Le Puy du fou VS le fond du trou ….
Cinq mois que toute activité musicale ( electro ou pas ) est interdite, et on ne peut pas le dire plus posément. Cinq mois que les clubs, les boîtes de nuit, les café-musique, les discothèques sont fermés. Cinq mois que l’on se tait devant ce qui apparaît de plus en plus clairement comme une mise à l’index de toute une culture “jeune”. Cinq mois que, derrière un discours “adulte”, on impose, de fait, à toute une génération un silence total quand cela ne passe par une diabolisation de qui oserait juste crier sa frustration.
Et puis cette nouvelle qui tombe : les Cinéscénies du Puy du fou bénéficient d’une dérogation préfectorale pour accueillir 9000 personnes …. Après la phase de sidération ( mais n’oublions pas l’épisode des 12000 personnes à ces mêmes Cinéscénies le 24 juillet dernier ), vient nécessairement le temps (médiocre certes) de la jalousie. On se sermonne en se disant que le bonheur des uns ne doit pas nourrir la rancoeur des autres, on en vient même à intégrer une partie du discours démago-populiste du parc vendéen, avec son lot de charmantes anecdotes sur l’engagement de tous ces gentil (l) es bénévoles. Bref on se dit que la colère est mauvaise conseillère. Mais cette annonce récente du Préfet vendéen vient après une semaine de délires assassins autour d’une free party en Lozère. Des dizaines et des dizaines de papiers indignés devant l’inconséquence dramatiques des teufeurs, des chiffres, aussi invérifiables que divergents, nous annonçant 5, 7, 10, 12 ou 13 000 fous et folles qui osent ainsi braver l’autorité toute puissante du discours hygiéniste ambiant. Tout juste s’ils n’étaient pas accusés d’être les suppôts d’un Satan aussi bien musical que social. Et je vous passe toute la rhétorique sur l’inconséquence, l’égoïsme et l’hédonisme ravageur des jeunes ….
Pendant ce temps là, une ville, Caen, après quelques timides et salutaires initiatives ( merci L’Abreuvoir et sa grande “petite” scène electro), plonge à nouveau dans l’insupportable silence d’un “post” confinement qui n’a presque plus rien à envier à son grand frère , le confinement, l’officiel ! Certes la période est habituellement calme, la Préfecture, me dit-on, est plus, sourcilleuse que jamais et cadenasse, de fait, toute tentative de “live” même à l’échelle d’un bar. La frilosité, compréhensible, installe pour de longues semaines son austérité et pendant ce temps les artistes de la scène electo (tous les artistes musicaux d’ailleurs) en sont réduits à commenter les volte-face d’un Ministère de la Culture qui se fait rappeler à l’ordre sur la jauge des 5000 spectateurs !
Comment se projeter, comment espérer, tout simplement, devant ces incohérences, ces arbitraires préfectoraux, ces demi-poids, ces demi-mesures ? Et si le masque devient la norme incontournable pour toute vie sociale, comment justifier alors que son port ne puisse pas aussi être le sésame pour des événements musicaux entre adultes consentants, avertis, informés et bien évidemment contrôlés ? Il n’est tout simplement pas envisageable de penser que nous allons continuer à vivre ainsi, en attendant, impuissants, les décisions de tel ou tel préfet, les opportunismes politiques d’un maire qui brouillera habilement message prophylactique et communication populiste…
Certes, en période de covid, on ne remplit pas un Zénith comme le Caveau de la Huchette ou le Portobello, la question d’un pourcentage acceptable doit donc être posée. Mais l’exemple fâcheux et consternant du Puy du fou ajoute de la confusion ( du dégoût) à une situation qui fait qu’aujourd’hui l’activité du spectacle reste encore la plus touchée. Est-il si suicidaire ou inconséquent de tenter, par tous les moyens, de renouer avec une dimension festive de la musique ? Est-ce aberrant de penser qu’en donnant son nom et son contact ( une formalité de base en Allemagne même pour prendre un café), on puisse ensuite, librement, avec son masque, écouter un concert amplifié et, folie ultime, esquisser quelques petits tours de piste ? Est-ce tout simplement raisonnable que de pousser une jeunesse ( et quelques “vieux” dans mon genre) à une clandestinité sacrificielle qui flatterait en plus, pour de mauvaises raisons, un désastreux frisson de transgression ? Il va bien falloir que ces questions soient posées, en nous éloignant des hurlements déclinistes ou moraux. Si l’épidémie s’installe, il nous faudra vivre avec. Mais préserver la vie à tout prix n’a de sens que si la vie apporte son lot d’émotions poétiques. Il serait vraiment dommage de continuer à croire qu’au nom d’un puritanisme culturel on persiste à considérer les musiques amplifiées ( electro en tête) comme des victimes collatérales négligeables de notre bataille sanitaire.