Gros embouteillage “electro” samedi soir, avec la soirée Psytrance au BBC, une soirée Techno à la Demeurée et ( moins événementielle mais à ne pas négliger) une promesse joyeuse de Laohu et Kiper sonus au Portobello.

L’affiche proposée par Mad Brains à Saint-Contest ( La Demeurée) me faisait des yeux depuis quelques temps, tout d’abord parce qu”à quelques petits kilomètres du centre-ville, La Demeurée offre un dépaysement inégalable. Ferme transformée en véritable  friche culturelle par l’inlassable volonté d’une association, La Demeurée mérite plus que jamais notre attention. Certes, en plein hiver et par moins trois degrés à l’extérieur, la tentation bucolique en prend un sacré coup, mais la rusticité de lieu offrait, hier soir, un cadre encore plus cohérent avec l’austère et provocante proposition de Mad Brains.

On retrouvait donc l’habituelle distribution des lieux, un espace Chill sur la gauche, avec un bar qui n’avait pas besoin d’installations frigorifiques pour assurer la conservation des aliments ( et des boissons). Cet espace, cloisonné à présent, était jadis la grande salle de spectacle, avant les contraintes drastiques de la mise aux normes, et l’on ose à peine imaginer l’extraordinaire potentiel que cela pourrait représenter si cet espace pouvait à nouveau servir de “grande salle”. Sur la droite, la petite salle qui est le centre névralgique de la soirée. L’aménagement des lieux est minimal, deux lumières rouges, basta, mais cela convient parfaitement avec l’esprit musical de la soirée. 

Avec une humilité à saluer, Ethereal Structure  ( “blaze” derrière lequel se cache une des principales figures actives du collectif Mad brains) se charge du Warm up, et comme il se doit, ce dernier offre une sorte de condensé, encore soft mais déjà exigeant, du reste de la soirée. Les boucles musicales sont tirées, lissées et elles installent, sans crier gare, une petite radicalité où pointe ça et là des clins d’œil aux tonalités  “indus”.  La salle se remplit rapidement avec un public qu’on ne voit que rarement aux autres soirées. Des connaisseurs, des amateurs ? Qui sait, mais l’écoute semble complice dès le début. L’ambiance s’échauffe assez vite ( et c’est heureux, vu la température extérieure), on danse couvert mais “confort”, sauf peut-être pour les pieds ! 

Après le boss de Mad Brains, c’est Tib’z qui prend le relais, et si sa proposition forme une heureuse transition entre Ethereal Structure et les deux “live” qui vont suivre, on peut peut-être rester pantois devant le choix d’une piste de Developer qui “enjaille” à merveille une piste pour retomber immédiatement après dans un formalisme techno plus convenu.
Le “clou” de la soirée réside assurément dans l’annonce de deux prestations “live” successives, celle tout d’abord du local de l’étape BNMC et celle, enfin, de l’americano-berlinois Blush Response.

BNMC, durant les dix premières minutes, semblent réellement tâtonner avec ses machines, sans qu’on puisse saisir ce qui relève de la recherche sonore ou de l’impréparation. Lentement, un ton s’impose, rugueux et où dominent des timbres graves. Il faudra attendre les vingt dernières minutes de son “live” pour que sonnent des tonalités plus acides qui ouvrent enfin l’espace musical et viennent confirmer une solide maîtrise du “live” mais géré avec la grâce pataude d’un boucher ( derrière l’acronyme BNMC, se cache un nom complet qui assume et assure cette comparaison : Botched noise makers committee ! le comité des faiseurs de bruit bâclé , rien que çà !). 

Le choc Blush Response

Sans discussion aucune, la soirée culminera avec le “live” impétueux de Blush Response, encore jetlagué de son passage à Tokyo, deux jours avant. Tokyo, Saint-Contest …. on imagine à peine le grand écart esthétique et intellectuel que cela peut représenter.

Le “live” commence avec la citation presque parfaite du bruit que faisaient les anciens modems 56k quand ils cherchaient à se connecter, mais avec Blush Response, la citation bruitiste devient matière sonore propre à toutes les triturations, toutes les perturbations, en profondeur, en volume, en vitesse. Sans que cela perturbe trop le public, on part, toute séance tenante, pour une heure de folle expérience musicale, entre concert, performance et dance-floor au bord de l’iceberg ! Après le “modem”, c’est au tour de cloches de village ( ou seraient-ce celles d’un beffroi ?). Pur plaisir d’esthète peut-être, plaisir d’assister à une quête de “son”, pure et intransigeante, toutes les nouvelles ambiances proposées par le musicien sont autant d’ouvertures poétiques vers des résonances intimes chez l’auditeur ( à ce stade on n’est plus danseur !). Pour ma part, des cloches de beffroi donc, comme si elles surgissaient d’un vieil enregistrement de mon cerveau, puis viennent ces vols  d’étourneaux métalliques ( et mécaniques) qui s’enfuient dans un son inédit mais que ma mémoire semble retrouver, ou espérer. Le son est si dense, l’expérience si finement provocante qu’elle exige de nous autres, les spectateurs-auditeurs, une concentration maximale, une dévotion laïque à ce culte au “son” qui nous est offert. Ensuite, toujours dans ces images sonores  qui semblent surgir d’un refoulé enfin libéré, une voiture qui ne veut pas démarrer,  mais cet “accident” mécanique, en boucles infinies, se condense, jusqu’à devenir une perle concentrant toute la puissance du bruit, élevé ici au stade de bombe primaire, et ça explose, ça claque, ca revient, et le bruit de moteur se dilate à nouveau, redevient presque réaliste pour se fondre ensuite dans un kick qui en cristallise la force et le tempo.  

Pour ma part, l’expérience Cave Caenem n’a d’intérêt que pour de tels moments, puisqu’ils m’obligent à mettre des mots sur une expérience sensorielle inédite et marquante. Je ne sais pas si je parviens à transmettre un peu de ce moment intense proposé hier soir dans cette ferme improbable, mais le défi intellectuel (et sensible) imposé par le live incandescent de Blush Response exigeait de ma part cette tentative. Merci infiniment à Mad Brains pour cette proposition, et cette incursion audacieuse dans ce que la musique offrait de plus radical et de plus envoûtant à la fois !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *