Etrange télescopage dans l’actualité française ; d’un côté une “teuf” clandestine (pardon pour le minable pléonasme) présentée comme un attentat sanitaire et de l’autre des centaines de curieux agglutinés pour apercevoir notre nouvelle Miss France dans un centre commercial de Farébersviller en Moselle. Lors d’un dernier billet, je m’étais déjà offusqué de l’élection de Miss Normandie ( notre future Miss France, vous suivez ?) devant un parterre de près de 1400 personnes, et ce en pleine fermeture des salles de spectacles. L’événement bocago-mondain se déroulait  à Coutances en septembre dernier. Quelques mois plus tard, les théâtres et les salles de spectacle sont toujours fermés et notre nouvelle Miss s’autorisait sa première sortie officielle, déclenchant un “cluster” de série B …

Loin de moi l’envie de dénoncer ce genre de festivités, mais après la provocation de Coutances, cette récidive fait de notre Miss une “ hérétique sanitaire et relapse”, pour reprendre la terminologie habituellement réservée à notre Pucelle de Jeanne ! 

Une “teuf” donc, versus une “petite” sortie au centre commercial et l’indignation sélective de s’emballer. Pour reprendre les accusations les plus polies, on s’indigne devant l’incivisme de ces jeunes inconscients qui osent défier la dictature sanitaire qui, rappelons-le tout de même, a fermé tous les lieux  ( discothèques et salles de musique) depuis près de dix mois. 

Le débat moral, sociétal, sanitaire, civique, pudibond ou libertaire s’en donne à coeur joie et parmi les voix-Tartuffe qui vouent aux gémonies ces “teufeurs”, j’ose supposer qu’il y en a quelques-unes qui en crachaient leur champagne d’indignation lors d’un chill élégant entre ami(e)s de la Haute, quelque part entre Saint-Barth et Dubaï ….

Pour ma part, j’oserais volontiers relancer un manifeste du type de celui des 343 (salopes, comme on disait en 1971). Évidemment, le droit à l’avortement était une cause vitale et essentielle pour le droit des femmes, mais, au-delà du rappel de cette nécessaire hiérarchie, je me vois assez bien signer le manifeste des “teufeurs”, celui dans lequel on divulguerait, sans fausse honte, son soutien à la teuf de Lieuron, et pire encore, sa tristesse de ne pas …en avoir été !

Une nouvelle fois, je sais que des ami(e)s proches me reprocheront ces lignes, et que ce soutien d’un vieil adulescent de 56 ans est pitoyable tant il peut contribuer à maintenir, pour des mois encore, la situation actuelle et donc la fermeture des lieux de spectacle. Ma prochaine pièce doit être créée le 12 février prochain, et je suis (assez) bien placé pour savoir le prix que le monde du spectacle paye depuis des mois dans cette lutte, mais à force d’être infantilisé dans ma vie quotidienne, on comprendra peut-être que je me mets à penser comme un enfant égoïste, ou du moins capricieux. Ce couvre-feu, plus encore que le confinement strict, nous emprisonne ( impossible même de “trichouiller” avec la petite promenade de santé !). Me voilà réduit, comme un “ado”, à organiser des soirées-pyjama, ce qui, convenons-en, est cocasse ( ou grotesque, au choix ). Je peux, à force d’arguments plus ou moins douteux ou sérieux, savoir “raison garder” comme disent les hommes politiques, mais peut-on exiger la même maturité citoyenne d’une jeunesse qui, depuis près d’un an doit se contenter de cours virtuels, une jeunesse qui entre dans une deuxième année universitaire bradée ?

Après les gilets jaunes, les gilets arc-en-ciel ?

Le mouvement des gilets jaunes avait mis en lumière la précarité sociale, intellectuelle et citoyenne d’une partie des Français qui ne supportaient plus la condescendance ou le silence dans lequel on les parquait. Pour moi, la teuf de Lieuron, c’est celle des enfants des gilets jaunes, ces jeunes Français qui ne supportent plus de voir des “bourges” partir au ski en Suisse, qui ne supportent plus les rumeurs de “soirées clandestines” à Paname, qui n’en peuvent plus de ne pas vivre une vie de …jeunes. Ils s’en moquent de savoir que la Comédie Française est fermée, ils n’y sont jamais allés ( leurs parents non plus d’ailleurs ), peut-être même qu’ils se seraient rendus, pour certains, à Farébersviller pour lorgner Miss France… 2500 de ces jeunes donc, ( et 300 chiens, ce que les journaux (pas nécessairement réactionnaires ou de droite ne cessent de nous rappeler) ont choisi d’entrer dans la nouvelle année à travers un acte de résistance. Résistance potache ou scandaleuse pour certains, insouciance maladroite pour d’autres, folie meurtrière enfin pour les plus “vertueux” ! 

Pour ma part, je sais que si j’avais eu vent de cet événement je serais passé par toutes les étapes du doute, de l’envie et du désir et que, ma foi, 135 euros pour enfin vivre un peu, ce n’est peut-être pas si cher que cela ? Je creuse ma tombe ou je flatte mon image de “vieux-jeune”, peu importe, mais j’ai une pensée toute particulière pour ces organisateurs clandestins qui risquent de payer au prix fort cette fête gracieusement offerte. 

Je n’appelle pas à l’insurrection ( je suis bien trop lâche pour cela ), mais à l’heure où tant de condamnations vertueuses s’abattent sur ces organisateurs, je m’en voudrais de hurler avec ces loups, parce que je sais que si cette “teuf” avait eu lieu près de chez moi, on m’aurait retrouvé avec ma couverture de survie qui ne portera jamais aussi bien son nom !

One Reply to “Ma Miss en moonboots à la teuf…”

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