la soirée, on me parlera d’une libellule qui se serait posée devant la table des djs, mais vu que le devant de la scène est déjà occupé par la foule, je suis passé à côté de ce précieux odonate (comme je me la pète, il y a deux secondes je ne savais pas que c’était le nom scientifique pour classer ce genre d’insecte !).  A mon arrivée, Skinzag finit un set impeccable durant lequel il laisse une nouvelle fois entendre sa passion pour une savante médiation techno-acid, se jouant des codes rigoristes pour mieux faire éclater son envie de faire bouger la salle.

Le « petit » miracle Pekno

Une fois n’est pas coutume ( et aussi pour masquer ma fuite réparatrice vers 3h du matin, après près de cinq heures de musiques variées dans les oreilles ), je vais m’attarder un peu sur le duo suivant, Pekno.

Je le fais avec d’autant plus de plaisir que j’avais découvert, il y a plus d’un an ces deux artistes au No Limit et que j’avais lâché quelques mots sévères pour cet alliage dj-guitare électrique. Quel plaisir que de constater que les vilains petits canards se sont transformés en redoutables bêtes de scène. Le dialogue concertiste entre le dj ( Pek) et Yanno, le guitariste, est arrivé à sa pleine maturité et il fonctionne sur un principe aussi simple qu’efficace : balancer des tracks qui assument pleinement une forte présence mélodique (ah la mélodie !) et, dans les logiques instrumentales  des  deux artistes, déconstruire ensuite, en direct, chacun sa partie, à travers un jeu de question-réponse musical de plus en plus subtil. On voyage entre esprit flamenco (merci Hilight Tribe ?), sonorités gaéliques  ou free-jazz avec une mise en avant, de plus en plus nette et précise du projet de Pekno : proposer une « relecture » de la sonate classique, en toute modestie, mais avec une audace qui paye ! Pour ma part, il s’agit d’une des plus belles émotions musicales proposées par la scène locale et ce serait presque maladroit et indélicat de les réduire à la scène caennaise. Le public, peut-être déboussolé par ce retour en force de la ligne mélodique au détriment du « kick de la mort qui tue » semble (en partie) divisé, mais comme ça fait du bien de fredonner dans sa tête les volutes sonores tout en tapant du pied ! Et soudain la boucle, entamée au Zenith, se referme sur elle-même, dans cette joie simple et festive. Du bal de nos grands-parents aux soirées « tech », rien ne semble avoir changé réellement si, au milieu de la nuit, ou au petit-matin pour les plus résistants, on repart avec ce petit « vers » musical qui s’est insidieusement glissé dans l’oreille, cette bonne vieille mélodie sans laquelle la musique ne serait souvent que du bruit ! Merci à Pekno (et à Vnion) d’avoir ainsi rechargé aussi délicieusement mes « batteries » émotionnelles. Pekno ou péquenauds de toutes les musiques, unissez-vous !

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