Une affaire qui roule…

Le calendrier des mondanités « techno » semble avoir considérablement perdu de jours fériés à Caen, il est donc rassurant de voir que notre petit Noël boum -boum s’accroche et qu’à trois semaines du long tunnel sponsorisé par les chocolatiers on pourra toujours compter sur « the » soirée Mad Brains de décembre.

Rituel oblige, on entre dans la salle avec des yeux d’enfants plus ou moins émerveillés par les décorations ( de Noël). Comme les deux salles ouvrent en même temps, à la manière d’un coucou réglé sur 22h, on découvre les deux univers dans la foulée et force est de constater que toute la grammaire Mad Brains en matière d’élégance épurée est là pour nous séduire. 

Dans le club, c’est un savant habillage de tubes lumineux qui n’est pas sans évoquer les horloges digitales lumineuses, en version xxl. Ce qui frappe pourtant le plus c’est ce logo Mad Brains, en néon s’il vous plaît, qui brillera de sa blanche clarté tout au long de la nuit, tandis que de plaisantes variantes géométriques apparaissent ou disparaissent dans les tubes. 

Du côté de la grande salle, on est accueilli par un large rideau de scène de guirlandes-diodes, un peu comme ces protections contre les mouches à la campagne ( rappelez-vous ces lanières de plastique qui tombent de la porte d’entrée de Mamy Jacqueline ). En matière de déco, il en va des goûts comme des couleurs, ça passe ou ça casse et, comme si j’étais un peu l’arbitre des élégances, de nombreux fêtards viendront me confier leur étonnement devant l’apparente simplicité de ce dispositif. Là où le rideau de perles lumineuses devient magique pourtant c’est quand on commence à voir qu’il dessine des images en éclairant les diodes. Pour ma part c’est « classe » et efficace à la fois, surtout quand les jeux de lumière viennent balafrer le rideau.

Dans la petite salle, le show commence avec Vince Vega, fidèle coursier de l’écurie Mad Brains. Durant la première heure, la salle est presque vide ( ah le cruel exercice du warm up !) mais Vince ne se laisse pas démonter et nous acclimate en câlinant nos oreilles avec une house aussi suave que dansante. On se demande pourtant pourquoi ( les noctambules débarquent en meute vers minuit ) il est mis en concurrence amicale avec Tib’z qui, dès l’ouverture des portes officie dans la grande salle et qui lâche ses bombes sonores dans une salle déserte ou presque. Comme il va tenter de nous « chauffer » durant plus de trois heures, il aurait peut-être été préférable de n’ouvrir la grande salle que vers 23h, histoire de ne pas déshabiller Paul pour habiller Jacques.

Pour Tib’z c’est le baptême Cargö, et dans la grande salle en plus. Pour nos artistes locaux, c’est un peu l’accès à l’Olympe, une sorte de consécration régionale. Trois heures de Tib’Z donc, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il goûte sans réserve son plaisir au point d’en oublier parfois les règles de ce préliminaire érotique et musical du warm up en sautant à pieds joints dans une marmite de BPM chaud-bouillant. Un peu à l’image de ces grenouilles qui se laissent cuire dans une eau froide qu’on fait habilement tiédir puis bouillir, mon premier réflexe sera de sauter de cette marmite « caliente » pour ne pas mourir. Mais, fort heureusement pour lui, son choix radical ( et garanti sans vaseline) s’avérera payant et à mon retour sur scène, après les douces caresses house de Vince, c’est ( encore ) une petite salle bien dévergondée qui se trémousse de joie. 

Après lui,  c’est au tour du très attendu duo Bruderschaaft de chauffer la salle. Récemment inscrits au catalogue Mad Brains ils connaissent la salle pour y avoir montré une version initiale et exceptionnelle de leur « live » lors d’un Nordik de transition, il y a quelques années. C’est toujours aussi riche en armature rythmique mais le duo semble, live après live, radicaliser son approche et livre un show d’une heure d’une glaçante froideur, un peu comme ces rois de l’Olympe qui nous écrasent de leur splendeur martiale. Je ne boude pourtant pas mon plaisir de les retrouver et  fort heureusement quelques petites échappées mélodiques par ci par là me font reprendre la carte du parti Bruderschaaft.

Roulement de tambours, Steve Bicknell entre pour les remplacer. Avec lui, c’est un peu toute la mythique scène anglaise qui débarque, et je suis déjà en mode prosternation rien qu’en lisant son nom qui s’affiche en lettres de feu sur le rideau ( comme c’est plaisant de pouvoir ainsi éduquer un public qui vient parfois « bouffer » du son sans même se soucier du nom des artistes). Hélas, mille fois hélas, l’Olympe britannique semble avoir pris une sacrée claque dans la gueule et c’est une prestation bien bancale qu’il nous livre, des pistes décalés techniquement, des transitions à la hache, et durant les trente premières minutes c’est un florilège d’erreurs techniques de débutant qui pleut sur nous. Dans une grande salle de musique dite « classique » la salle aurait hurlé depuis bien longtemps, alors qu’ici, hormis quelques amis indignés autour de moi, personne ne semble entendre ces « canards » très fâcheux. C’est toujours un peu triste de voir une statue divine se briser, espérons seulement que ce n’est qu’une mauvaise passe.

Retour ( obligé) dans le club pour échapper à ce crépuscule des dieux et c’est le duo Spicy cuts qui s’éclate dans une house parfois poussée aux limites de son austérité minimale. Ça manque un peu de funky-Groovy à mon goût mais le duo s’entend à merveille pour nous faire entrer dans sa cuisine berlino-caennaise et, ma foi, le plat proposé est consistant comme une raclette bienvenue par ces froideurs hivernales.

Dernière « vedette internationale » à fouler notre sol normand ce soir, Robert Drewek. Avec lui, c’est un peu l’Allemagne House qui s’installe sur scène et, sans hésitation aucune, il impose son autorité avec maestria dans un club tout acquis à sa « kolossal » direction. Une bonne vieille house, pleine de langoureuses vocalises sensuelles et torrides, que demande le peuple ! 

Une fois encore, Mad Brains aura prouvé sa capacité à faire salle comble ( c’était complet avant même l’ouverture) et répondu avec force à celles et ceux qui pensaient enterrer un peu trop vite ce collectif. Avec une programmation ( et ses risques ) équilibrée entre forces locales et « parrains » historiques, ils prouvent à nouveau la nécessité d’une haute exigence artistique pour se maintenir en forme et le moins qu’on puisse dire c’est que le pari est réussi, et c’est en «  capo di tutti capi » ( la référence mafieuse est purement poétique) que Fred H et Ethereal Structure viennent clore respectivement la soirée dans les deux salles, à tout seigneur(s) tout honneur(s) ! Il y aura, assurément, d’autres événements signés Mad Brains dans l’année qui vient, mais c’est bien cette désormais classique soirée de décembre au Cargö qui permet au collectif de signaler une nouvelle fois la preuve de son indiscutable pertinence.

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