Une nuit magique …au Havre avec Apollo Noir, Jennifer Cardini et Roman Flügel.

J’en reviens à peine, dans tous les sens du terme puisque mon retour à Caen date de quelques heures. Mais, plus que jamais j’éprouve le besoin de rapporter ma soirée havraise, parce qu’elle fut magnifique ( mon enthousiasme légendaire), originale et plus encore parce qu’elle illustre, à sa façon, une forme d’idéal.

Dressons vite fait le cadre, celui des Bains des docks, une piscine donc, et quelle piscine. Imaginée par Jean Nouvel, notre graaaand architecte et spécialiste incontesté des bâtiments qui se délabrent aussi vite qu’ils se prennent en photo. 

Une soirée “electro” dans une piscine, en soi la proposition est excitante, et si on ajoute à cela que la soirée est proposée dans le cadre du gros (très gros) festival littéraire Le Goût des Autres, on se dit qu’on tient déjà une recette possible du succès, à savoir une “fête” à haute valeur ajoutée, tant du point de vue artistique que de l’organisation.

On arrive donc devant la piscine, on se fait bien fouiller-palper et puis on se dit qu’on va pouvoir se jeter dans le son, que nenni, que nenni ! Premier choc, on enlève ses chaussures, passage par le pédiluve avant le dance-floor. Gros bémol sur la communication de l’event ( ou alors ça allait tellement de soi que seul un gros blédard de Caennais comme moi pouvait l’ignorer), dans une piscine….on se baigne ! Autour de mes ami(e)s et moi se dévoilent des corps de jeunes éphèbes et de belles naïades, à oilpé ou presque ( effort médiocre pour écrire “jeune”). J’ai un peu l’air bête avec mon pantalon remonté à la hâte sur les chevilles et mon bonnet Cousteau. Qu’à cela ne tienne, il faut bien se jeter à l’eau, et après un détour par les casiers, nous voici dans ce tout de même splendide décor, tout en petits carreaux blancs, des Bains. 

Le dispositif scénique est ultra basique. Un podium, quelques pauvres effets-lumière et pourtant, dès l’entrée dans la piscine elle-même, la magie évidente du lieu vous saisit. Apollo noir finit sa prestation, un artiste découvert deux semaines avant à la Maison du Vélo. Ca sonne juste et bien, même si on est loin de ses triturations “analogiques” caennaises. On se demande juste comment Jennifer Cardini, qui vient d’apparaître derrière lui va reprendre la main. Elle le fait, évidemment, avec une assurance de déesse incontestée, et c’est parti pour une heure trente de montées, de descentes, de ruptures radicales, de transitions douces, une simple et évidente leçon de “mix”, et surtout une adaptation, en temps réel, à l’ambiance qui s’installe. Une fille avec masque et tuba se trémousse devant moi, et la moiteur sensuelle qui vous enveloppe. J’enlève mon T-shirt (effet c’est trop cool un vieux comme toi garanti à la clé) et je me laisse happer par cette foule insouciante et surtout joyeuse. Le jacuzzi se remplit à vue d’oeil, avec peut-être un peu plus de bulles que d’habitude, en raison de l’agitation plus ou moins chorégraphiée des baigneurs. Le tout restera très (trop) bon-enfant jusqu’au bout, avec cette petite déception d’un public très (trop) sage, un peu comme des gosses qui découvrent la mer pour la première fois, sans cette lente glissade, forcément un peu orgiaque que le vieux “pervers” que je suis pouvait attendre ou espérer. 

Roman Flügel, enfin, pour qui je me sens capable d’aller encore plus loin que Le Havre. Lui aussi, tout au long de son set, va se “caler” sur l’ambiance générale. On est assez loin de ses sonorités habituelles, ça cogne, mais pas trop, et on reste dans un esprit “chill”, juste un peu sur-vitaminé. Le bar, basique avec bière à tous les étages, ne désemplit pas et pourtant rien ne déborde, si ce n’est peut-être les bassins ! Au début, l’appréhension de danser pieds nus sur un sol glissant et collant ( la bière) vous tenaille un peu, et puis on se dit que le pédiluve du retour fera son office. Immense regret d’être parti sans mon maillot, immense bonheur de voir que tout le monde s’en fout, et au final une superbe soirée généreuse, insolite, un peu “païenne”, sage et joyeuse à la fois.

Et Caen dans tout ça ?

A l’heure où les concertations sur l’avenir de Nördik se poursuivent (ou piétinent ????), je ne peux m’empêcher de rêver, une nouvelle fois. De plus en plus souvent, j’entends dire, lors de mes virées caennaises, qu’on commence à se faire “ch…”, que les soirées se suivent et se ressemblent, qu’elles ne sont plus que les ombres d’elle-mêmes….Il ne servirait à rien de recopier stupidement le modèle havrais ( un peu tout de même ?), mais quand on voit que le gros festival littéraire de la ville (Le Goût des Autres) est capable, au sein même de sa programmation, de réquisitionner un tel lieu pour une soirée “electro”, on en vient à dénoncer une nouvelle fois la tiédeur des audaces de programmation de nos belles institutions caennaises (endormies) et de rêver à des “réquisitions “ non moins excitantes : le stade nautique, certes ( ça fait quatre ans que je “bassine” avec ça ! et pourquoi pas toutes les piscines …), le stade Malherbe et ses gradins, le grand hall de la Bibliothèque, le musée et son café Mancel qui va finir par sombrer dans son ronronnement….j’en passe et des meilleurs. Et s’il ne nous manquait juste que cette pointe de folie ou d’audace pour relever la tête, les manches ou les bas de pantalon et pour nous convaincre tous (et toutes) que cette torpeur de sous-préfecture qui nous menace n’est qu’un instant de répit et de repos pour repousser, encore mieux et plus loin, les frontières de nos nuits… Je dis ça, je dis rien…

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