Big Party au centre chorégraphique : LGBT friendly ….

Le Centre chorégraphique avait revêtu ses habits de lumière, hier soir, à l’occasion de sa traditionnelle Big Party. Chaque année ( sauf épidémie), le CCNBN ouvre le bal de sa saison avec son bal et le moins que l’on puisse dire c’est que pour cette édition (post-covid), l’envie était forte, pour les organisateurs, de renouer avec l’esprit de la fête, celui des paillettes, du glamour sous toutes ses formes. 

Un dance-club dans l’esprit Palace ….

La salle historique du Centre, rue du Carel, n’est plus qu’une immense boule à facettes et on se dit, plus que jamais qu’un tel endroit, dédié à la musique, à la fête, à l’exposition des “oiseaux de nuit”,  manque cruellement à l’année. Une subtile construction de lignes argentées émaille le plafond de la salle, les sequins “alu” sont partout, jusqu’à la robe d’une des “drag queen” qui assure le show, tout est cohérent dans cette relecture du Palace, années 80. Au commande de cette “volière”, ce n’est plus le légendaire Fabrice Eamer mais le très “teddy” bear Nicolas Maalouly, le designer de cette soirée, et non-moins légendaire président des “Ours de Paris”. Le ton est donné, celui d’une délicate attention à toutes les minorités de la nuit ( et de la journée), les “folles”, les “bears”, les “trans” : un hommage appuyé et sincère à toutes celles et ceux qui, souvent dans la quasi-clandestinité, ont animé les plus belles soirées. 

Vers 21H, Alban Richard, le directeur et sa fidèle collaboratrice expédient, ( presque en s’en excusant) l’exercice imposée de la présentation de saison, une saison où dominent les répétitions publiques, peut-être la meilleure manière de rentrer dans l’intimité créative d’un chorégraphe, elles seront gratuites en plus, raison de plus pour ne pas les bouder. Tout en dévoilant  le nouveau site internet du Centre on découvre, ça et là, la venue de grands interprètes, souvent au service de légendaires figures de la danse moderne. Là encore on ne peut que saluer cette volonté d’inscrire le Centre dans une “histoire” de la danse et de fournir une réflexion, en “actes” sur la création chorégraphique actuelle et son lien avec la tradition. Durant toute la courte présentation, des interventions plus ou moins cocasses de notre “drag queen”, obstinément en mode “Cruella de la nuit” viennent donner à l’ensemble une couleur foutraque et improvisée qui sied à cette soirée. 

La surprise …

A la fin de sa présentation, Alban Richard annonce une surprise. On dégage aussitôt l’écran et voilà que surgit un …danseur du ventre ! Cassage des codes garanti et c’est sous l’éblouissement de ce corps masculin ( et de son costume en pur fantasme oriental) que débute une étonnante raqs sharqi, cette danse orientale toute en ondulations lascives. Au son de Habina de Rachid Taha et d’un choix efficace de mélopées orientales, on déguste du regard ce ventre qui semble comme une vague et cette troublante confusion des genres qui redonne à cette danse codée toute sa force érotique sans l’engluer dans le piège de l’exotisme colonialiste. L’impression d’une soirée très LGBT friendly se confirme mais sans la lourdeur d’un discours, simplement avec légèreté et dans ce cas précis grâce et nonchalance. Une vingtaine de minutes de ravissement, tout simplement. Et c’est avec toute la rouerie moqueuse de l’artiste fier de son coup que le danseur s’efface, non sans adresser des bisous langoureux à toute la salle, genre adieu à la Marlène Dietrich ; encore une fois les codes du Palace ….

L’audace provocante et réussie de TTristana.

Pour ouvrir officiellement cette Party, on pouvait supposer une musique “oecuménique” et c’est tout le contraire que va nous proposer la dj Ttristana. Franchement,  c’est super gonflé et le risque c’est que ça casse. En attaquant la salle avec ses basses radicales, son refus de “drops”, sa radicalité sonore, la dj en provenance de Marseille secoue un peu (beaucoup) le confort de nos soirées electro caennaise. On sent dans son set la hargne d’une femme qui se sert de son art comme d’un cri libérateur. La montée de son set se fera sans que jamais elle ne transige dans son propos initial, celui non pas d’une radicalité mais d’une lente et implacable évidence, celle d’une musique qui se cherche et qui entreprend un contrat exigeant avec le public. Un contrat qui indique clairement qui est le “maître” ou la “maîtresse” de cette cérémonie sans concession. Et le miracle s’accomplit avec une salle enthousiaste qui ne rechigne pas devant cette construction aride, cette imbrication de plus en plus austère. On se moque de savoir si c’est de la “hard”, si c’est “noisy” ou “indus”, on suit, fasciné(e)s cette puissante décharge de basses qui contamine tout sur son passage, oui, sans contexte, Ttristana aura réveillé ma “nuit” et n’en fera que plus encore regretter le ronronnement “mainstream” de nos trop confortables soirées electro locales. 

Merci au Centre chorégraphique pour cette audace de programmation et plus encore de nous avoir rappelé(e)s, avec tact et délicatesse, le tribut que nous devons à ces artistes. Des artistes qui savent le prix à payer pour maintenir l’exigence de leur spécificité sans se perdre dans l’excuse de l’underground. De l’underground aussi efficace, aussi populaire, aussi trans-générationnel, aussi trans-genre (musical), des artistes qui assument à ce point le rôle de passeur, c’est tout bonnement de “la balle” !

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